Derrière chaque film il y a un auteur, quand la logique de la société de production ne prend pas le dessus. En 2012, de nombreux grands réalisateurs étaient au rendez-vous, de Steven Spielberg à Jacques Audiard en passant par Ken Loach. Des triomphes, des catastrophes, des retours, des surprises : petit tour d’horizon des cinéastes.
Michael Haneke et sa Palme d’or pour son film Amour
Trois cinéastes au sommet
Le Festival de Cannes 2009 offrait sa Palme d’or au Ruban blanc de l’autrichien Michael Haneke et son Grand Prix au Prophète du français Jacques Audiard. Il s’agissait effectivement de deux des films les plus saisissants de l’année. En février 2010 sortait un film d’animation très enthousiasmant, le Fantastique Mr. Fox de l’américain Wes Anderson.
En 2012, ces trois cinéastes sont de nouveau à l’honneur avec leur film suivant. Les trois ont eu l’honneur de la croisette et c’est encore Haneke qui a triomphé. Tout comme Isabelle Huppert 3 ans avant lui, Nanni Moretti, président du jury, lui a une nouvelle fois remis la prestigieuse Palme d’or pour Amour. Audiard et Anderson eux, ont été oubliés par le jury. Pourtant, Audiard reste aux sommets avec De rouille et d’os, un film dense et intense, une petite merveille de cinéma. Quant à Wes Anderson, il livre peut-être son plus beau film, une aventure romantique délicate et décalée, sans doute la sucrerie la plus réjouissante de l’année.
Le film le plus intense de l’année : De rouille et d’os (de Jacques Audiard)
Le film le plus réjouissant de l’année : Moonrise Kingdom (de Wes Anderson)
Le film le plus glacial de l’année : Amour (de Michael Haneke)
De rouille et d’os, le film le plus intense de 2012
Le rêve et l’évasion : deux réalisateurs qui croient aux pouvoirs magiques du cinéma
D’autres grands cinéastes ont eu l’occasion cette année d’enrichir leur œuvre : parmi eux, citons notamment Steven Spielberg et Ang Lee qui continuent à nous faire rêver sur très grand écran. Le premier, définitivement l’un des monstres vivants du septième art, continue d’impressionner avec son Cheval de guerre : il sublime un thème peu attractif par une réalisation époustouflante et revient aux sources de son cinéma. Entre Indiana Jones et le Soldat Ryan, entre E.T. et Tintin, Spielberg continue d’émerveiller l’enfant qui sommeille en chaque spectateur. Ang Lee, à la filmographie beaucoup plus irrégulière, livre pour sa part son meilleur film depuis Tigres et dragons avec L’Odyssée de Pi une aventure saisissante et moins naïve qu’il n’y parait.
Le film le plus candide et féérique de l’année : Cheval de guerre (de Steven Spielberg)
Le film le plus impressionnant de l’année : L’Odyssée de Pi (de Ang Lee)
L’Odyssée de Pi, le film le plus impressionnant de 2012
Quelques autres noms mythiques du septième art
Le come-back de l’année est à mettre au crédit de Leos Carax. 13 ans après son dernier film, l’enfant terrible du cinéma français expérimente toujours avec l’œuvre la plus surprenante de l’année, Holy Motors, injustement boudé lui aussi par le jury cannois.
Ken Loach livre un nouveau Ken Loach (La Part des anges, séduisant), Woody Allen un nouveau Woody Allen (To Rome with love, dans lequel il continue son tour d’Europe quitte à s’essouffler), Denis Podalydès un nouveau Podalydès (Adieu Berthe, drôle et tendre), et Tim Burton deux nouveaux Tim Burton (Frankenweenie, classique et sympathique et Dark Shadows, classique et raté).
Le cinéaste coréen Hong Sang-Soo nous offre lui aussi deux films (Matins calmes à Séoul et le très joli In another country dans lequel il explore justement les motifs de la répétition et de la variation, avec au passage l’un des plus beaux rôles d’Isabelle Huppert). Abbas Kiarostami, lui, est allé tourner au Japon son Like someone in love dans lequel il poursuit sa réflexion sur les faux-semblants entamée dans Copie conforme. François Ozon n’est pas loin de ces considérations sur l’ambitieux (mais inégal) Dans la maison.
Le film le plus surprenant et original de l’année : Holy Motors (de Leos Carax)
Le film le plus tendre : Adieu Berthe – L’enterrement de mémé (de Denis Podalydès)
Holy Motors, le film le plus taré de 2012
Notons enfin, pour finir avec les grands réalisateurs, qu’à 77 ans, William Friedkin ne perd pas la main : son Killer Joe est l’un des films les plus violemment séduisants de l’année. Abel Ferrara nous laisse rêveur face au Dernier jour sur Terre. Ridley Scott, qui aura perdu son frère cette année (Tony Scott, le réalisateur de Top Gun et True Romance), sera revenu aux origines avec Prometheus, inspiré de la saga Alien. En France, Benoît Jacquot livre Les Adieux à la reine, un film inquiétant dont on retient notamment un magnifique plan-séquence dans les couloirs de Versailles.
Le plus beau plan-séquence de l’année : Les Adieux à la reine (de Benoît Jacquot)
Le film le plus glauque et malsain de l’année : Killer Joe (de William Friedkin)
Des cinéastes qui confirment tout le bien qu’on pensait d’eux
Certains ne sont pas encore des vieux de la vieille, mais ils deviennent des cinéastes avec qui il faut compter. Il y a d’abord le jeune canadien Xavier Dolan qui s’améliore à chaque film et qui livre l’une des pépites de l’année, le film le plus démesuré de 2012, Laurence Anyways. Nous avons aussi pu découvrir cette année un film de 2004 de l’iranien Asghar Farhadi (sorti en France grâce au succès l’année dernière d’Une séparation), le très beau Les enfants de Belle Ville. Fin du tour du monde avec le Japon : après le mélancolique Still walking, Hirokazu Kore-Eda nous offre I wish, un très joli conte sur l’enfance.
Côté cinéma européen, Kervern et Délépine explorent toujours leur univers dépressif et décalé mais Le Grand soir est sans doute leur film le plus mature et le plus abouti. Le roumain Cristian Mungiu, après sa Palme d’or pour 4 mois 3 semaines 2 jours, gagne le Grand Prix avec le saisissant Au-delà des collines, l’un des films les plus noirs de l’année.
Et le britannique Joe Wright continue de filmer Keira Knightley en costumes (après Orgueil et préjugés et Reviens-moi) dans Anna Karenine, un film à la mise en scène surprenante et enthousiasmante. La plus belle scène de danse de l’année aussi, et ce en dépit des quelques jolis moments de Main dans la main. Pour son troisième film, Valérie Donzelli ne réitère pas le succès rafraichissant de La Guerre est déclarée, et s’il ne faut pas bouder les qualités de sa dernière romance, il faut avouer qu’elle est un peu bâclée.
Côté américain enfin, Christopher Nolan clôt sa trilogie Batman avec élégance, sans atteindre le génie de son Dark Knight.
Le film le plus punk de l’année : Le Grand soir (de Benoît Délépine et Gustave Kervern)
Le film le plus noir et étouffant de l’année : Au-delà des collines (de Cristian Mungiu)
Le film le plus romantique et démesuré : Laurence Anyways (de Xavier Dolan)
Laurence Anyways, le film le plus romantique de 2012
Des jeunes auteurs qui émergent
Quelques jeunes cinéastes sont à surveiller de près. Après l’épatant Morse, le suédois Tomas Alfredson livre La Taupe, le film le plus cérébral de l’année, un thriller d’espionnage complexe, parfois un peu trop. Après l’étonnant Rubber, Quentin Dupieux continue à étonner : Wrong n’est pas complètement réussi, mais il reste le film le plus taré de 2012. Et après son superbe Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, l’américain Andrew Dominik livre un film ingrat mais fascinant avec Cogan.
Le film le plus cérébral de l’année : La Taupe (de Tomas Alfredson)
Le film le plus taré de l’année : Wrong (de Quentin Dupieux)
Le film le plus politique de l’année : Cogan, Killing them softly (de Andrew Dominik)
Les plus belles surprises viennent de deux réalisateurs britanniques, David MacKenzie et Ben Wheatley, qui ont tous les deux sorti deux films cette année. Pour le premier, c’est surtout Perfect sense qui marque. Contrairement à la comédie Rock’n’Love, Perfect sense est une tragédie âpre et captivante, sans doute le meilleur scénario de l’année. Ben Wheatley s’est lui fait remarquer avec Kill List et Touristes. Ce dernier film est une petite perle d’humour décalé, de mauvais esprit libérateur et d’inquiétude politique.
Le film le plus fascinant de l’année : Perfect Sense (de David MacKenzie)
Le film le plus méchamment drôle de l’année : Touristes (de Ben Wheatley)
Perfect sense, le film le plus fascinant de 2012
Des premiers films qui comptent
Côté premiers films, c’est le belge Michaël J. Roskam qui impressionne le plus avec son Bullhead, le choc cinéma de l’année. Mais l’américain Benh Zeitlin le talonne de près, et son merveilleux Les Bêtes du sud sauvage méritait bien sa Caméra d’or à Cannes. Côté français, c’est Régis Roinsard qui s’est imposé en prenant en main dès son premier film une grande production et en en faisant une comédie au charme rétro. Populaire est le film le plus frais de l’année.
Le choc de l’année : Bullhead (de Michaël J. Roskam)
Le film le plus émouvant de l’année : Les Bêtes du sud sauvage (de Benh Zeitlin)
Le film le plus frais de l’année : Populaire (de Régis Roinsard)
Bullhead, le choc de 2012
Les grands réalisateurs qui se sont plantés
Pour finir, quelques ratés. La perle pour David Cronenberg : Cosmopolis est prétentieux et vide, le film le plus toc de 2012. Alain Resnais déçoit terriblement avec Vous n’avez encore rien vu (c’est rien de le dire) qui pêche notamment par narcissisme. Les frères Taviani filment aussi une pièce de théâtre : tant pis pour nous, ce n’est pas plus enthousiasmant.
Sam Mendes se laisse bouffer par la franchise James Bond et livre un film impersonnel et inintéressant. Walter Salles est étouffé par l’ampleur de l’œuvre qu’il a essayé d’adapter. Son Sur la route est ennuyeux comme jamais. Ennuyeux : c’est aussi le cas du dernier Clint Eastwood (J. Edgar), un film sans souffle et sans magie, et de Young Adult, signé Jason Reitman, une comédie lourde et mal rythmée (premier véritable échec pour le réalisateur de Thank you for smoking et Juno).
Le film le plus toc de l’année : Cosmopolis (de David Cronenberg)
Le film le plus impersonnel de l’année : Skyfall (de Sam Mendes)
Le film le plus regrettablement chiant de l’année : Sur la route (de Walter Salles)
Cosmopolis, le film le plus prétentieux et vide de 2012
Pour certains, l’inventivité n’est pas de mise cette année. Peter Jackson bégaye sa Terre du Milieu avec son premier Hobbit. C’est long. Guy Ritchie bégaye son Sherlock Holmes (c’est plus vivant, mais tout aussi oubliable), Julie Delpy bégaye son 2 days in Paris dans New York, David Fincher bégaye une adaptation de Millenium qu’on avait trouvé certes moins classieuse mais plus trépidante quand le suédois Niels Arden Oplev était à la mise en scène. Michel Ocelot bégaye son Kirikou, Blue Sky son Age des glaces, Pixar bégaye son Disney dans Rebelle, DreamWorks son Madagascar (quand il ne livre pas l’épouvantable Les Cinq légendes).
Au contraire, Francis Ford Coppola essaie toujours d’inventer, mais son Twixt sonne faux. On aurait aimé mieux tant il y avait matière à du beau, mais en fait c’est assez moche et le scénario est follement vaseux. Stephen Daldry s’embrouille avec un film extrêmement naïf et incroyablement bof. Costa-Gavras continue le combat politique avec pertinence mais sans finesse (Le Capital).
Le film le plus déjà-vu de l’année : Le Hobbit, un voyage inattendu (de Peter Jackson)
Le film le plus fumeux de l’année : Twixt (de Francis Ford Coppola)
Finissons sur deux succès peu mérités : d’abord le triomphe aux Golden Globes de Ben Affleck. Argo est certes un film bien fait, mais plutôt branché qu’intelligent. Gone Baby Gone était beaucoup mieux. Enfin le succès critique et cannois de La Chasse de Vinterberg. Un film maladroit qui reprend pourtant les thématiques de l’excellent Festen.
Le film le plus surestimé de l’année : Argo (de Ben Affleck)
Voir aussi : Bilan cinéma 2012 (1) – Le Top 20