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No, Feel Good Chili

Par Misericordia @Misericordia__

Gael Garcia Bernal

Début 2012, la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes annonçait le nouveau film de Pablo Larraín, sobrement intitulé « No », parmi les films de la compétition. Impatients à l’idée de découvrir cette nouvelle production chilienne, nous nous remémorions pour patienter les dernières œuvres de ce réalisateur passionnant. « Tony Manero » et « Santiago 73, Post Mortem ». Deux films occupant de manière plus ou moins contemplative et masochiste l’espace historique sombre, crasse et traumatisant du Chili sous le gouvernement Pinochet (Voir notre article).

Gael Garcia Bernal

« No » resterait-il inscrit dans cette lignée obscure ? Peu d’indices filtraient avant Cannes, si ce n’est cette photo vintage de Gael García Bernal faisant du skateboard dans les rues de Santiago. Nous en déduisîmes que le réalisateur chilien récidivait avec un film ancré dans les années Pinochet. Mais comme l’évoqueront l’arc en ciel et les couleurs vives de l’affiche à paraître quelques mois plus tard, « NO » est un film sur la joie, la joie d’un peuple qui entrevoit enfin la sortie de 15 années de dictature.

Fini le glauque et l’humour noir !? « No » flirte avec les codes du feel good movie. On peut y voir une tentative de Larraín pour populariser son cinéma. Après deux films nageant dans l’horreur, il y aurait là un choix de clore la « trilogie Pinochet » sur une note positive. Ou bien au contraire, serait-ce une illusion d’un bonheur préfabriqué ? La joie mise en scène ne serait-elle ici qu’un énorme sarcasme !!?

No, by Pablo Larrain

En 1988 au Chili, sous la pression internationale, Pinochet se voit contraint d’organiser un referendum sur « Oui ou Non le peuple Chilien veut-il le voir rester au pouvoir ». Un temps d’antenne quotidien est alors équitablement accordé aux partisans du Oui et du Non à la télévision chilienne. Les opposants à Pinochet (les partisans du « No ») sont peu nombreux et craignent les représailles. C’est alors qu’apparaît l’idée d’embaucher un jeune publicitaire (Gael García Bernal dans le film), plus motivé par le défi marketing que représente le « No » que par ses convictions politiques. Son idée : marketer le « No » comme s’il était question d’une célèbre boisson gazeuse. A partir de cet instant le débat politique va prendre une tournure toute aussi imprévisible que burlesque.

Tour à tour drôle, curieux, sans pour autant oublier de faire passer une certaine idée de la pression qu’enduraient les opposants au régime de Pinochet, « No » tient autant du divertissement que du film historique documenté. L’apport documentaire est indéniable, un tiers du film est composé d’images télévisuelles datant de l’époque du référendum. Ce qui est génial, c’est que jamais ces images d’archives ne perturberont le rythme de la fiction. En filmant intégralement avec les même caméras de télévision que celles utilisées dans les années 80, Pablo Larraín, tout aussi audacieux qu’ingénieux, s’offre la liberté d’insérer ces images d’époque à sa guise (spot tv, discours, images de foules dans les rues…), sans créer de discontinuité dans la texture ou format des images.

Tous les spots de campagne vidéo présentés dans « No » sont donc des originaux. L’enjeu principal du film fut alors de reconstituer ou imaginer avec malin plaisir les discussions et évènements ayants amenés à la production de ces spots TV. Le résultat étant brillant, on rie puis s’émerveille devant l’audace et la créativité du petit publiciste que Pablo Larraín met en scène indirectement, face à Pinochet.

Gael Garcia Bernal

Rien que dans ses retranchements techniques, No est déjà un film fascinant. Ajoutez à cela une formidable imbrication de faits historiques, du suspense, quelques touches d’humour, du dramatique ainsi qu’un petit cours de « Marketing pour les Nuls » et vous obtiendrez la confirmation que Pablo Larraín est bien l’une des nouvelles étoiles du Cinéma latino-américain contemporain.
Gael Garcia Bernal

N’en dévoilons pas plus sur les images et l’esthétique délicieusement retro du film qu’il faudra impérativement découvrir en salle. Ne manque plus qu’un commentaire sur la bande son. Mon choix se porte facilement sur le slogan entêtant de la campagne du No : « Chile, la alegria ya viene », chant qui se répète en boucle dans nos têtes à l’issue de la projection. Un slogan d’espoir, illusoire aussi, qui surligne ironiquement l’efficacité redoutable d’un marketing consumériste appliqué à la lutte d’un peuple épris de liberté. Car finalement, le Chili prendra congé de Pinochet, mais qu’arrive-t-il ensuite ? Le grand gagnant de « No » ne serait-il pas le « Marketing » ?

En conclusion, nous en venons à nous interroger sur l’authenticité de la joie fabriquée dans/par ce film… A vous d’en décider : Happy end ? Ou vision pessimiste d’un cinéaste chilien qui clôt, dans tous les cas de manière sublime, une super trilogie de films sur les heures les plus sombres de son pays.

-Paul Bouchard- International Film Liker

NO

UN FILM DE PABLO LARRAIN

Sortie francaise le  6 Mars 2013

Chile, France, USA – 2012 – 118 minutes

1.33 – Couleurs & Noir et Blanc – Dolby – Espagnol

Avec Gael Garcia Bernal, Alfredo Castro, Antonia Zegers

Fiche technique :

Ecriture : Pedro Peirano et Antonio Skarmeta

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