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4h44 Dernier jour sur Terre

Par Tedsifflera3fois

Sorti deux jours avant le fameux 21/12/2012, 4h44 Dernier jour sur Terre est une nouvelle façon d’aborder la fin du monde, à des années lumières des catastrophes spectaculaires du 2012 de Roland Emmerich ou de la beauté inquiétante du Melancholia de Lars von Trier. Ici, l’heure précise est connue d’avance, rien n’est plus à faire. Et les personnages piétinent et balbutient, incapables de trouver comment occuper ces derniers instants.

Synopsis : New York. Cisco et Skye s’apprêtent à passer leur dernier après-midi ensemble. Demain, à 4h44, le monde disparaîtra.

4h44 Dernier jour sur Terre - critique
Le sujet de départ et la manière de l’aborder sont passionnants. Demain matin, à 4h44, ce sera la fin du monde. Une fin du monde calculée par les scientifiques, et à laquelle on ne peut plus rien. Ce qui est très fort dans le film, c’est que chacun sait, c’est que personne ne remet sérieusement en question l’apocalypse. Certes, le doute existe toujours, mais tous les personnages attendent inexorablement que l’humanité termine son histoire.

Pas de sauvetage épique, pas de monuments s’écroulant sous le poids de la catastrophe, pas de survivant isolé luttant pour continuer un peu le chemin. Non, juste des hommes et des femmes ordinaires qui attendent, tristement ou joyeusement, camouflant leur détresse comme ils peuvent, choisissant les derniers instants de vie comme on choisit comment terminer une soirée. Rien n’a plus d’importance qu’autre chose quand tout finit dans quelques instants. La mort de tout ne laisse rien derrière elle : la vie est rendue dérisoire et chacun cherche désespérément une spiritualité à laquelle se raccrocher.

Le film s’attache à l’intimité d’une fin du monde. C’est la très belle idée d’Abel Ferrara de rendre ce moment crucial presque anodin : on ne peut rien y faire, on ne peut que patienter en compagnie d’un couple replié sur lui-même. Pourtant, et c’est aussi un point captivant du film, le huis clos à l’heure du web est ouvert sur le monde : les écrans sont partout, qu’il s’agisse des flux d’images de la télévision, d’Internet et des smartphones, ou bien qu’on essaie de communiquer une dernière fois virtuellement avec ses proches (qui n’ont plus de proches que le nom). On voudrait régler les derniers comptes, dire quelques mots d’amour, se rapprocher de sa famille, retrouver de vieux amis peut-être. Mais on n’arrange pas une vie en un dernier jour, encore moins par écran interposé. L’illusion d’un monde entièrement à disposition est aussi celle d’avoir un quelconque pouvoir sur les choses et les gens. En dépit de l’instantanéité, toutes les gesticulations restent vaines.

Cisco s’interroge sur la manière de passer ce dernier moment : il aimerait oublier, dans la fête, dans la drogue, dans le sexe. Skye veut continuer ce qui lui parait important : aimer et créer. La sérénité n’est qu’une façade, la rébellion n’est plus possible. C’est la fin de toutes les possibilités, de tous les choix, puisque tous les choix sont finalement égaux. Alors pour occuper un dernier jour sur Terre, il ne peut y avoir que l’errance, il ne peut y avoir que du vide.

C’est aussi le défaut du film de se complaire dans ce vide, de se répéter continuellement comme pour transmettre l’état d’esprit de personnages qui tournent en rond. 1h22 d’attente peut paraître bien long, quand on n’attend rien. Abel Ferrara aurait sans doute pu raconter la même chose sous la forme d’un court métrage intense. C’est surtout la philosophie mystico-bouddhiste qui épuise : on est souvent face à un charabia d’images panthéistes, une bouillie de propos convenus, un désordre new age dont ne ressort que la musique, souvent captivante.

4h44 Dernier jour sur Terre est convaincant quand il illustre les dangers écologiques auxquels nous nous exposons. On aimerait même pouvoir suivre sa colère noire contre l’inconscience des hommes, mais on reste un peu extérieurs. Il y avait sans doute des moyens plus simples et plus crédibles de se révolter contre l’imprudence de l’être humain. Et surtout de dire que les seules choses qui comptent vraiment lors de notre passage sur terre, c’est le moment présent, et c’est l’autre. Comme le dit Skye à la fin : « all we have is right now, all we have is each other ». Tout le reste est pure impuissance. Le film d’Abel Ferrara dépeint un moment où cette impuissance est portée à son paroxysme, et en effet, alors il ne reste plus rien que maintenant et que ce qu’on est les uns pour les autres. Comme dans le Melancholia de Lars Von Trier, alors il ne reste plus rien qu’une étreinte.

Note : 6/10

4h44 Dernier jour sur Terre (titre original : 4:44 Last day on Earth)
Un film d’Abel Ferrara avec Willem Dafoe, Shanyn Leigh et Natasha Lyonne
Drame, Science-fiction – USA, Suisse, France – 1h22 – Sorti le 19 décembre 2012


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