Magazine Le vin

Le monde du vin par Jacky Rigaux : extrêmement long

Publié le 01 mars 2013 par Mauss

Voilà une conférence que Jacky Rigaux m'autorise à publier sur ce blog. Il a présenté ce travail dans différentes villes européennes et, ce qui fera certainement l'objet d'une publication chez un éditeur, mérite d'être lu, discuté, commenté.

C'est très long pour la formule "internet". Mais plutôt que d'en faire plusieurs morceaux, j'ai préféré le publier en entier. Il vous sera facile, par un copier-coller de le remettre sous word et de le lire alors par chapitre, tranquillement.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jacky Rigaux est enseignant à Dijon et un amoureux-spécialiste de la Bourgogne comme il y en a peu.

Merci Jacky pour cette autorisation.

VIN DE TERROIR OU VIN TECHNOLOGIQUE, FAUT-IL CHOISIR ?

Jacky Rigaux ©

gr

Jacky Rigaux et Michel Bettane, deux grands amoureux de la Bourgogne et du vin, à Villa d'Este pour une session du GJE sur les Montrachet qui fut, disons cela gentiment, "active" !

Notre époque se caractérise par la compétition, la quête de la productivité, la généralisation des productions industrielles, la recherche des bénéfices les plus rapidement acquis... Le monde du vin ne pouvait pas échapper à cet aspect majeur de la mondialisation ! Face à ce mouvement de fond, pour le moment incontournable, une résistance s'organise, le mouvement Slow Food parti d'Italie, et qui gagne la planète entière, en est une parfaite illustration. Le développement du mouvement des vins nature et paysan le confirme. Les associations de vignerons respectueux des équilibres naturels de la planète sont de plus en plus nombreuses, Renaissance des Appellations et Union des Gens de Métiers ayant été des précurseurs en France. Aux côtés des grands médias consacrés aux vins, qui vivent essentiellement de la publicité des grandes marques, Decanter en Grande Bretagne, Wine Spectator aux Etats-Unis, la Revue des Vins de France en France..., on trouve de plus en plus de revues sans publicité, certes confidentielles, mais fréquentées par les amateurs éclairés : Le Rouge et le Blanc, Anthocyanes en France, Vinifera en Suisse, Porthos en Italie..., sans parler des blogs de professionnels ou d'amateurs... Comme l'a parfaitement mis en évidence la livraison de septembre 2001 de la célèbre revue internationale, BusinessWeek, la « guerre du vin » fait rage ! Un enseignement sur ce thème est même proposé aux étudiants en droit et économie de la célèbre université d'Harvard, sous la responsabilité du professeur R.N. Stavins, créateur du Journal of Wine Economics (JWE)...

Faut-il obligatoirement choisir son camp, faut-il rester neutre ? Mais au-delà de cette approche guerrière, n'est-il pas temps de prendre un peu de distance, de réinscrire le vin dans son histoire, de l'aborder sereinement dans une perspective plus épistémologique que partisane, sans oublier qu'il a été créé pour notre plaisir ? Les propos qui suivent sont ceux d'un militant de la cause des terroirs et du « vin nature », sinon repenti, mais ouvert récemment à la controverse dans un esprit humaniste et esthétique. Après avoir voyagé dans tous les grands vignobles historiques français, dans quelques-uns de ceux de la vieille Europe, dans ceux de Californie, d'Australie et d'Afrique du Sud, il m'est apparu que le monde du vin est très vivant, foisonnant, qu'il reflète les problèmes et contradictions de l'époque, qu'il est source de plaisir et de convivialité, qu'il suscite bien des questions et des craintes justifiées également...

Vin de terroir, vin de lieu

Un vin de terroir est un vin qui relève d'un certain savoir-faire, donc d'une certaine technique. Jamais il n'a été le produit d'un pur empirisme... si ce n'est en sa toute première fois quand l'homme découvrit, sans doute fortuitement, la transformation d'une baie en boisson enivrante ! Un vin de terroir est un vin qui donne au lieu une place essentielle, allant jusqu'à reconnaître en son originalité, en sa singularité, en ses caractéristiques, la clé de son goût et la permanence de celui-ci. Le vigneron est, dans cette perspective, comparable à un accoucheur. Le vin est le fruit d'un accouplement fécond d'une terre choisie minutieusement, parfois depuis plusieurs millénaires, avec un vigneron instruit d'une tradition séculaire !

Avec cette philosophie du vin, c'est le « climat », nom donné au lieu soigneusement délimité par l'homme en Bourgogne, région qui a poussé dans sa limite ultime ce choix, qui guide l'esprit et la main du vigneron. Comme le dit haut et fort Jean-Michel Deiss, vigneron alsacien, « Les caractères obtenus, parfois surprenants, sont assumés sans que jamais le « Marché » ou le goût dominant ne soit considéré comme une limite à son élaboration. Le producteur exprime, par l'acceptation de ces caractères, son attachement au lieu, à son identité profonde et sa foi en son produit, même si parfois les caractères en question restent majoritairement incompris. Le vigneron reste dans une économie de l'offre. » C'est la conviction profonde de Bruno Clavelier, vigneron à Vosne-Romanée, qui perpétue avec bonheur la philosophie d'Henri Jayer : « Les grands vins de Bourgogne, comme tous les grands vins de terroir, sont des vins à forte personnalité et ne doivent pas se laisser aller aux lois du marché et aux modes. » (Le terroir et le vigneron, éd. Terre en Vues, p. 103)

Dans tout vignoble qui prétend faire des vins de terroir, des vins de lieu, la vigne y est de plus en plus travaillée en bio-dynamie, méthode culturale à base de produits naturels destinée à permettre à la vigne d'être en bonne santé pour affronter les aléas divers et variés de l'année viticole.

Le vin qui en naît est un produit naturel, fruit d'une transformation fermentaire du raisin en vin. En vinification, seul le soufre, en dose minimale, est utilisé. Certains puristes vont même jusqu'à se passer totalement du soufre. Pierre Overnoy, dans le vignoble jurassien, est une figure emblématique du « vin nature ». Une « dégustation verticale » d'Arbois-Pupillin, issu du cépage Poulsard, millésime 2010 à 1989, en octobre 2012, confirmait le bien fondé d'un tel choix. Cependant, la plupart des grands vins de terroir d'aujourd'hui sont issus de pratiques de vinifications et d'élevages douces, avec un juste usage du soufre. On peut parler ici de véritable « Naturalité ».

Vin de cépage, vin technologique, vin industriel, vin de type agro-alimentaire

Un vin technologique est un vin marqué au sceau du savoir faire moderne qui a fait de la demande, le guide de la production des biens de consommation d'aujourd'hui. La main de l'homme est guidée par les différentes techniques mises au point par les chercheurs pour reconnaître le goût de chaque groupe sociologique, ethnique ou culturel. On utilise les différents intrants créés par la chimie industrielle pour élaborer la nourriture en général et le vin en particulier. Le savoir des industriels et des techniciens chargés de la conception de ces nouveaux produits agro-alimentaires guide l'esprit et la main des agriculteurs et vignerons devenus des exploitants. Ce n'est plus le lieu et la tradition qui priment, mais les processus de fabrication, d'élevage et de mise en marché qui dominent... Avec cette philosophie, on ne parle plus de vignerons, mais de « winemakers » et de « wine-growers », des ingénieurs formés dans des universités et écoles d'ingénieurs qui rivalisent d'audace dans l'élaboration et la transmission des savoirs techniques et des produits chimiques.

A la vigne se généralisent pesticides, herbicides, fongicides, engrais... Dans les chais l'œnologie interventionniste remplace les levures indigènes par les levures industrielles. Enzymes et tanins industriels cohabitent avec bonheur avec l'acide tartrique ou la gomme arabique, censés enrichir la matière première qu'est le raisin... On dispose potentiellement d'une centaine d'adjuvants, et sans doute de bien plus, comme c'est la règle dans l'industrie agro-alimentaire en général.

Plutôt que de valoriser le lieu de production, c'est le cépage qui servit d'emblème pour cette nouvelle approche du vin. On affiche le cépage seul, ou un assemblage de cépages... parfois étonnant (détonant ?) pour un amateur européen : « cabernet-sauvignon et syrah » ou « chardonnay et sauvignon »... Ainsi Sula Wineyards, la plus grosse société de vin indienne, qui possède 1300 hectares de vignes et qui fait deux récoltes par an, propose-t-elle du Sula rouge  produit avec  un assemblage de cabernet-sauvignon et de malbec, ainsi que du Soula blanc issu d'un mélange de viognier, de riesling et de sauvignon...

Les « winemakers », fabricants de vins, ont choisi les cépages européens prestigieux qui ont fait la gloire des terroirs historiques, le cabernet-sauvignon et le merlot à Bordeaux, la syrah en Vallée du Rhône, le pinot en Bourgogne, le sangiovese en Toscane, le nebbiolo à Barolo, le chardonnay en Bourgogne, le sauvignon en Loire, le riesling en Alsace et en Allemagne... Le cépage s'impose et trône sur l'étiquette avec une lisibilité évidente pour le consommateur.

La concurrence mise en scène

Les concours internationaux mettent alors en concurrence les grands Cabernet-sauvignons de Californie ou du Chili et les grands Châteaux du Bordelais, les Chardonnays avec le Meursault- Charmes ou le Puligny-Montrachet Les Pucelles... Le fameux « Jugement de Paris » a ouvert la voie, le 24 mai 1976, à l'Hôtel Intercontinental de Paris. Stag's Leap Wine Celar 1973 domine Mouton-Rothschild et Haut-Brion 1970 ! Château Montelana 1973 bat Meursault-Charmes 1973 ! On sort le vin de sa dimension culturelle et de son lieu pour en faire un objet de concours « à l'aveugle », un objet de notation, finalement un banal objet de consommation ! On oublie que les grands Bordeaux ne révèlent leurs charmes qu'après une dizaine d'années de vieillissement, et que la notion de millésime est capitale en Bourgogne, où il existe des millésimes exceptionnels, des grands millésimes, de bons millésimes, des millésimes moyens et des millésimes faibles. Et 1973 est un « petit millésime », un des millésimes les plus faibles de la décennie 70 ! On ne déguste pas du chardonnay de Meursault ou du cabernet-sauvignon de Bordeaux, on déguste un vin qui a une singularité, une originalité, une histoire... En les dégustant on n'ingère pas simplement un liquide alcoolisé, noté par un expert, on s'imprègne de la culture qui les a fait naître et on recherche leur originalité.

Ainsi, dans cette nouvelle approche du vin, peuvent s'imposer une grande masse de vins technologiques de cépages, les mêmes sur toute la planète, qui imposent « le goût de cépage », bien plus valorisant que les deux ou trois étoiles gravées sur les bouteilles des anciens vins de table français, Kiravi ou Cramoisy par exemple ! Une des plus grosses sociétés mondiales spécialisée en vins technologiques, Pernod-Ricard (N° 2), est française..., mais elle commercialise des vins produits ailleurs qu'en France. Elle possède, en particulier, le groupe Orlando-Wyndham, dont une marque, Jacob's Creek, possède plus de 2000 hectares de vignes en Australie et l'équivalent de 8000 hectares en achats de raisins... pour une production de plus de 70 millions de bouteilles !

Nouveauté en Europe, il est question d'autoriser les plantations en vignes n'importe où, avec n'importe quels cépages, pour lutter contre les importations de vins étrangers ! Ce sera au marché de faire le tri en fonction des lois de la compétitivité et du libre échange... La vieille Europe pourra alors, grâce à ses gros négociants, et à ses riches financiers en quête de diversification de leurs activités, acheter et planter de vastes espaces pour vendre les cépages vedettes (pinot, chardonnay, riesling, cabernet-sauvignon, syrah...) à bas prix et y sélectionner quelques cuvées « haut de gamme » vinifiées par les œnologues en vogue...  Decanter, Wine Spectator, Vigneron, Revue des Vins de France ..., magazines en quête de nouveautés, en feront la promotion ! Après la délocalisation des vignobles dans les pays sans réglementations contraignantes et riches en main d'œuvre bon marché (Chili, Argentine, Afrique du Sud, Californie...), avec l'aide des meilleurs œnologues européens, on assistera ainsi à une relocalisation européenne à prix de revient et de vente cassés ! Le risque, bien évidemment, est de voir la viticulture européenne rapidement industrialisée, comme l'a été l'agriculture après la deuxième guerre mondiale. Heureusement, il existe encore des vignerons-artisans, et quelques agriculteurs-paysans, capables de résister aux sirènes de la production industrielle et de l'argent facile !

Une nouvelle classification des vins

Aux côtés des vins d'entrée de gamme (« basic wines ») sont proposés des vins « supérieurs » (« popular premium wines »), en quantités un peu moins importantes. En quantité moindre encore vont se positionner, dans chaque grande « winery », des vins qualifiés de « super premium wines », des vins censés surclasser les meilleurs vins de terroirs à la réputation historique, ceux de France en particulier ! Comme il existe dans tous les grands vignobles historiques quelques domaines mythiques (Domaine de la Romanée-Conti, Pétrus, Coulée de Serrant...) et quelques vignerons-vedettes (Henri Jayer, Didier Dagueneau, Eric Rousseau, Christophe Roumier, Jean-François Coche-Dury, Jean-Michel Deiss, Léonard Humbrecht, Jean-Louis Chave, Nicolas Joly...), les nouveaux venus sur le marché du vin vont produire quelques « ultra premium wines », « icons » ou « cult wines ». Grâce à l'aide d'un consultant de renom comme Michel Rolland (« le flying wine-maker », le fabricant de vin volant), assortie d'une note de 100 sur 100 administrée par Robert Parker, un « cult wine » peut naître... Araujo vu par Michel Roland contre Rubicon vu par Stéphane Derénoncourt en Californie ! Colging, Harlan, Konsgard, Marcassin, Sceaming Eagle, avant ces deux nouveaux « cult wines », avaient pris le pas sur Opus One (Mondavi et Rotschild) et Dominus (Mouex), les premières stars du vin américain....

La nouvelle classification a le mérite de la simplicité, chère à la culture anglo-saxonne : basic wines (entrée de gamme), popular premium wines (moyenne gamme), super premiumultra premium wines et icon (haut de gamme). Elle vise à remplacer la classification la plus sophistiquée des vins de terroir, celle de Bourgogne : appellations « Régionale », « Village », « Premier Cru » et « Grand Cru » ! Elle pourra aussi remplacer les autres classifications de la vieille Europe... De surcroît, sans le savoir, elle est en phase avec une des premières classifications connues, celle décrite par Pline l'Ancien, naturaliste romain du 1er siècle : « vin pour les riches, vin pour le peuple, vin pour les esclaves ». Certes, l'esclavage a disparu, mais les stratifications sociales perdurent, et le peuple (l'ancienne plèbe) ne peut s'offrir les vins classés « ultra premium » qui affichent 100 dollars et plus, et les « cult wines » à plus de 1000 dollars... la bouteille !

Ainsi les industriels du vin considèrent que la voie qu'ils ont ouverte est bonne. Le BusinesWeek, dont l'édition européenne titrait en septembre 2001 : « Wine War : How American and Australian wines are stomping the French », faisait la promotion de cette nouvelle classification en prédisant, de surcroît, un triomphe dans les cinq ans de ces nouveaux vins technologiques !

Une guerre des vins

Le vin est devenu la boisson-phare de la mondialisation. Les Anglais n'ont pas imposé le thé puisqu'ils aiment le vin et qu'ils ont créé le « Master of Wine », diplôme en la matière le plus recherché au monde ! La bière a perdu la bataille, elle est la boisson des jeunes (avec la vodka) et de ceux qui ne peuvent prétendre être les gagnants de la mondialisation. Elle est bue chez soi en regardant les compétions sportives à la télévision, dans la rue, dans les bars... Le vin symbolise la réussite et signe un art de vivre qui en découle. On ne le déguste pas dans de simples bars... mais dans des bars à vin (Wine Bars) ! Les plus réputés sont à New-York où il faut être vu... à « Cru » en particulier ! Tout grand restaurant se doit d'avoir une grande carte des vins... où la bière et le thé n'apparaissent que très rarement ! Il est donc normal que le vin provoque une compétition planétaire et que des gouvernements s'y intéressent (Australie, Argentine, Chili...), comme les grandes fortunes du moment ! C'est un richissime milliardaire chinois qui s'est offert le Château de Gevrey-Chambertin ! François Pinault, qui s'est offert quelques belles propriétés viticoles françaises, a fait entrer son ami américain Francis Ford Coppola au conseil d'administration de Latour. Ce dernier fut ainsi conforté dans son désir de faire à Inglenook, « winerie » californienne historique, qu'il a achetée en 1975, forte de 630 hectares, le plus grand vin de Californie, Rubicon. Stéphane Derenoncourt, nouveau « flying wine-maker », est appelé à la rescousse et Philippe Bascaules, ex directeur d'exploitation de Château Margaux, est recruté !

Cette incroyable course aux profits que génère le vin fait bien sûr l'objet d'un enseignement dans les grandes écoles de commerce et dans les universités américaines sous le descriptif de cours : « wine war », « guerre du vin ». Il était normal que la revue incontournable de la finance internationale, le BusinessWeek, y consacre un remarquable dossier, sans doute le meilleur jamais réalisé sur ce thème, dans une de ses livraisons de septembre 2001.

A partir des années 2010, on voit de plus en plus de vins technologiques affichant une origine géographique, souvent assez vaste, rarement de type « climats », parfois fantaisiste ! Comme la notion de terroir est devenue « tendance », il est normal que les grandes sociétés, type LVMH ou Bernard Magret, mettent en avant leur quête de vins de terroir. Aux amateurs de repérer les vrais « vins de lieu » et les vins de marque « terroir » !

Force est de constater que ces deux tendances, « vins technologiques » et « vins de terroir », cohabitent dans la production mondiale du vin aujourd'hui et qu'elles ont chacune de bons argumentaires à fourbir pour justifier leurs choix. Il est donc vain de les opposer. Mieux vaut en caractériser les différences en explicitant les philosophies qui les fondent et les enjeux qu'elles véhiculent, sans langue de bois ni complaisance, en clarifiant l'histoire qui les a fait naître. En somme il importe que le public ne soit pas prisonnier d'un tour de passe-passe : prendre un vin technologique pour l'expression originale d'un ...terroir !

Vins de terroirs et vins technologiques, la différence

Il est vain de considérer que la tendance « Vins de Terroirs » est exclusivement européenne, française en particulier. On produit en France beaucoup de vins de terroir certes... et beaucoup de vins industriels... On a produit en masse, au 20ème siècle, des vins ordinaires, joliment baptisés « vins de table », qui étaient d'un niveau bien inférieur aux vins technologiques d'aujourd'hui..., qui sont produits en masse souvent ailleurs qu'en France de nos jours ! On produit en Californie beaucoup de vins industriels et un peu de vins de terroir, mais la tendance « terroir » intéresse de plus en plus de professionnels là-bas ! Ted Lemon (Littorai Estate) et Chris Howell (Cain Estate) doivent être considérés comme les pionniers modernes en matière de vins de terroir californiens. Leur démarche dans cette voie débute dès les années 1980. Andy Peay est le « jeune qui monte », avec l'achat, en 1996, d'une centaine d'hectares en Sonoma Valley. Il ne cherche pas à reproduire les grands crus de Bourgogne, mais cherche à faire de bons vins avec le terroir et le climat du lieu. Comme pour Ted Lemon et Chris Howell, c'est le « goût de lieu » qui compte et non le « goût de cépage » ! C'est la finesse, la fraîcheur et la minéralité qui sont recherchées et non pas le bois, l'alcool et la force chers à Robert Parker. De surcroît, quelques sommeliers et restaurateurs commencent à faire l'apologie de ce type de vin minéral, tendu, salin, digeste..., comme Daniel Paterson à San Francisco.

Au Chili, « une poignée de chasseurs de terroirs », selon l'heureuse formule de Jacques Perrin (Revue Vinifera N° 47, 2012, Suisse), en de petites caves minoritaires (0,1 % de la production nationale), font parler d'elles dans le monde entier avec d'authentiques vins de terroir : Antiyal (7 ha en bio-dynamie), Aristos (formé en Bourgogne, avec le concours de Louis-Michel Liger-Belair), Calyptra (40 ha en culture biologique), Clos des Fous (quête de petites parcelles expérimentales), De Martino (deuxième plus gros producteur de vins bio), Montsecano (association avec André Ostertag, un grand d'Alsace)... Loin de la grosse industrie chilienne du vin qui abreuve le monde entier de bons vins technologiques (10 millions de caisses par an pour les plus grosses sociétés !), ces fous de terroir ouvrent une nouvelle voie aux authentiques vins de lieu, dans une logique artisanale !

Louis Latour, dans sa remarquable « somme », « Vin de Bourgogne, Le Parcours de la Qualité, Essai d'œnologie historique», fait un constat réaliste, sinon optimiste : «  Certes, ce qu'on appelle aujourd'hui le « vin technologique » marque des points et de véritables « usines à vin » apparaissent un peu partout. Mais elles ont pour unique ambition de satisfaire une consommation commune, qui occupe traditionnellement la majorité des surfaces dévolues à la vigne. L'élévation du niveau de vie rend aujourd'hui le consommateur plus exigeant. Il se détourne de ces « vins ordinaires » au profit de « vins technologiques », certes produits en masse et à bas prix, mais qui ont l'immense mérite d'être indemnes des défauts que présentaient les vins communs du passé. Une telle modernisation, qui est de nature industrielle, ne modifie nullement le processus d'élaboration du grand vin, resté intact dans certains vignobles de Californie, tout comme dans les châteaux bordelais ou les « clos » bourguignons. En ces lieux privilégiés, rien ne menace la prééminence du vigneron qui gouverne l'alignement des ceps de sa vigne et les tonneaux de son cellier ».

La viticulture de terroir a failli disparaître avec la viticulture chimique

Pourtant, dans les années 1970-1980, la viticulture de terroir a failli disparaître, en France comme ailleurs, avec l'avènement de la viticulture et de l'œnologie chimiques, fossoyeuses de l' « œnologie historique ». La reconversion de l'industrie chimique de guerre en chimie agronomique a permis la mise rapide sur le marché des herbicides, fongicides, pesticides, anti-pourritures, engrais divers et variés.... qui annonçaient haut et fort la domination par l'homme de la nature et la maîtrise totale de son exploitation, oubliant tout simplement que la nature savait fonctionner avant que l'homme ne comprenne ses mécanismes, qu'elle existait bien avant son apparition, et qu'elle est toujours plus forte que lui ! Ce choix a généré quatre drames fossoyeurs de la viticulture de terroir en imposant les pratiques qu'on appelle aujourd'hui « conventionnelles ».

Dans les années 1970 arriva un « produit miracle », le désherbant, source de confort pour le vigneron, cause de perturbations pour les ceps qui risquent la mort à cause de l'entropie des sols. Sont alors proposés les engrais chimiques, qui sont en fait des sels. Du coup la vigne absorbe beaucoup trop d'eau pour les assimiler et les maladies cryptogamiques deviennent très agressives.  En effet, quand on ajoute de l'eau dans la vigne, le champignon vient l'enlever !  Les engrais chimiques obligent la vigne à absorber davantage d'eau, du coup l'oïdium et le mildiou sont beaucoup plus présents. On invente alors les produits systémiques de traitement des maladies qui entrent dans la physiologie de la plante. On ne peut plus enlever ces intrants par simple lavage comme auparavant ! Le quatrième drame annonçant la fin de la viticulture de terroir peut alors commencer, l'œnologie correctrice et son cortège de plus de 300 adjuvants susceptibles de générer des goûts divers et variés... Dès que l'on introduit des levures industrielles en vinification, le terroir commence à disparaître... surtout si on a commencé à l'affaiblir en détruisant la vie dans les sols avec les pesticides, herbicides et autres fongicides, associés aux engrais chimiques.... Le vin est de plus en plus « fabriqué » au cellier, de moins en moins « accouché » naturellement par le vigneron !

Le réveil des terroirs

C'est dans un tel contexte qu'il est toujours important de rappeler, quelle que soit l'analyse qu'on en fait, qu'est apparu un « réveil des terroirs » et un retour à la « dégustation géo-sensorielle » qui y est consubstantiellement associée, dégustation qui passionne l'amateur contemporain « éclairé ». Privilégiant le toucher de bouche, comme les courtiers gourmets d'antan l'avaient popularisé en goûtant avec le tastevin. Ces derniers veillaient à ce que le vin dégusté pour être vendu exprime bien son lieu de naissance et son millésime ! A la fin des années 1970, tous les vins de Bourgogne, comme tous les vins du monde, avaient tendance à se ressembler. Heureusement quelques gardiens du temple avaient perduré, en particulier en Bourgogne : Henri Jayer, qui en reste la figure emblématique, mais on peut également citer Michel Lafarge ou Michel Gaunoux. N'oublions pas Pierre Overnoy de Pupillin, en Revermont jurassien, Gérard Chave dans la Vallée du Rhône ...

Le retour au respect du terroir est en marche, en France comme partout dans le monde. Pour « réveiller le terroir » il convient en premier lieu d'abandonner les pratiques viticoles chimiques pour offrir aux sols à nouveau la possibilité d'accueillir la vie sous toutes ses formes : faune, flore, bactéries, microbes... nécessaires à l'alimentation naturelle de la plante. On connaît encore peu l'extraordinaire complexité de la microbiologie des sols, la science contemporaine ayant été essentiellement l'alliée de la production agricole industrielle, ignorante de la vie des sols, puisque cette dernière a privilégié son nourrissage exogène ! L'apport d'engrais chimiques ne s'impose plus pour les vignerons revenus aux pratiques respectueuses des équilibres naturels des sols, un apport de compost naturel suffit, et uniquement si la vigne en a besoin. La plante se débrouille toute seule si elle a, dans le sol, tout ce qui y était contenu naturellement !

Dans les vignobles qui disposent de véritables terroirs, et non simplement de terres capables d'accueillir la vigne, toutes les pratiques œnologiques interventionnistes ont tendance à uniformiser le goût du vin, et ce d'autant plus qu'on est dans des vignobles où la viticulture chimique reste dominante. C'est pour cette raison que les grands vins d'assemblage français ne s'imposent plus, dans les dégustations internationales, face aux vins d'assemblage étrangers, souvent faits par des « winemakers » encore plus performants que les œnologues français disposant de moyens techniques bien plus considérables et peu soumis à des réglementations draconniennes. Heureusement, les vignobles à cépage unique (Bourgogne, Loire, Rhône nord...) restent majoritairement la propriété d'artisans vignerons qui sont revenus plus vite aux bonnes pratiques viticoles, bannissant engrais chimiques, pesticides, fongicides et autres produits chimiques tous plus nocifs les uns que les autres au terroir ! Dans ces vignobles où les vins sont issus d'un seul cépage, les pratiques biologiques et bio-dynamiques se développent rapidement... et les vins gagnent en pureté, en sapidité, en minéralité, en originalité.

« Attention cependant à ne pas faire croire que faire un vin de terroir est facile et que quelques « préparats » suffisent à endiguer les maladies. Comme l'a dit un de mes confrères réputés, faire du vin est une suite de compromis, mais pas de compromissions », rappelle avec l'humour qui le caractérise Jean-Nicolas Méo (Domaine Méo-Camuzet). On peut le considérer comme un des chefs de file d' « une viticulture raisonnée éclairée », qui n'a pas opté pour une viticulture bio-dynamique, mais qui fait un travail de viticulture le plus respectueux possible de la nature... et dont les vins sont très purs et délicieux.

Réveil des terroir et bio-dynamie

La Bourgogne compte cependant un grand nombre de vignerons bio-dynamistes, avec de véritables militants comme Jean-Louis Trapet à Gevrey-Chambertin ou Bruno Clavelier à Vosne-Romanée, qui accueillent de nombreux stagiaires, futurs émules. Les domaines les plus prestigieux se sont engagés également avec passion et conviction dans la viticulture bio-dynamique. Ce choix est essentiel, car il amène à mettre en évidence qu'il est possible de penser autrement, comme Nicolas Joly le clame haut et fort depuis de nombreuses années. « Il faut quitter la centration exclusive sur la matière pour se focaliser sur la compréhension du système qui donne vie à la terre ! Notre planète reçoit la vie par son appartenance à un système solaire et stellaire. »

La bio-dynamie prend acte des forces présentes partout autour de nous. Ainsi, les quelques grammes à l'hectare de préparats bio-dynamiques offerts à la vigne par le vigneron, n'ont pas un effet physique sur cette dernière, mais un effet énergétique. Ils activent la capacité de la vigne à se lier à ces énergies créatrices ou à ces informations cosmiques qui lui permettent de s'engager naturellement dans ses différents cycles de vie. « C'est cela la grande spécificité de la bio-dynamie : agir au moment où l'énergie devient matière ! Elle agit par le plan énergétique et donc seulement indirectement par le plan physique. C'est en ce sens qu'elle diffère totalement de l'agriculture biologique. Quelques grammes par hectare de préparations ne peuvent avoir un effet par le plan physique, mais  par le plan énergétique. C'est très différent. C'est de là que la bio-dynamie tire  sa puissance, surtout à notre époque où les énergies vitales n'ont jamais été autant affaiblies. C'est de là que vient son habileté à faire des vins «  meilleurs ». Et c'est l'inverse que l'on fait quand on utilise ces terribles désherbants ou produits systémiques qui empoisonnent la vie du sol et de la  sève ! » (Nicolas Joly). Les vins issus des pratiques bio-dynamiques étant plus purs, plus complexes, plus digestes, plus sapides, il est permis de penser que cette approche est en avance sur la science officielle...

La Bourgogne compte également dans ses rangs nombre de vignerons désireux d'activer de bonnes pratiques viticoles respectueuses de l'environnement, mais sans adhérer au mouvement bio-dynamique, restant en phase avec les sciences et techniques contemporaines encore incapables de s'ouvrir à la nouvelle façon de penser introduite par la bio-dynamie. N'est-il pas temps d'ouvrir les écoles de viticulture à la bio-dynamie et d'encourager les recherches en la matière ? A suivre donc avec grand intérêt tous ces passionnants débats en ce haut lieu de la viticulture de lieu qu'est la Bourgogne ! Débats passionnants à suivre également en Bordelais où le célèbre consultant Stéphane Derenoncourt encourage la viticulture biologique et bio-dynamique, et où de plus en plus de petits propriétaires encore méconnus s'y engagent...

Il est vain d'opposer le « bon vin » de terroir au « banal vin industriel », il faut les distinguer

La deuxième moitié du 20ème siècle est marquée par l'arrivée de l'industrie du vin pourvoyeuse de vins technologiques de cépage pour lesquels la valeur du lieu n'a pas - ou très peu - d'importance. Copeaux de chêne, « staves », levures et arômes industriels, osmose inverse, cryo-extraction, micro-bullage, adjuvants œnologiques divers et variés maîtrisés par des « winemakers » de haut niveau, assurent la production d'un vin certifié, techniquement bien fait. L'accent est mis sur la matière première du raisin de cépage, et sur le processus de fabrication, d'où l'émergence des « wine-growers » associés à des « winemakers », censés surclasser le vigneron, figure de l'ancien temps, vestige d'une viticulture d'avant l'industrie agro-alimentaire, celle du vin en particulier. L'industrie moderne du vin était née et l'Australie en fut l'emblème : 98 % de la superficie plantée en vignes sont contrôlés par une dizaine de compagnies ! L'une d'entre elles possède 18 000 hectares de vignes et en contrôle 15 000 par des achats de raisins. Demain, ce sera à la Chine de prendre le relais d'une industrialisation plus gigantesque encore du vin, avec des produits encore plus banalisés, même si il y aura, ici et là, en ce grand pays, quelques « wineries » qui proposeront des vins haut de gamme « type terroir »...

Chaque vignoble émergeant, ou chaque vignoble qui revient sur le devant de la scène, commence par s'engager dans la fabrication de vins industriels de marque. Quand ils réussissent à gagner des parts de marché considérables, comme c'est le cas pour le Chili, la Nouvelle Zélande ou l'Australie, il n'y a pas de raisons pour ralentir le mouvement... si ce n'est la crise économique qui peut ralentir la demande. Cependant, les couches moyennes ayant de moins en moins de pouvoir d'achat, ces vins techniques, oenologiquement bien faits, ont un bel avenir.

Ces vins technologiques sont-ils bons ? Ils sont, globalement, supérieurs en goût aux vins de table produits en masse en France, dans le Midi en particulier, jusque dans les années 1990. Les couches dites laborieuses, les ouvriers en particulier, ne boivent plus beaucoup de vin mais ont opté pour la bière ou les boisons anisées. La clientèle visée par les producteurs de vins technologiques relève donc des classes moyennes venues récemment à la consommation du vin sur les continents américains et asiatiques. La tendance est alors à fabriquer des vins à plusieurs niveaux de qualité. Avec le concours heureux d'un classement sur 100 points réalisé par un journaliste de renom, largement imité par ses confrères, ces nouveaux industriels fabriquant du vin cherchent à imposer une classification qui, du moins l'espèrent-ils, détrônera la classification par terroir, véritable exception culturelle sans fondements sérieux pour les tenants de cette nouvelle vision du vin et qui vit, selon eux, sans doute ses dernières heures de gloire !

Il est donc vain de vouloir opposer les vins technologiques et les vins de terroir. Les deux catégories existent et il est remarquable de voir quelques vignerons, dans les grands vignobles émergeants, ceux de l'Amérique du Nord ou du Sud, comme ceux d'Océanie ou d'Asie, tenter d'ouvrir une voie pour quelques vins de terroir. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que des grands groupes français, comme Castel Frères, Grands Chais de France ou encore la Société des Vins de France, produisent en masse « des vins de marques fortes simplifiant l'acte d'achat, adossées à un processus d'élaboration garantissant un vin au goût séduisant, régulier et adapté à toutes les occasions de consommation (....). Ils poursuivent une nécessaire valorisation des vastes vignobles français, tel celui du Languedoc, bassin de production le plus vaste du monde, bien plus étendu que l'Australie, le Chili ou l'Argentine ». C'est ce que rappelle Christophe Juarez dans son livre, France, ton vin est dans le rouge. Pernod Ricard est une des plus grosses sociétés multinationales productrice de vins et spiritueux..., mais sans posséder de vignes en France, ayant opté pour des approvisionnements internationaux, australiens en particulier.

Des choix économiques et culturels

Le buveur de vin contemporain, qu'il soit consommateur ou amateur, se trouve ainsi devant des choix économiques et culturels. Les vins de terroir sont de plus en plus réalisés avec de « bonnes pratiques » viticoles issues de plus en plus des méthodes culturales biologiques ou bio-dynamiques, méthodes aujourd'hui encore plus coûteuses en main d'oeuvre que les méthodes dites « conventionnelles » (viticulture chimique).  Au domaine Didier Dagueneau, par exemple, qui compte douze hectares, douze employés sont occupés à plein temps ! Ces vins de terroir séduisent des amateurs désireux de participer à la protection de la nature et qui apprécient les bons produits, en particulier les vins les plus naturels possibles. Ces amateurs éclairés privilégient les vins d'artisans, voire les vins d'artistes-vignerons. Leur consommation de vin relève souvent d'une esthétique du goût.

L'amateur novice est souvent déçu par des vins qui se prétendent « de terroir », mais qui ne le sont pas, car issus de pratiques culturales chimiques et de vinifications plus « œnologiques » qu'artisanales. Ils se tournent ainsi volontiers vers les vins technologiques à la régularité remarquable. Nombre de consommateurs se sont ainsi détournés des vins médiocres de vignobles prestigieux où les pratiques œnologiques correctrices ont permis  à un raisin issu de mauvaises pratiques viticoles d'acquérir le maquillage qu'il faut pour réussir sa transformation en vin. On n'est alors plus dans le vin de lieu, dans le vin de terroir, mais dans le vin agro-alimentaire où tous les coups techniques et chimiques sont permis. Dans les vignobles historiques, il était nécessaire de « faire retour au terroir », de « réveiller le terroir ». Les coups portés par les vins technologiques en matière de parts de marché y ont contribué ! Henri Jayer s'est trouvé être la figure emblématique du « réveil des terroirs » en Bourgogne, Pierre Overnoy dans le Jura, Léonard Humbrecht et Jean-Michel Deiss en Alsace, Didier Dagueneau et Nicolas Joly en Loire, Gérard Chave en Vallée du Rhône...

Si les vins technologiques des pays émergeants à la culture de la vigne ont gagné rapidement des parts de marché, c'est parce que, d'une part les vins de table n'intéressent pas les consommateurs des couches moyennes et surtout, d'autre part, parce que ces derniers ont été déçus par nombre de vins produits dans les grands vignobles avec des pratiques fossoyeuses de la philosophie du terroir, y compris bien sûr par des vins de Bourgogne et de Bordeaux indignes de leur origine, car issus de pratiques chimiques fossoyeuses du terroir. C'est ce qu'avait dénoncé avec vigueur Didier Dagueneau (Pouilly-Fumé) qui a largement contribué à ramener la viticulture ligérienne (vignobles de la vallée de la Loire) vers la passion pour le lieu et vers le retour « aux bonnes pratiques » pour le révéler ! Charlie et Naddy Foucault (Saumur-Champigny), Eric Nicolas (Jasnières), François Chidaine (Montlouis et Vouvray), Philippe Alliet (Chinon), Jo Pithon (Anjou), Alphonse Mellot (Sancerre) et quelques autres ont également participé activement à ce réveil des terroirs ligériens !

Les vins technologiques ont tendance à se ressembler : impossible de distinguer un Chardonnay californien d'un Chardonnay australien ou d'Afrique du sud. Ils expriment cependant très bien ce qu'on attend du cépage affiché sur l'étiquette. Ils ont une régularité de goût séduisante, avec un joli boisé quand ils sont « haut de gamme » et une jolie sucrosité gourmande. Quand ils sont effervescents et bus sur la plage ou en boîte de nuit, qu'importe l'origine, la marque suffit... surtout si c'est une grande marque de Champagne réalisée pour qu'on y mette des glaçons !

Réveil du terroir, réveil du goût

Face à l'avalanche de ces bons vins technologiques, les artisans vignerons qui souhaitent proposer des vins de terroir, revenus aux bonnes pratiques viticoles, se doivent d'être des « éducateurs du goût ». Ayant fait de la minéralité et de la sapidité de leurs vins leur cheval de bataille, ils contribueront au réveil du goût, car seuls les vins qui ont une belle minéralité, transcendée par une vivacité naturelle racée qui fait vibrer leur consistance, expriment leur singularité et contribuent à la diversité des goûts recherchée par les « amateurs éclairés ». On se lasse de l'uniformisation du goût des produits, de ces vins « creux » qui inondent les linéaires des supermarchés, de la généralisation des produits agroalimentaires bourrés d'additifs vecteurs d'obésité et de déséquilibres physiologiques, on se réjouit du retour des bons produits à la diversité des saveurs enchanteresse !

Aux vignerons artisans, promoteurs du retour aux valeurs du terroir et éducateurs du goût, de valoriser le retour à la dégustation géo-sensorielle qui est déjà fait par tous les amateurs éclairés de la planète. Ces derniers s'intéressent à nouveau aux lieux qui produisent les vins et aux vignerons qui les élaborent. Ils font de moins en moins confiance à ces critiques champions des « dégustations marathon » (50 vins à l'heure pour certains !) et des « dégustations à l'aveugle ». C'est Robert Parker qui lança ces pratiques nouvelles et qui embarqua la critique internationale dans ce type de démarche qui montre ses limites aujourd'hui. Le vin est symbole de culture et de convivialité, source de plaisirs diversifiés, et l'on décuple bien sûr son plaisir en s'intéressant aux vignobles, à tous les « climats » qu'ils révèlent et aux vignerons qui les transcendent ! Le vin n'a pas été créé pour être jugé dans des compétitions diverses et variées, il a été créé pour le plaisir de l'homme et pour accompagner tous les rituels du bien vivre, du bien manger, du bonheur d'être ensemble ! « A votre santé ! »

Où commence le vin industriel ?

Difficile bien sûr, d'établir une frontière étanche entre les vins industriels, les vins technologiques, et les vins de terroir. Beaucoup de vignerons ont fait des études supérieures, souvent les mêmes que les « winemakers ». Nombre de grands vignerons bourguignons, ligériens, alsaciens ou rhodaniens, sont allés en stage chez des « winemakers » californiens, australiens ou néo-zélandais ! Tous connaissent les composés biochimiques des vins et les techniques modernes de viticulture et de vinification... 

C'est le rapport au lieu qui marque la différence entre vins industriels et vins de terroir. Comme le disait Henri Jayer : « Le vin est plus affaire de philosophie que de technique ». De la technique, il y en a toujours eu..., depuis que l'homme s'est trouvé doté de mains et d'un cerveau disposant des aires cérébrales dites « de Vernicke et de Broca », nom de leurs découvreurs ! Dorénavant nos comportements, notre rapport à notre niche environnementale, ne dépendent pas essentiellement de nos productions biochimiques, phéromones par exemple, comme cela se passe pour les animaux. Notre conduite, et notre rapport au monde en général,  sont dictés par notre esprit...

Ce qui guide l'esprit de l'industriel diffère bien évidemment de ce qui guide celui de l'artisan et de l'artiste ! L'industriel est toujours en quête de productions nouvelles et d'innovations technologiques pourvoyeuses de réduction du coût de production et donc de bénéfices nouveaux. Devant le constat qu'on boit de plus en plus de vin sur les cinq continents, mais que seulement une infime proportion - environ 2 % - de sa production est élevée en fûts de chêne, que le goût qui en naît est fort apprécié par les amateurs, les industriels se sont lancés dans la production de « staves », des planches qui, au lieu de servir à fabriquer des tonneaux, tapisseront les cuves en inox ! En collaboration avec des œnologues, des laboratoires... et des vignerons, la gamme d'arômes est obtenue en modulant les temps et les températures de cuisson. Objet de polémiques, critiquée par les producteurs de vins attachés à l'élevage en fûts de chêne, cette alternative au fût n'est autorisée en France que depuis 2005 ! Les bois aromatiques sont cependant utilisés depuis longtemps aux Etats-Unis, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande, en Argentine, en Chine, au Chili... Dans la vieille Europe, la Bulgarie, par exemple, s'y engage avec conviction...

Les producteurs de vins industriels considèrent sans états d'âme qu'il n'y a pas de concurrence directe entre le marché des merrains destinés à la fabrication des tonneaux et les « staves », produits œnologiques destinés à tapisser les cuves en inox, car les vins concernés ne jouent pas dans la même cour ! Il y a celle des vins « haut de gamme » - moins de 5 % de la production mondiale - et celle des vins courants... Rien n'empêche une entreprise de produire des merrains pour les tonnelleries et des « staves » pour les usines à cuves...

Côté goût, il n'y a pas une grosse différence pour le consommateur ignorant de ces pratiques et peu, ou pas éduqué à la dégustation ! Le vin « nouveau » est lancé par les différentes campagnes de promotion qui vantent les notes fumées et épicées, de vanille ou de girofle, de beurre ou de noix de coco... Les arômes de cassis produits par le cépage sauvignon, par exemple, se mêlent sans problème aux notes de bois de santal et de chocolat noir apportées par les « staves » ! Les contre-étiquettes imaginées par les professionnels de la communication peuvent alors puiser abondamment dans le « bréviaire des arômes » régulièrement enrichi ! Comme les industriels de l'agro-alimentaire ont valorisé l'expression des arômes bien plus que la valorisation du toucher de bouche cher aux gourmets d'antan, que le nez est incapable de distinguer les odeurs issues de la chimie de synthèse de celles produites naturellement par la fermentation, qu'on arrive à « tirer les prix » vers le bas, l'industrie de ces vins se porte très bien, et il est normal que la France en profite. On peut par ailleurs se réjouir des débouchés immenses offerts par l'industrie à certaines forêts ne disposant pas de chênes suffisamment qualitatifs pour en faire des merrains, ou composées de chênes meurtris par les balles des différentes guerres européennes... On peut également se réjouir de la création d'emplois pour des œnologues de plus en plus formés à la maîtrise biochimique des vins et à leurs différents traitements industriels...

Un vin de nature, un vin de culture

C'est donc une différence culturelle, ainsi qu'une différence éthique, qui signent le partage entre vins industriels et vins de terroir ! Pesticides, herbicides, fongicides, anti-pourritures..., qui perturbent les équilibres naturel, sont bannis. Seuls les « préparats » naturels aideront la vigne à vivre en harmonie avec son sol et le ciel. Avec les méthodes culturales bio-dynamiques, dix à cent grammes de ces derniers, au préalable dynamisés avec de l'eau, suffisent pour un hectare de plantation ! La fleur de la vigne étant le berceau de ce qu'il y aura plus tard dans le verre, elle sera particulièrement observée par le vigneron. Une simple tisane d'arnica pourra, si nécessaire, lui être administrée. Des « préparats » à base d'ail, ou simplement du lait, pourront être utilisés en cas d'arrivée de l'oïdium... Bref, seules des interventions douces seront effectuées tout au long du cycle végétatif et fructifère de la vigne ! Bien sûr, les vignerons bio-dynamistes ne se laisseront pas tenter par les sirènes des nouveaux destructeurs de terroir qui, à coups de bulldozers et de pelleteuses, restructurent les terres à vigne pour un travail plus commode ! La vigne sait prendre ce qu'il lui faut comme eau naturellement stockée et minéralisée selon les caractéristiques du lieu. En perturbant le fonctionnement du lieu on détruit l'effet terroir.

En vinification, les levures indigènes seront bien évidemment privilégiées. Elles sont arrivées sur notre terre bien avant les hommes et on en a répertorié plus de 1500 espèces... Elles sont présentes naturellement sur les raisins et dans les chais. Elles participent pleinement à la complexité du terroir. Dès que l'on introduit une levure chimique, produite industriellement, on commence à quitter le terroir ! Il en va de même des différents insectes présents dans les vignes qui ont chacun leur rôle... Dès qu'on veut les éradiquer, on change l'équilibre du lieu. N'oublions jamais le différent qui a opposé Pasteur à Claude Bernard. Pour ce dernier le milieu est plus important que la bactérie ou le microbe... même si bien sûr le milieu n'existe que parce qu'il y a des microbes et des bactéries ! Plutôt que de vouloir éradiquer, mieux vaut activer les équilibres naturels.

Ré - impliquer l'homme

Réveiller le terroir, c'est également faire retour à la sélection des meilleurs plants. Si le « cépage  est le prénom du vin, son nom étant le terroir », selon l'heureuse formule de Léonard Humbrecht, il convient de donner à ce dernier un prénom digne de lui ! Ainsi la création d'un conservatoire de plants fins de pinot noir est-elle en cours en Bourgogne, à l'initiative d'Aubert de Villaine et de Denis Fetzman. Une trentaine de domaines, parmi les plus prestigieux, y sont engagés. Une telle initiative ne peut que faire des émules dans tous les grands terroirs de France... et du monde, pour sauver les bons plants et relancer leur plantation. Les recherches sur le retour de la vigne franche de pied sont bien évidemment également intéressantes. Le choix de la nature plutôt que celui des OGM !

Quant à l'œnologie, comme aimait le dire Henri Jayer à ses jeunes disciples dans les années 1980... qui ont maintenant la cinquantaine ou la soixantaine : « Vivez avec votre temps, apprenez l'œnologie, mais pour apprendre à vous en passer ! » Tout, bien sûr, n'est pas à jeter dans l'œnologie ! Sa dimension scientifique est passionnante : compréhension des processus de maturation des raisins, de leur fermentation, de leurs constituants, les tanins en particulier... Si elle accompagne le travail du vigneron pour l'éclairer et l'aider à prendre les bonnes décisions, afin de laisser le raisin prendre sa direction et traduire le terroir, elle se révèle précieuse. Si elle est là pour permettre à un raisin issu d'un lieu qui n'est pas digne d'avoir un statut de terroir de donner malgré tout du vin, ou à un raisin issu de mauvaises pratiques viticoles en un grand terroir, d'acquérir le maquillage qu'il faut pour réussir sa transformation en vin, alors on n'est plus dans le vin de lieu, mais dans le vin agro-alimentaire où tous les coups techniques et chimiques sont permis.

Le terroir est synonyme de hiérarchie

Bien sûr, la clé du vin de terroir, c'est la reconnaissance d'une hiérarchie dans tout espace destiné à accueillir la vigne : tous les lieux ne se valent pas ! Quel que soit le vignoble concerné, il existe toujours un « noyau d'excellence », selon l'expression de Braner. Il existe toujours des « climats » plus qualitatifs que les autres. Les vignerons, tout au long de l'histoire, ont cherché les lieux où le vin atteint naturellement sa maturité optimale, sa « maturité physiologique » ou « phénolique » comme on dit aujourd'hui. Plus les raisins sont issus d'un lieu complexe pour que le raisin arrive à son apogée qualitative, moins il sera nécessaire d'intervenir en cuverie. C'est le raisin qui prendra alors sa direction et qui accouchera d'un vin original, singulier, « un vin qui a la gueule de l'endroit », selon l'heureuse parole de Jacques Puisais, créateur de l'Institut Français du Goût.

C'est la Bourgogne qui fut à l'origine de ce modèle de viticulture, travail conjoint des agronomes latins, puis des moines bénédictins, suivis par les moines cisterciens, travail conforté par les grands Ducs de Bourgogne aux 14ème et 15ème siècles... Au 18ème siècle, « siècle des Lumières », ce modèle est arrivé à son apogée, et Dom Denise pourra l'inscrire dans le marbre dans le fameux opuscule « Les Vignes et les Vins de Bourgogne », dont il n'y a pas à changer une virgule aujourd'hui !

C'est fort de ce travail multi-millénaire que la Bourgogne a exigé, dans les années 1930, quand on a codifié la viticulture moderne, que la classification respecte la hiérarchie des parcelles, des « climats ». Ainsi sont reconnus de nos jours des Grands Crus (Chambertin par exemple), des Premiers Crus (Chambolle-Musigny Les Amoureuses par exemple), des appellations Villages (Volnay par exemple) et des appellations régionales (Bourgogne ou Bourgogne Aligoté par exemple). La Champagne avait choisi la marque, le Bordelais la notion de Château, l'Alsace la notion de cépage... Les autres vignobles avaient retenu une aire bien délimitée, mais sans hiérarchisation : il n'y a pas de hiérarchie officielle pour les vins de Sancerre, de Chinon, des Côtes Rôties, des Corbières ou de Châteauneuf du Pape...

Comme les moines bénédictins avaient délimité tous les vignobles de France et d'Europe, le mouvement de reconnaissance des hiérarchies parcellaires est en route, une véritable Renaissance est en mouvement, une Renaissance du vin de lieu. Ainsi trouve-t-on maintenant des Sancerre La Moussière, Les Romains, Le Mont Damné..., des Pouilly-Fumé Buisson Renard, Les Cornets, En Chailloux..., des Saumur Champigny Le Bourg, Les Poyeux..., des Côtes Rôties La Mouline, La Landonne, Côte Brune, Côte Blonde...On peut penser que les vignerons de ces vignobles demanderont au législateur la reconnaissance de Grands Crus et de Premiers Crus, comme l'ont fait les Alsaciens dans les années 1980 sous la houlette de Léonard Humbrecht et de Jean-Michel Deiss. Ces derniers ont obtenu un retour à la situation du 18ème siècle, époque où on ne buvait pas du riesling ou du gewurstraminer, mais du Rotenberg, du Brand, du Clos Saint-Urbain ou du Clos Jebsal !

La demande de classement de la Côte bourguignonne au patrimoine mondial de l'UNESCO, sous le libellé des « climats », fera de cette dernière le modèle universel de cette philosophie du vin. Comme l'a écrit Aubert de Villaine, « La volonté de relier le vin au lieu dont il est issu, de l'identifier par son origine, a toujours accompagné la viticulture, de tous temps et en bien des lieux, mais nulle part et à aucun moment de l'Histoire, cette volonté n'a été poussée aussi loin et de manière aussi durable, extrême et raffinée qu'en Bourgogne. » (Anthocyanes, N° 6, été 2012).

Faut-il crucifier Michel Rolland et Robert Parker ?

Pour épingler la dérive œnologique, industrielle et agro-alimentaire du vin aujourd'hui, ainsi que l'uniformisation de son goût, il est souvent admis qu'elles sont dues à l'œuvre conjointe de Michel Rolland et de Robert Parker. C'est bien évidemment une simplification, comme l'époque en produit régulièrement. Si ces deux personnages ont accédé à une réputation et une reconnaissance internationales, alors que nombre d'autres ont sombré dans l'oubli, c'est parce qu'ils ont un véritable talent et une indiscutable compétence. Michel Rolland a su imposer à la viticulture bordelaise contemporaine un intérêt fort à apporter à la vigne, au travail des sols comme à une taille courte, à une vendange effectuée à maturité physiologique et non simplement technologique (sucres et acides)... Dans les chais il a imposé les pratiques qui respectent le raisin, évitant au maximum les triturations de ces derniers. Il a réaffirmé la nécessité d'élever les grands vins en barriques neuves, issues de bois soigneusement sélectionnés...

Quant à Robert Parker, son palais exigeant et affûté a favorisé l'émergence de vins de Bordeaux à la complexité retrouvée, à l'identité affirmée ! Les vignobles de Pommerol ne produisent pas les mêmes vins que ceux de Saint-Emilion ou ceux du Médoc... Il est capable de reconnaître, quand on lui sert à l'aveugle, Yquem 1937, Lafite 1918, Château Canon-Ségur 1945... C'est cette singularité du Château et du millésime qui l'intéresse, bien loin du simple goût de merlot ou de cabernet-sauvignon...

Ces deux figures emblématiques contemporaines du vin sont arrivées dans un contexte historique où la viticulture était engagée dans les pratiques chimiques à la vigne et les pratiques œnologiques dans les chais. Après la terrible guerre mondiale de 1939-1945, et les désastres culturels et matériels qu'elle a causés, il fallait reconstruire. La chimie de guerre se transforma en chimie agronomique et la connaissance scientifique du vin favorisa son industrialisation, comme l'agronomie avait auparavant embarqué l'agriculture dans l'agro-alimentaire de type chimique... Les instances de la recherche, partout dans le monde, se mirent au service d'une production rationnelle tous azimuts, capable de nourrir une humanité traumatisée en quête de consommation effrénée ! La société de « production-consommation » était en marche, et l'Amérique en fut le chef de file... Je me souviens de ma première visite au Etats-Unis, au temps de mes études, en 1973. Ayant trouvé du travail « au noir », je logeais dans la caravane d'une jeune enseignante d'éducation physique et sportive. Elle possédait une télévision dans chacune de ses pièces, ainsi que dans sa caravane. Elle possédait également grosse motocyclette et belle voiture, ainsi qu'un tas de gadgets inutiles qui m'impressionnaient..., mais elle travaillait pendant ses vacances avec moi dans un « luna-park » installé près de l'océan. Lui demandant un jour pourquoi elle travaillait pendant ses vacances au lieu d'en profiter, elle disparut quelques instants et revint avec ce que je croyais être un jeu de carte entre ses mains..., mais c'était ses traites de banque !

Michel Roland accompagna le retour de la viticulture bordelaise vers l'excellence, dans une dynamique d'assemblage de ses cépages et de « Château » comme marque première du vin. La notion de terroir n'a jamais été la préoccupation majeure de la viticulture bordelaise. Avec la logique bordelaise, elle s'était effacée pour faire place à celle de « Château ». Terroirs et cépages doivent se fondre pour laisser place au « vin de château » au travers d'un assemblage bien sûr savamment réalisé. Cette approche unificatrice avait permis de faire émerger  les premiers vins de marque, le célèbre classement de 1855, en les hiérarchisant, s'étant bien gardé d'entrer dans la moindre délimitation foncière. Ainsi, grâce à l'achat du Château La Bécasse à Pauillac, Château Latour s'enrichit de son parcellaire pour augmenter demain la production de Latour, ou de son second vin... selon l'art de l'assemblage du maître de chais, et les conseils du consultant !

Comme il était de tradition que les propriétés les plus en vue soient entre les mains de familles aisées disposant de moyens importants, rejointes dans les années 1980 par des industriels, des financiers et des investisseurs désireux de valoriser des patrimoines viticoles prestigieux, ces personnes se mirent en quête de consultants compétents, dont Michel Rolland fut le chef de file.

La Bourgogne avait fait du terroir son cheval de bataille dès le 18ème siècle, avec Courtépée, terroir magnifié au 19ème siècle par de brillants savants, le docteur Morelot ouvrant la voie, Jules lavalle l'imposant. Choix discutable bien sûr, comme tout choix sur cette terre, choix discuté par Roger Dion dans les années 1950, qui mit en avant l'importance de la demande dans la construction d'un grand vignoble (le vin est un produit économique tributaire du choix et des équilibres nés de l'action humaine), par Louis Latour aujourd'hui qui privilégie l' « œnologie historique » comme cause première du vin de qualité. Il consacre un chapitre à « L'impasse géologique », dans « Vin de Bourgogne, le parcours de la qualité », où il défend l'idée que « la première cause de la qualité du vin, c'est son œnologie » !

Le 20ème siècle, dans la foulée du 19ème siècle, fit appel aux sommités géologiques pour valider la conviction que le lieu est la matrice du goût. Rolande Gadille en fut l'auteure la plus inspirée, Robert Lautel le géologue emblématique, Henri Jayer, Aubert de Villaine et moi-même les chantres infatigables. « La Côte offrait un potentiel et le ciseau de l'homme n'aurait jamais pu créer l'œuvre que représente la Côte bourguignonne des climats si son matériau naturel n'avait pas eu le potentiel d'être, si l'on peut dire, organisé en vue de produire des vins originaux. La volonté de l'homme est bien évidemment  prisonnière des limites que lui assigne le milieu et comme elle ne pouvait pas remédier au handicap de conditions naturelles marquées par la discontinuité, elle a inventé de les utiliser, ces handicaps, en exaltant la diversité des crus et des millésimes. » (A. de Villaine, in Anthocyanes, N° 5, 2012)

Par ailleurs l'immense majorité des vignes bourguignonnes étaient encore travaillées par des vignerons dans les années 1980, et ces derniers étaient à la fois, viticulteurs, vinificateurs, éleveurs et vendeurs. Quand ils firent appel à des consultants, ce fut pour revaloriser une terre pervertie par les intrants chimiques. Claude Bourguignon, microbiologiste des sols, et  Yves Hérody, géologue, ont ainsi participé au réveil des terroirs, laissant les vignerons complètement  libres de leurs vinifications, l'œnologue n'étant là que pour faire les analyses exigées par l'administration : degrés alcooliques minimaux, doses de soufre correctes, contrôles des fermentations malolactiques... Par ailleurs, dans les années 1990, le négoce qui survécut aux différentes crises du 20ème siècle, se recentra de plus en plus sur ses propres domaines, et privilégia l'achat de raisins pour ses approvisionnements complémentaires. Il soutient sans réserve la demande de classement de la Côte viticole bourguignonne au patrimoine mondial de l'UNESCO sous la bannière des « climats », classement attendu pour 2015 !

Deux visions du vin cohabitèrent ainsi avec bonheur dans la deuxième moitié du 20ème siècle et continuent à le faire aujourd'hui sans heurts ni tensions excessives, primat de l'homme et de l'œnologie pour l'une, primat du terroir pour l'autre. Point n'est besoin aujourd'hui de consultants de la trempe de Michel Rolland en Bourgogne pour développer la qualité des vins, même si un critique influent soutint un moment une tentative visant à imposer un style de vin coloré à la puissance renforcée par un usage massif du soufre en vinification. C'est plutôt le légendaire Henri Jayer qui joua un rôle considérable dans un réveil des terroirs visant à recentrer la viticulture sur la notion de « climat », dans la restauration d'un travail des sols et dans le retour à une œnologie douce, c'est-à-dire respectueuse des qualités naturelles des raisins, différentes d'un lieu à l'autre. C'est le raisin issu d'un lieu particulier qui prend naturellement la direction de sa transformation en vin, non la main du vigneron armée de technologies physiques et chimiques qui lui imposerait sa voie ! Transmettant  sa philosophie à de nombreux jeunes vignerons, aujourd'hui quarantenaires ou cinquantenaires, il ouvrit la voie à la demande actuelle de classement de la Côte bourguignonne au  patrimoine mondial de l'UNESCO sous le libellé des « climats des vignobles de Bourgogne ».

Ainsi la viticulture bordelaise, comme la viticulture bourguignonne, toutes deux emblématiques, eurent besoin d'hommes de la trempe de Michel Roland pour la première, et d'Henri Jayer pour la seconde, afin de retrouver leurs pratiques d'excellence qu'elles avaient oubliées face aux sirènes du progrès incarnées par la viticulture chimique et l'œnologie biochimique. On sait aujourd'hui que ces sirènes sont celles de l'industrialisation pourvoyeuse de produits de moins en moins naturels, mais de plus en plus rentables et de plus en plus délocalisables... La Bourgogne reste attachée à ses « vins de lieu », ses vins de « climats », dont les plus prestigieux sont majoritairement l'œuvre de petits domaines travaillés par les propriétaires vignerons eux-mêmes, vignerons que les grands amateurs du monde entier veulent rencontrer : Jean-François Coche-Dury, Christophe Roumier, Eric Rousseau, Emmanuel Rouget, Jean-Marc Roulot, Dominique Lafon... pour en citer quelques-uns. Rencontrer les femmes du vin en Bourgogne, de plus en plus nombreuses, est également de plus en plus prisé : Anne Gros, Anne Parent, Sylvie Esmonin, Cécile Tremblay... Le Bordelais reste attaché à ses « Châteaux » dont les plus prestigieux ont été sacrés « Premiers Grands Crus Classés » dès 1855. Disposant souvent de vignobles importants, d'une surface de plus d'une trentaine à plus d'une centaine d'hectares, ils sont la propriété de riches familles ou d'industriels et financiers qui ne font pas directement le vin, désireux de pouvoir compter sur des consultants compétents. Même s'ils ont recruté des maîtres de chais compétents, le conseil venant de consultants à la réputation internationale, est un plus ! Quelques maîtres de chais de renom se passent bien évidemment de ces consultants..., et quelques vignerons-propriétaires commencent à s'imposer, souvent dans les appellations moins prestigieuses et souvent parce qu'ils ont opté pour les pratiques bio-dynamiques qui séduisent de plus en plus les grands amateurs.

Robert Parker initia les américains des classes moyennes à la pratique de la dégustation. Dans les années 1980, seuls la grande bourgeoisie éclairée des Côtes est et ouest buvaient les grands vins français. Son influence grandissant aux Etats-Unis, puissance dominante alors, elle allait diffuser dans le monde entier. Il popularisa les vins de Bordeaux partout où il était de bon ton de boire du vin. Appréciant également les vins de la vallée du Rhône et d'Alsace, il contribua également à leur rayonnement. S'il n'est pas pour beaucoup dans le rayonnement contemporain des vins de Bourgogne, il inspira sans doute les quelques grands critiques américains qui sont à l'origine de leur gloire actuelle.

Une approche historique et épistémologique du vin se doit de « rendre à César ce qui appartient à César » ! Michel Rolland et Robert Parker ont joué un rôle important dans la promotion moderne du vin. Acteurs essentiels de sa mondialisation, ils doivent nous permettre d'en interroger les contours et les multiples facettes. Ils ont osé être eux-mêmes, osé leurs choix et leurs méthodes, osons être nous-mêmes dans le choix de nos vins ! Jamais Robert Parker n'a forcé quelqu'un à ne boire que les vins qu'il notait 95 à 100 sur 100 ! Jamais Michel Roland n'a forcé les portes des châteaux bordelais...

Vin sapide et bon vin

Il existe de remarquables vins technologiques, puissants, fruités, crémeux, boisés... Le premier verre est toujours très séduisant, mais le palais se fatigue vite. Les vins de terroirs affichent sans complexe leur minéralité. Ils ne dégagent pas forcément une impression de puissance. Dans leur jeunesse certains peuvent même être quelque peu austères ou tendus, un peu fermes... Plus le terroir est complexe, plus il faudra de temps pour que les acides et les tannins naturels se fondent, mêlent leur complexité pour que la texture s'exprime complètement. Cependant, leur subtile viscosité est toujours présente et génère une belle salive, synonyme d'une grande digestibilité. La minéralité des vins de terroir s'atteste également par cette note subtile de poivre blanc que l'on peut ressentir en olfaction directe, mais surtout en rétro-olfaction.

Avec la belle sensation de viscosité générée en bouche par un vin de terroir, la souplesse et la consistance, associées à une vivacité naturelle et une minéralité racée, donnent à la texture du vin toute sa dimension. Un vin de terroir, qu'il soit blanc ou rouge, se doit d'offrir un toucher de bouche qui évoque la soie, le taffetas, le velours... Dès le temps du fût et de leur prime jeunesse en bouteille, les grands terroirs, accouchés par les meilleurs vignerons, présentent une texture inégalable. Alors la longueur du vin qui découle de toutes ces qualités harmonieusement réunies, va pouvoir révéler les subtils arômes du cru ainsi que son originale touche minérale !

Expérience riche en émotion, la dégustation des vins de terroir  révèle que certains d'entre eux génèrent une finale plus marquée par la sucrosité, que d'autres impriment une finale plus marquée par la salinité, ou la sensation iodée, mais tous révèlent de la minéralité. Bien sûr, la minéralité d'un vin n'est intéressante qu'à condition que ce dernier soit consistant, souple, d'une belle viscosité, qu'il possède une texture élégante, une vivacité vibrante, une longueur évidente, un fruité agréable, une myriade de nuances en rétro-olfaction ! Le vin initiatique est le Cros Parantoux remis en culture et replanté par Henri Jayer dans les années 1950 et revendiqué la première fois avec le millésime 1978 !

Qu'importe si les  industriels, et les scientifiques qui les servent, ne reconnaissent pas la minéralité. Ce n'est pas étonnant puisque cette dernière est masquée par tous les adjuvants chimiques et biochimiques introduits dans le vin. On nous dira que la gomme arabique, produit miracle ajouté à la plupart des vins technologiques pour les rendre suaves, est naturelle, mais elle ne vient pas du terroir ! Comme il est courant d'entendre vanter les mérites des levures industrielles gages d'une vinification facile et sans problèmes..., mais elles ne sont pas naturelles et issues du lieu !

Guerre du vin : peut-on faire de grands vins technologiques ?

Comme l'a bien mis en évidence le BusinesWeek dans sa livraison de septembre 2001, la guerre du vin est déclarée et les industriels sont bien sûr déterminés « à mettre la pâtée aux vins français » (« Wine war, how australian and american wines are stamping the french « ), comme le titre l'annonçait ! Gallo, Mondavi, Jackson ou Coppola, pour citer quelques géants américains, Norton en Argentine également, ont de l'ambition et d'énormes moyens. LVMH, le géant français du luxe, qui a également investi dans le vin, ne manque pas d'audace et de moyens. Un de ses fleurons, Moët, vient de lancer « Moët Ice Impérial », premier Champagne qui se boit avec des glaçons. On peut être étonné quand on est un amateur de vins de terroir, mais force est de constater que le Champagne, avec la mondialisation, se boit sur un bateau, en boîte de nuit, sur la plage, en tenue décontractée..., de moins en moins de façon codifiée, à la française, pour un anniversaire, une cérémonie, au jour de l'an...

Les enjeux de l'industrie ne sont pas ceux de l'artisanat ! Alors, ces industriels rêvent d'être gagnants sur tous les niveaux de la consommation du vin, d'où la recherche d'une production « haut de gamme » pour les buveurs d'étiquette qui ont adopté le vin par snobisme, pour les nouveaux riches et pour tous ceux qui considèrent le vin comme un marqueur de réussite sociale. N'oublions pas que le vin est aujourd'hui la boisson de la mondialisation. Il confère un statut ! Quand on en a les moyens, et qu'on veut tenir son rang, il faut être vu avec les flacons les plus recherchés, ceux issus des grands terroirs historiques (Romanée Conti, Cros Parantoux, Pétrus, Latour,  Mouline...), mais également les nouvelles stars, les « cult wines », (Rubicon, Montelena, Screaming Eagle, Araujo (Californie), Cheval des Andes (Argentine), Clos Apalta (Chili) ...) Rien n'empêche ces industriels à investir dans le haut de gamme, à l'instar de Jess Jackson, propriétaire de plus de 5000 hectares de vignes dans le monde entier. En créant « Vérité Wines », en Sonoma Valley, qu'il confie à un français, il va chercher à égaler Pétrus, Lafite et Cheval Blanc, trois stars bordelaises. Avec La Muse, il va chercher à détrôner Petrus ! Mission accomplie puisque Robert Parker lui octroie 100 sur 100 en 2001, 2007 et 2008. La nouvelle revue de luxe française « bling bling » consacrée au vin, Vigneron, fera un hommage appuyé, en 2012, à ce français expatrié et aux vins qu'il réalise en Californie.

En matière de goût, rien n'est figé. Si les amateurs éclairés font plus confiance à leur palais qu'aux critiques gourous, les nouveaux riches amateurs font plutôt confiance à Robert Parker et aux critiques influents. Ce sont eux, dorénavant, qui tiennent la clé du goût. Un puissant marketing relaie leur parole, et les marchés nouveaux s'ouvrent. Une guerre du vin est bien engagée ! A chacun de s'y engager à sa manière, mais rien n'empêche à qui le désire, de rester neutre et de se régaler des meilleurs vins technologiques et des meilleurs vins de terroir..., meilleurs à son goût ! Pour notre survie l'eau suffit. C'est pour notre plaisir que le vin a été inventé !

Terroir technologique, terroir industriel

Comme l'œnologie a bénéficié de nombreuses technologies et a détrôné « l'œnologie historique » chère à Louis Latour, la viticulture n'a pas été oubliée avec l'agronomie chimique et la machinerie mécanique de plus en plus sophistiquée pour défoncer les sols, refaçonner pentes et expositions, réorganiser sols et sous-sols... Après une période industrielle triomphante centrée sur le cépage et sa transformation la plus technologique possible en vin, la notion de terroir est venue sur le devant de la scène pour damer le pion aux vins de terroir historiques. Le mot « terroir » implique toujours l'existence de nombreux facteurs physiques dans la production du vin, dont une certaine structure de sol et de sous-sol, un bon drainage, une certaine nature d'argiles, l'existence de composés chimiques tels le carbonate de calcium, le magnésium, le fer..., qui interagissent selon des procédés extrêmement complexes. On y ajoute souvent des conditions climatiques particulières et des pratiques culturales spécifiques. Il était tentant d'utiliser toutes les trouvailles technologiques contemporaines pour « enrichir » les terroirs émergeants, ou en réhabiliter d'anciens abandonnés après le drame phylloxérique, comme il est tentant de promouvoir l' « amélioration gustative » industrielle des vins !

Bien souvent la définition exclusivement physique du terroir contemporaine sert ainsi à corriger la nature en ajoutant artificiellement du magnésium et autres composés jugés indispensables, en déformant le tracé naturel des sites, ce qui perturbe le cheminement naturel des eaux, en défonçant les sols, ce qui perturbe l'effet « terroir » naturel. Quand on voit arriver buldozers, pelleteuses et autres engins gigantesques des temps modernes dans le paysage viticole, est-on encore dans le terroir ?

Face à cette nouvelle façon d'aménager les terres viticoles, il est nécessaire de rappeler que la notion de « terroir » est extensible, alors que celle de « climat » ne peut l'être : elle oblige l'homme à une précision d'orfèvre en matière de délimitation de lieux capables d'enfanter de grands vins... et au respect des conditions naturelles de tels lieux ! La relation entre les lieux (« lieux-dits », « climats ») et le goût du vin qui en naît est reconnue depuis les débuts de la viticulture et cet héritage doit être respecté par les vignerons qui ont fait le choix du « vin de lieu ». Certes les terres à vignes ont de tout temps été travaillées par la main de l'homme, mais une main  respectueuse des équilibres naturels...

Il y a terroir et terroir

Dans les années 2000 le terroir est donc devenu tendance ! Dorénavant tous les « vins cultes » affichent leur prétention à être des « vins de terroir ». Naissent-ils de terroirs les plus proches possible de leur nature, ou sont-ils le résultat d'interventions technologiques qui ont bouleversé leur organisation initiale ? Ce serait une grave erreur d'appliquer toutes ces techniques dans les terroirs historiques, avec l'idée qu'ainsi on pourrait mieux rivaliser avec les vignerons « émergents ». Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les vignobles historiques, ceux de Bourgogne en particulier, n'ont pas été façonnés par les vignerons. Tous les terroirs sont bien sûr marqués par la main de l'homme, mais une main douce respectueuse des équilibres naturels de la nature. Si on a érigé des murs autour des « clos » et des « climats » au Moyen Age, c'était pour éviter leur envahissement par les différents prédateurs, sangliers, chevreuils, lièvres et lapins ; c'était également pour enlever les pierres gênantes pour le travail de la vigne et pour retenir la chaleur du jour restituée la nuit par les pierres ainsi soigneusement empilées. Et tout ceci ajoutait à la beauté du lieu. Un terroir a toujours une dimension historique, culturelle et économique. Sa dimension physique ne doit jamais être considérée comme exclusive !

A un usage extensif du vocable « terroir » doit s'opposer une compréhension plus restrictive, celle que le moine cistercien Dom Denise défendait déjà au XVIIIe siècle : « La vigne qui produit les meilleurs vins de Bourgogne est plantée au début du coteau, dans un plan doucement incliné. » Les Grands Crus sont toujours localisés sur des pentes douces, ces méplats qui sont des « pièges à limons » comme aimait à dire Robert Lautel. Il disait également que les meilleurs « climats » sont sur « le bon ventre de la pente » !

Dans cette perspective, il convient de rappeler avec Dom Denise que la notion de terroir est synonyme de hiérarchie des parcelles : « Les vignes qui sont plantées en haut du versant ne produisent pas un vin d'aussi bonne qualité que celles qui sont au pied et sur la partie inférieure de la pente de cette même colline. Les raisins des premières vignes ne donnent jamais la même saveur que ceux des deuxièmes, et en conséquence ils ne donnent pas un vin aussi bon. (...) Les vignes qui produisent les excellents vins de Bourgogne sont plantées à mi-chemin entre la plaine et la pente de la montagne, ni trop haut, ni trop bas. »

La recherche de « terres nobles » esquissée par quelques « winemakers » californiens, nous donne à penser. Ce terme se rapproche de celui de « climat », et procède de la même philosophie agronomique. « Il n'existe au monde que deux types de vins : les vins de terre et les vins de fabrication », aime à dire le chef de file de ce mouvement, Ted Lemon. Ainsi on commence à trouver des vins « issus de vignobles désignés » en Californie, mais aussi au Brésil, au Chili, en Nouvelle-Zélande, et même en Australie.

Fort de cet intérêt grandissant pour la quête de « terres nobles » un peu partout dans le monde, les grands vignobles historiques européens, ceux de Bourgogne en particulier, auraient tord d'abandonner leur philosophie du « climat » pour enfourcher les méthodes de la viticulture industrielle ! La notion de « climat » apparaît bien plus précise que celle de « terroir » pour la promotion d'une viticulture de type « haute couture », une viticulture qui offre des vins de caractère à la diversité exceptionnelle.

Du « terroir-caisse » au « terroir-marketing »

Le vin étant devenu la boisson de la mondialisation, et le terroir son porte-drapeau, il est évident que toutes les grosses sociétés et toutes les grandes fortunes qui s'y intéressent cherchent à en faire un produit de luxe cher et recherché ! Nombre d'investisseurs sont associés à des projets de plus en plus ambitieux, qui s'organisent autour de « wineries » imaginées par les plus grands architectes du moment, flanquées parfois de parcours de golf exceptionnels. Les français Bernard Arnault, François Pinault, François Lurton, Michel Laroche, Marnier-Lapostole, Bernard Magret, Rothschild et bien d'autres, l'espagnol Miguel Torres, les américains Copola ou Jakson, rivalisent d'audace dans la quête des plus grands vins du monde à offrir à ceux  qui se doivent de posséder montre Rolex et voitures de luxe...

Le grand vigneron visionnaire Henri Jayer avait pressenti l'arrivée des institutionnels et des industriels dans le monde du vin, et le regretté Didier Dagueneau, ayant vu venir cet engouement pour le « terroir-caisse » dans les années 1990, avait eu l'idée de créer l'Union des Gens de Métiers, rassemblant des vignerons-artisans de tous les grands vignobles historiques, pour résister au rouleau compresseur des industriels et maintenir les valeurs du vin de lieu. En créant l'association Renaissance des Appellations, Nicolas Joly allait dans le même sens. Biodivin, l'autre association qui rassemble des vignerons bio-dynamistes, promeut la même éthique. On peut citer également l'Association des Vins Naturels, Vignerons Nature, Sève, Sapros, Toqués des Dentelles... Seuls des vignerons qui connaissent parfaitement leurs parcelles et qui font leur vin, seront  à même de maintenir et de promouvoir cette vision du vin..., tout en gagnant leur vie, parfois même très bien !

Vins d'entrée de gamme issus de bonnes pratiques vinicoles : un défi pour la France ?

La France garde, aujourd'hui, la première place en matière de vins de terroir et compte encore quelques-uns des plus grands artistes vignerons de la planète. Saura-t-elle la conserver ? Les richissimes industriels sont à l'affût pour le rachat de propriétés emblématiques fragilisées par les droits de succession, Yquem dans le Bordelais, Domaine René Engel, rebaptisé Domaine d'Eugénie, en Bourgogne... Quand ces grandes fortunes les acquièrent, pour en faire leur vaisseau amiral, sauront-elles, ou voudront-elles, leur garder leur éthique ? Nul ne le sait. Par ailleurs, la France peut-elle encore se faire une place en matière de vins technologiques d'entrée de gamme et de moyenne gamme ? Voila un défi à relever. Si les meilleurs terroirs du Languedoc, du Roussillon et de Provence sont à nouveau travaillés selon les « bonnes pratiques », que vont devenir les larges espaces alentours consacrés jadis aux vins de table ? En Bordelais, comme en Bourgogne ou en Alsace, existent également des surfaces à vignes qui ne sont pas susceptibles d'enfanter de grands vins de terroir. Que vont-elles devenir ?

La voie à ouvrir est sans doute celle d'une viticulture de cépage, prise en charge par une industrie du vin qui fera le choix de pratiques culturales respectueuses de l'environnement. C'est ce que fait, par exemple, la Maison Moillard avec une importante production de vins de cépages issus d'une viticulture biologique en Languedoc. Tous les grands cépages de France sont ainsi proposés dans la grande distribution : chardonnay, sauvignon, riesling, viognier, pinot, merlot, cabernet-sauvignon, syrah... L'exemple de la Maison Louis Latour est également intéressant, avec sa grosse production de chardonnays d'Ardèche et de Provence, qui se positionne comme une offre de vins de cépage de moyenne gamme, à moins de 10 euros la bouteille. La France, qui a vu ses cépages emblématiques s'afficher fièrement en Amérique, en Océanie, en Afrique et en Asie, peut donc également les mettre en valeur en des terroirs modestes, pour des vins d'entrée et de moyenne gamme.

Dans les vignobles historiques de grande réputation, comme la Bourgogne, la création d'une nouvelle appellation, « Coteaux bourguignons », pour ses terroirs les plus modestes, est à suivre avec grand intérêt. Si les grandes maisons qui s'y engagent le font dans le respect des bonnes pratiques viticoles, la réussite peut être au rendez-vous. Faudra-t-il également s'engager dans la création d'un Crémant aux glaçons, ou plutôt dans la recherche de Crémants complexes quand la Champagne ouvre cette voie avec Moët Ice Impérial, pour contenir l'offensive des prosecco italiens ? Et, comme le remarque Jean-Nicolas Méo, « La France ne se met-elle pas en danger pour la production de vins d'entrée de gamme en refusant systématiquement les OGM, sans en tirer les conclusions qui s'imposent en matière de recherche alternative. Qu'aurons-nous à répondre quand les vins australiens supportant facilement une culture biologique des vignes dont ils sont issus, parce que modifiées génétiquement, viendront sur le marché ? » Autant de questions à ne pas refouler, même si elles sont dérangeantes ?

Les nouvelles stars du vin, danger ou chance pour l'avenir du vin ?

La grande cuisine avait lancé le mouvement avec la « starification » de quelques grands chefs, mis sur le devant de la scène par les médias et recherchés par tous les nantis de la mondialisation. Il faut être vu à la table de ces étoilés ! Côté sommellerie, les meilleurs sommeliers du monde sont très recherchés, mais il n'est pas encore nécessaire d'être vu dans leur bar à vin, quand ils en ont créé un ! Ils sont plutôt sollicités pour l'animation de dégustations et d'évènements exceptionnels... Côté vin, ce sont plutôt les vignerons sacrés « stars » qui sont mis sur le devant de la scène par les médias. Tous les amateurs éclairés rêvent de les rencontrer en leurs caves ou celliers, tous les nouveaux riches de la mondialisation également... Lors de la célèbre vente des vins des Hospices de Beaune, en novembre, les « stars » de la Côte bourguignonne reçoivent en leurs domaines les plus riches acheteurs de tous les continents ! Certains ont gardé leur simplicité et leur bonhomie naturelles, comme Jean-François Coche-Dury, Dominique Lafon ou Vincent Dauvissat en Bourgogne, Jean-Michel Deiss ou Léonard Humbrecht en Alsace, Alphonse Mellot ou Naddy Foucault en Loire... Le regretté Didier Dagueneau, le plus talentueux vigneron de sa génération, accueillait volontiers les amateurs, ou déléguait quelqu'un du domaine quand il était dans le Grand Nord avec ses chiens, ou en voyage. D'autres ont pris, comme on dit, « la grosse tête », et ne daignent même plus recevoir un groupe d'oenophiles ou céder, moyennement finance, quelques flacons à des clubs de dégustation ou écoles des vins, même très prestigieux ! Certains ont même une attitude détestable en ne présentant même plus leurs vins dans des manifestations de valorisation collective de leur vignoble, même quand ces dernières sont réservées aux seuls professionnels !

Bien sûr les prix des vins des « stars »  ont flambé, pas forcément à la propriété, mais dans les circuits de revente et sur les marchés parallèles. Les vins d'Henri Jayer (1922-2006) illustrent parfaitement le phénomène. De son vivant ils n'étaient guère plus chers que ceux de ses collègues. Ils ont commencé à s'envoler dans les dernières années de sa vie, dans les années 2000, pour atteindre aujourd'hui des prix stratosphériques. Difficile de trouver une bouteille de Richebourg 1959 à moins de 15 000 euros, un magnum de Cros Parantoux 1991 à moins de 18 000 euros ! Comme l'écrit Christophe Juarez : « Les Grands Crus sont sur une autre planète. On n'ose plus les boire tellement ils sont chers. Ils sont tellement loin qu'ils ne peuvent plus servir de locomotive à quiconque. La filière ne peut plus compter sur les vignobles qui ont fait sa notoriété. » (Actes du Colloque de l'Université de la Vigne et du Vin, Ferrals les Corbières, 2011).

Aux côtés des « stars » de vins de lieux historiques, ceux de Bourgogne, de Loire, de la Vallée du Rhône ou d'Alsace, les nouvelles « stars » internationales cherchent à s'imposer en jouant sur tous les tableaux de la communication moderne. Les plus fortunés, ou les plus influents dans le concert de la compétition mondiale, font appel aux « flying wine-makers », aux plus célèbres d'entre eux bien entendu, Michel Rolland et Stéphane Derénoncourt. D'autres, très fortunés également, jouent sur la difficulté à les trouver. Il faut plusieurs heures de routes sinueuses pour dénicher la propriété viticole Araujo Wine Estate en Nappa Valley. Aucun panneau, aucune enseigne, simplement la mention « Eisele » sur un mystérieux portail. Découvrir le célèbre vignoble d'Hélène Turley, la « diva » californienne, Marcassin, ne peut se faire qu'en véhicule à quatre roues motrices ! Quand on y est, on est récompensé par la beauté du lieu, et la très belle qualité de la plantation, comme du travail de la vigne. Pour y avoir fait une mémorable dégustation verticale de Château Rayas à la fin des années 1990 (après avoir dégusté Marcassin en cave...), je peux l'assurer ! Mais déguster du Marcassin sera très, très, très difficile pour l'amateur non introduit !

Vins spéculatifs et vins que l'on déguste

Les vins les plus recherchés aujourd'hui sont devenus des objets de spéculation. Plus sûrs que la bourse, plus rentables que l'assurance-vie ou le livret de Caisse d'Epargne, les vins spéculatifs ont donné l'idée à des professionnels de la finance de créer des structures pour organiser ce nouveau créneau d'enrichissement. Certaines ont même investi dans un bâtiment où l'on entrepose les vins achetés en attendant la revente qui peut aller jusqu'à doubler la mise, voir bien plus ! La plus grande quantité de vins spéculatifs est aujourd'hui entreposée à Hong Kong. En 2007, les importateurs de grands vins n'étaient qu'une dizaine, ils sont plus de 300 en 2013. Dix-huit centres de stockage de grands crus et de grands millésimes ont été agrées par les autorités administratives d la ville. Ils sont entrain de détrôner les entrepôts londoniens - Crown Wine Cellars - blottis dans les sous-sols d'un ancien fort. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères avait vu juste : « Avec l'Asie, en matière de vin, il y a une formidable bataille à mener. » (Revue des Vins de France, avril 2012)

Les grands crus classés du Bordelais les plus recherchés ont ouvert la voie. En effet, comme les châteaux qui les créent vendent leur production à des négociants, ces derniers peuvent très bien alimenter leurs clients, ainsi qu'un circuit dit « marché parallèle ». Cela concerne les vins les plus chers, soit parce qu'ils sont reconnus comme les plus grands depuis le fameux classement de 1855, soit parce qu'ils ont été « parkérisé » ou qu'ils ont atteint les classements modernes les plus prestigieux... Comme l'offre reste relativement limitée, on comprend que les vignobles émergeants aient cherché à imiter d'abord les grands vins de Bordeaux et que les grandes fortunes de la planète investissent dans les « icônes » qui y émergent ou s'efforcent d'en créer de nouvelles.

Du côté de la Bourgogne, deuxième vignoble le plus coté au monde, les choses sont plus compliquées. Depuis la fin des années 1990 les Grands Crus - moins de 2 % de la production - ont vu leurs prix flamber..., mais sans aucune mesure avec les Premiers Grands Crus bordelais qui atteignent 1000 euros la bouteille ou plus ! Par ailleurs, jamais Robert Parker n'y a joué un rôle dominant pour faire flamber les prix, même si quelques domaines ont profité de ses bonnes notes. En Bourgogne, c'est la conjonction d'un « climat » emblématique et d'un domaine recherché qui fait la rareté. Cela ne concerne qu'une poignée de cas, les domaines de la Romanée-Conti et Leroy largement en tête, suivis de ceux de Jean-François Coche-Dury, Armand Rousseau, Georges Roumier, Emmanuel Rouget, Leflaive, Comte Lafon,... On voit arriver les domaines Roulot, Jacques-Frédéric Mugnier, Ponsot, Dujac... Comme ces domaines ne passent pas par le circuit des négociants, il est tentant, pour une clientèle qui a la chance d'avoir des allocations en direct, de proposer tout ou partie de cette dernière au marché parallèle dont les acteurs sont facilement repérables !

Le marché européen du grand vin, comme le marché américain, ont tendance à marquer le pas, donc c'est celui de l'Asie qui s'ouvre. La plupart des plus grands vins « historiques », Romanée-Conti et Pétrus en tête sont dorénavant majoritairement bus là-bas. Les nouveaux vins « icône » y partent également. Comme la Chine, le Japon et la Corée, ont une riche histoire et une culture du bon goût affirmée, on peut penser qu'ils sont bus avec le rituel qui doit les accompagner, et non comme le font certains nouveaux riches russes qui n'hésitent pas à couper Romanée-Conti avec Pétrus... ou mieux encore à marier Château Margaux à la Vodka ! Bien évidement une partie importante de ces grands vins spéculatifs sont également entreposés par des financiers pour une prise de bénéfice qu'on espère considérable...

Les plus grands crus - bien sûr ceux d'entre eux qui ont atteint les plus grandes cotes - comme les nouveaux vins « icônes » des vignobles émergeants, sont bus par les riches amateurs et les nouveaux riches souvent « buveurs d'étiquettes ». Les grands amateurs des couches moyennes supérieures sont à l'affût des vignerons qui accèdent à la notoriété ou s'organisent en clubs d'achat et de dégustation pour obtenir une petite allocation de ces grands vins « oeuvres d'art »...

Vins spéculatifs et fraude

Les vins spéculatifs ont bien évidemment généré l'arrivée de nombreux faussaires qui ont inondé le marché parallèle de vins rares et les ventes aux enchères : Pétrus, Yquem, Romanée-Conti, Mouton-Rotchild, Lafleur..., et Clos Saint-Denis 1959 et 1945 du domaine Ponsot de Morey-Saint-Denis, en Bourgogne. Or, ce domaine ne produit du Clos Saint-Denis que depuis le millésime 1982 ! Dans un premier mouvement, Laurent Ponsot considéra cela comme la preuve d'une réputation grandissante de ses vins. Mais, homme de caractère, de conviction, haut dignitaire de la célèbre Confrérie des Chevaliers du Tastevin, passé le grand frisson narcissique généré par les joies de la célébrité, il partit à la chasse des faussaires. Il fit interrompre une vente aux enchères de 80 fausses bouteilles de Bourgogne à New-York en 2008, et il entreprit une véritable croisade contre ces trafics qui se généralisaient. Il en est arrivé à estimer que 80 % des vins de Bourgogne des millésimes antérieurs à 1982, vendus aux enchères, sont des faux ! Bien sûr, les affairistes en crus bordelais n'avaient aucun intérêt à arrêter le processus, mais les vignerons bourguignons, vendant leurs vins en direct à des acheteurs qui généralement les boivent, se sont légitimement inquiétés. De surcroît, il n'y a aucune mesure entre le volume des grands vins de Bordeaux vendus aux enchères ou dans le marché parallèle, et celui des vins de Bourgogne..., même si ces derniers deviennent de plus en plus « tendance » !

Signe de l'importance du trafic de faux grands vins, le FBI, au terme de quatre années d'enquêtes, initiées grâce au travail de Laurent Ponsot, a opéré une descente dans la grande et belle villa californienne d'un faussaire qui avait acquis une telle notoriété en vente de vins rares qu'on le dénommait « Docteur Conti » ! Y sont découverts bouchons et étiquettes, dont certaines fabriquées avec une banale imprimante. Les nouveaux riches, à l'affût de bouteilles historiques issues de prestigieux millésimes, n'ayant pas de culture vineuse, étaient les victimes les plus faciles à tromper ! Le monde des riches collectionneurs est à l'affût des bouteilles mythiques de Bordeaux et de Bourgogne, issues des légendaires millésimes 1929, 1934, 1945, 1959, 1961, 1978, 1990... Aux côtés de Laurent Ponsot, un authentique collectionneur d'œuvres d'art et de grandes bouteilles de vin, un milliardaire américain, qui en avait acheté beaucoup en confiance au célèbre « Docteur Conti », est parti en guerre contre la fraude, n'hésitant pas à intenter des procès aux plus célèbres maisons d'enchères... A suivre !

En conclusion

Le vin étant devenu la boisson de la mondialisation, la possession des flacons les plus recherchés le signe de sa réussite, il est devenu le miroir grossissant des espérances de l'époque, de ses inquiétudes et incertitudes également... De quelle couleur doit-il être, visage pâle ou coloré, noir ou blanc, brillant ou terne, intense ou discret, fort ou souple... ? Qui en aura le contrôle, les familles ou les grands groupes, les artistes ou les financiers ? Comment s'organisera sa distribution ? Comment sera-t-il bu ? Les amateurs sont-ils encore des consommateurs ? Les consommateurs peuvent-ils devenir amateurs ? L'amateur éclairé est-il l'avenir du vin  ou est-ce le consommateur ? Doit-on laisser les seuls critiques patentés ou auto-proclamés le promouvoir ? Le vin doit-il être noté ou simplement apprécié ? Minéralité ou sucrosité ? A boire le matin, le midi ou le soir ? Sur la plage ou à table ? Avec ou sans glaçons ? « Terroir nature » ou « terroir industriel » ? Bref, avec le vin l'humanité ne manquera pas de questions...

Indications bibliographiques

Livres

  • Bazin (J.F.), Le dictionnaire universel du vin de Bourgogne, Presses du Belvédère, 2011.
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  • Bourguignon (C. et L.), Le Sol, la Terre et les Champs, Sang de la Terre, 2008.
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  • Capus (J.), Les Fondements de l'Appellation d'origine des vins fins, INAO éd., 1947..
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  • Selosse (A.), L'eau de roche, in Le Terroir et le Vigneron, Terre en Vues, 2006, pp. 248 et suivantes.

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