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Educateurs, prescripteurs, consommateurs

Par Mauss

On tend beaucoup, ces temps ci, à mélanger un peu les genres, ou plutôt les actions/responsabilités de ces trois entités.

On reste ici dans le monde du vin.

Educateurs :

Ne serait-ce que par le contenu de leurs discours respectifs, des critiques comme Michel Bettane et Antonio Galloni se placent clairement dans la catégorie des éducateurs. en ce sens que leurs commentaires en matière de vins sont là pour que l'amateur qui les lit se forge sa propre façon de comprendre et apprécier le vin. Ils ne veulent surtout pas imposer leur goût. Ils expliquent le comment et le pourquoi de leurs choix.

Ils prennent soin de nous dire ce qu'il faut rechercher dans le vin, avec naturellement une kyrielle d'exemples à la clé, mais sans nous forcer à les suivre.

Prescripteurs :

Ils commencent à faire florès sur le net, à commencer par cet américain Vander machin chose (sorry, je n'ai plus son nom en tête) qui, lors d'émissions TV de belle hilarité basique, déguste et commente un ou plusieurs crus que bien des téléspectateurs se pressent d'acquérir in petto. C'est une formule qui va sans doute se développer. Un sommelier allemand fait la même chose chez lui, et le site "vins" du Figaro est un peu dans la même formule. Mais au moins c'est clair : le commentaire journalistique appuie une proposition commerciale, et en toute transparence.

Le dernier support "papier" ayant encore un rôle sensible en la matière reste le WINE SPECTATOR de Marvin Shanken, l'outil de base de bien des sommeliers et cavistes américains.

Consommateurs passifs :

Ne jamais oublier que personne ne lui met un pistolet contre la tempe, l'obligeant à acquérir tel ou tel vin. Fondamentalement, il est, doit devenir ou rester un homme libre en la matière. Bien sûr, nous sommes tous ± touchés par les messages publicitaires et, consciemment ou non, nous les suivons, que ce soit par paresse intellectuelle ou par besoin de paraître "dans le vent".

Consommateurs actifs :

Avec Internet, cette nouvelle catégorie se fait jour et se développe exponentiellement. C'est assez funny comme approche par ailleurs, car on y décèle, dans cette approche communicative, un enthousiasme, une volonté farouche d'imposer ses idées, inversement proportionnelle aux expériences vécues avec le vin défendu. On veut dire par là que sur la base d'une seule dégustation d'un seul millésime, et sans en expliciter les circonstances pourtant déterminantes, un consommateur de base croit donner une opinion définitive sur ce cru. C'en est touchant de simplisme.

Outil utilisé : des forums, des blogs, des sites que l'on compte presque par milliers.

L'HISTOIRE

Etait-ce mieux "avant" ? Avant l'internet je veux dire. D'abord, il faut relativiser les choses. En matière de vins, pendant des lustres, seuls quelques fondus suivaient une revue comme la RVF. Mais on la suivait très concrètement. Je veux dire par là, en prenant un exemple classique, à savoir la rubrique "coup de coeur" de Michel Bettane, que ce qu'il recommandait comme vin du mois était souvent suivi d'achats immédiats et relativement importants, au point que le producteur en sentait les effets. Demandez à Jean Guyon ce qu'il en pense.

Aujourd'hui, le seul critique qui a fait bouger les stocks - et encore sur une petite poignée de régions - c'est Robert Parker. On sait pourquoi : les réussites financières qu'il a permis de réaliser dans les années 80, son système de notes sur 100, et une réelle passion pour un style de vins, au point qu'il a pu imposer - à son corps défendant - une évolution bien ou mal comprise, à une génération de producteurs soucieux d'avoir de bonnes notes chez lui.

Bref : il y a une telle diffusion d'informations, une telle augmentation des amateurs dans de nouveaux pays, qu'il y a une réelle dilution de l'origine ± certifiée des actes d'achat des consommateurs.

Devant cet état de fait, bien des producteurs ne savent plus trop à quel saint se vouer : les salons coûteux dont le nombre explose ? Les Guides annuels avec leur propre coups de coeur ? Les sites internet ayant le plus fort taux de visites ? Les noms "anciens" un peu connus comme Jancis Robinson, Tanzer, Meadows, B+D ?

Vaut-il mieux faire sa propre promo sur un site dédié ? Faut-il rester impérativement neutre devant les critiques, qu'elles soient positives ou négatives ? Bien des incertitudes existent en la matière.

On s'oriente vers de nouveaux modes de communication qu'on peut, sans trop de risque d'erreur, qualifier de simplistes, tant il est vrai qu'on est beaucoup plus dans une période d'immédiat que de réflexion. 

Néanmoins, on peut espérer que dans ce nouveau magma de la communication, il restera toujours quelques noms-phares dont l'approche sera réfléchie et solidement argumentée sur des expériences professionnelles. Un exemple type : la revue THE WORLD OF FINE WINE. Mais on voit là immédiatement les limites : elle reste malheureusement hyper-confidentielle. Il suffit de constater à quel point des grands domaines n'en connaissent même pas l'existence ! 

Bref : il y a du boulot !


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