Au vu du succès rencontré par les salons off de Loire et de la qualité globale des vins proposés à la dégustation, des Greniers Saint-Jean aux caves divines et troglodytiques de Brézé, en passant par le logis du Gouverneur et l'anonyme Collégiale Saint-Martin, il ne faut pas être bien fûté, ni même meilleur dégustateur français du monde, pour se rendre compte que l'avenir de la viticulture de qualité se situe bien dans cette voie biologique, biodynamique, voire même nature. L'élite de la production française, voire mondiale, ne s'y trompe d'ailleurs pas, n'hésitant pas à entamer une démarche de certification officielle "par pure honnêté", tandis que les vignerons bio ou biodynamiques précurseurs, qui le font uniquement par conviction profonde, ne sont sans doute que de vulgaires trompeurs sur la marchandise, puisque leurs vins ne font même pas partie, pour la plupart, du bottin &D mondain des meilleurs vins de la planète. Il est sans doute plus facile de se draper dans sa dignité que de venir goûter avec la plèbe.
Il faut dire que ce week-end-là, dans la Loire, on pouvait croiser un certain nombre de tronches. Des Tronches de vin, authentiques vignerons, des cavistes qu'ont d'la gueule, des tronches sympathisantes, de la bloglouglou ou d'ailleurs. De bonnes trognes ou de jolis minois, dont la particularité fut d'avoir l'œil gauche allumé et pétillant derrière son Spiegelau expert. Pour les gauchers, ce fut parfois le droit, pour d'autres l'oreille, qu'on leur accorde bien volontiers, à la manière de César.
À tout seigneur, tout honneur. Monsieur Tolmer lui-même, dit Toto, dit Mimi, reconverti en vendeur de tee-shirt pour l'occasion. On ne le remerciera jamais assez de nous avoir proposé une aussi belle couverture et on ne lui en voudra même pas de ne pas avoir respecté la consigne et d'avoir préféré son oreille droite à l'œil gauche pour y poser son verre. Le privilège de l'artiste!
À ses côtés, fortement diminué, parce que cloué sur une chaise en raison d'une mauvaise douleur contractée lors d'un effort de débouchage trop violent, Monsieur Quesnot, dit Fifi, dit PQ, âme pensante de Glougueule. Il avait beaucoup trop mal pour ne pas respecter la consigne, même s'il a fallu faire plusieurs prises pour ne pas être obligé de proposer à la foule en délire un cliché grimaçant.
Enfin une dame, du genre qui n'arrête pas de semer son petit grain d'orge dans la Loire, à droite à gauche, et qui ne savait pas encore, à l'heure où la photo a été prise, qu'elle serait promue star mondiale en devenant lauréate du 7ème Wine Blog Trophy, après avoir écrasé à plate couture un catalan d'adoption, inapte à reconnaître quelques vins de Loire mal embouchés, le palais sans doute gâté, la veille au soir, par quelque pinot noir techno-nature.
Flash-back et retour aux Greniers Saint-Jean, en ce samedi matin 2 février. Démarrage en roue libre, dès l'ouverture. Les vignerons ne sont pas tous très matinaux. Un peu de Champagne pour la mise en bouche, celui de Marie Courtin et Dominique Moreau, levées dès l'Aube pour faire goûter 3 cuvées en totale Résonance et Concordance, cette dernière sans soufre ajouté pendant la vinification. Quelques rouges à suivre, en Beaujolais et Saint-Jo, chez Michel Guignier et Jean Delobre. En jour Tronches, force est de reconnaître que les rouges ne goûtaient pas bien et que, à chaque fois, une amertume finale est venue parasiter la dégustation de deux domaines que j'apprécie d'ordinaire beaucoup.
Et puis, Gramenon et Michèle Aubéry. Qui propose à la dégustation les 2012. J'ai beaucoup aimé Sierra du Sud, proposée également dans une version 2011 collector, élevée 14 mois en fûts, dense et pleine. La Sagesse 12 en est déjà pleine et la Mémé n'est toujours pas bonne pour la maison de retraite. Un embryon de Mémé qui promet même déjà beaucoup pour plus tard.
Des jolis minois du vin, on en croise régulièrement dans les travées des Greniers, dont certains qui n'ont pas hésité à traverser des océans pour venir boire à la source, avant de le faire sur le Web. Ça aussi, ça a d'la gueule!
Les Greniers à peine dépoussiérés, il était déjà l'heure de faire une pause. Poser les rames juste un instant et gagner Une Île, dans la mesure du possible. Y retrouver des Dealers de vins et un Ami Chenin, se ressourcer à grands coups de Vin Jaune 2004 de Fanfan Ganevat et de Souteronne d'Hervé Souhaut, en accompagnement d'un simple et joli menu du marché.
Une fois les petits gris et le bœuf avalés, retour aux Greniers pour continuer à collectionner des Tronches et goûter un peu aussi. Étape à Chablis pour se délecter des 2011 des de Moor, qui auraient largement mérité d'être tronchisés, mais voilà, il a fallu faire des choix, parfois cruels (mais on se rattrapera, ils seront dans le tome 2, c'est sûr). Un aligoté juste enivrant et des Chablis vivants, mention particulière à Rosette, à la finale vibrante. Juste à côté, c'est-à-dire pas trop loin, Athénais de Béru, rien à voir avec San Antonio, faisait aussi goûter ses 2011. Un style à l'opposé de celui des de Moor, mais une belle définition des terroirs. Joli!
Autre grand moment, la dégustation, toujours épatante, des vins de Julien Guillot, fier descendant des moynes de Cruzille et gardien de leurs vignes. Les Vignes du Mayne sont en bio depuis le premier millénaire et ce n'est pas maintenant que ça va changer!
No te lo do io il vino naturale italiano! Après avoir passé la première (les jolis Montalcino de la belle Stella di Campalto), on monte tout de suite la seconde, pour un petit voyage en Toscane plutôt réussi, avec le Chianti classico de Silvio Messana, gentleman farmer biodynamique à Montesecundo. Avant de se noyer dans le Granato en compagnie d'Elisabetta Foradori. Mamma mia...!
À suivre...
Olif
P.S.: Tronches de vin à peine imprimé qu'il est déjà relié et mis en cartons, direction les Éditions de L'Épure, où l'on peut déjà le commander en direct. C'est pas beau, ça?
P.S.2: le Taulier s'est fendu d'un joli billet et d'une interview de ma pomme, à l'occasion de la future sortie de Tronches de vin.
P.S.3: La Pipette relate également avec beaucoup de justesse l'historique de cette grande aventure.