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Le modèle cinématographique français remis en question

Par Edelit @TransacEDHEC

Avec Gérard Depardieu en partance pour l’étranger, c’est une polémique différente de la taxation des plus hauts revenus qui transpire. C’est en substance la remise en cause de la rémunération des grandes stars du cinéma française, et donc au travers de cela le système entier qui est remis en question ; un système qui a pendant longtemps fait figure d’exception, et qui est maintenant dénigré.

Le fait que Mr Depardieu ait fui à l’étranger est symptomatique, les vives réactions qui en ont découlé sont alarmantes. Chacun y allant de sa contribution, de son communiqué, de son soutien ou au contraire de son rejet, l’ensemble du cinéma français se couvre de ridicule. C’est la tribune de Philippe Torreton, comédien, intitulée « Alors Gérard, t’as les boules ? », qui met le feu aux poudres, après que le premier ministre ait qualifié sa fuite de « minable ». Le comédien y décrit son sentiment dans un style imagé et mordant sur la polémique qui agite le monde du cinéma français, attaquant l’acteur sur son choix d’exil fiscal. Il va jusqu’à réutiliser des passages de Cyrano de Bergerac (rôle phare de Depardieu) pour le critiquer. Il n’en fallait pas autant pour provoquer un tollé autant dans les rangs des politiques, que des artistes. Comme ça Mr Depardieu voudrait fuir la France et son régime fiscal pour des territoires plus accueillants ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Même si le discours de l’acteur est maladroit (notamment sur la grande démocratie de Russie, et ceci à quelques kilomètres des usines où les ouvriers travaillent dans des conditions parfois déplorables), la campagne de dénigrement dont il fait l’objet ne fait pas honneur à ceux qui la mènent. Entre les membres du gouvernement ravis de pouvoir détourner l’attention de la foule, et certains artistes aigris de ne pouvoir jouir de la même fortune que Gérard Depardieu.

Cependant nul besoin de s’attarder sur une polémique qui ne fait que trop durer, car cela montre autre chose, un malaise au sein même du monde du cinéma. Alors il faut se demander : pourquoi Gérard Depardieu fuit-il le fisc ? En d’autres termes, comment a-t-il pu devenir si riche ? La réponse est simple, il n’a fait que vivre au sein d’un système ancré dans le paysage culturel français depuis longtemps. C’est, au-delà de la richesse de Mr Depardieu, le système en tant que tel qui est fautif, Gérard Depardieu ne faisant qu’être là au bon endroit au bon moment. C’est alors que la tribune de Vincent Maraval, distributeur et producteur, fondateur de la société de distribution de films Wild Bunch, dans Le Monde, est publiée révélant ce que peu osent dire, mais ce dont chacun profite. Le cinéma français repose en grande partie sur les fonds du CNC, sur des fonds publics. Et les acteurs français sont riches à millions de l’argent public et du système de financement à la française. Cela semble insensé mais est pourtant bien réel. La France jouit certes d’un cinéma prolifique, mais celui-ci est en échec commercial (un seul film du top dix est rentable). En effet, ces subventions permettent au cinéma de vivre, elles lui permettent même de bien trop vivre. Nombreux sont les acteurs vedettes jouissant de cachets bien supérieurs à ceux d’autres à l’étranger (Benicio Del Toro, pour le Che, a touché moins que François-Xavier Demaison dans n’importe lequel des films dans lesquels il a joué) ou se contentant de ce qu’ils obtiennent (Vincent Cassel dans Black Swan (226 millions d’euros de recettes monde) touche 226 000 euros et pour Mesrine (22,6 millions d’euros de recettes monde), 1,5 million d’euros).

En somme, le système de financement permet à certains acteurs d’être payés une fortune pour un film qui sera un échec, et cela avec l’argent public. Il est sans aucun doute plus aisé pour certains de s’attaquer à un unique acteur dont l’action n’est pas louable, que d’affronter le puissant lobby des acteurs qui auront à priori l’appui de l’opinion publique. Le système n’est pas près de bouger (le président du CNC refuse toute idée allant dans ce sens), quand bien même il permet l’éclosion de nombreux projets variés, cela ne peut être une raison à l’opulence. D’autant plus que ce dernier est en échec, la remise récente des Golden Globes mettent en lumière ses faiblesses, les films français « Intouchables » et « De rouille et d’os » sont rentrés bredouille. Il semblerait enfin qu’ils pourraient s’apercevoir que le tiroir a un fond.

Clément Rollin


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