Magazine Cuisine

Les Primeurs 2012 à Bordeaux (9)

Par Mauss

Les choses se calment doucement : pas d'anathèmes ni d'hagiographies sur un millésime 2012 qui vient d'être dégusté par des centaines de personnes, des pros comme des amateurs.

On voit venir un jugement général qui dira sagement qu'il y a partout de belles réussites, que ce sont des vins qu'on pourra probablement boire dans leurs jeunes années, qu'il faudra être sélectif, et donc qu'il n'y a aucun besoin de vider son coffre pour acheter tel ou tel avant qu'il disparaisse du marché ou que son prix s'envole.

Tout le problème du système "primeur" est là : créé à l'origine pour permettre l'achat de vins à un prix supposé préférentiel - la marchandise étant livrée deux ans plus tard - , cette singularité bordelaise a un sens dans deux conditions :

- un accord général pour dire qu'un millésime est exceptionnel ou pas… et donc un millésime qui va susciter une spéculation

- la certitude que les prix proposés en primeur permettront aux acheteurs payant deux ans à l'avance les vins, de réaliser une sensible plus-value lors de la sortie des vins.

On peut déduire a contrario de ces deux conditions que dans un millésime moyen ou petit, elles sont loin d'être réunies, quand bien même, certains crus qui pourraient obtenir un 98+ chez Parker auront une chance réelle de créer une petite plus-value à terme.

Le négoce enfilera ses gants de frilosité, parlera du contexte économique, évoquera des voisins moins gourmands, dira la lourdeur financière de tenir des stocks pas certains de générer de la marge, et tant d'autres arguments pour convaincre les producteurs d'offrir enfin des réductions réelles, au-delà d'un simple 10 %.

Les producteurs seront toujours vigilants à ne pas trop baisser afin de ne pas mécontenter leur ego, et de garder fidèles des clients d'anciens millésimes qui verraient d'un oeil torve la valeur de leurs amours prendre la peau de chagrin.

Soyons clairs : il est évident que l'amateur qui ne court pas après l'étiquette trouvera de très belles choses à moins de € 30 TTC. C'est une évidence qu'il faut toujours avoir en tête. Le problème est que beaucoup de ces amateurs européens, largement déçus par les politiques de prix des années antérieures, sont partis ailleurs, y ont trouvé de jolies choses et continuent à se fournir dans d'autres régions ou pays.

La tâche prioritaire du bordelais est donc de ranimer - si faire se peut - la flamme des buveurs en réduisant leurs yeux de Chimène pour les spéculateurs.

Pas facile, surtout dans le monde des costumes trois pièces bordelais (non, non : Jean Luc : toi, tu n'es pas en 3 pièces).

Alors, qu'attendre des journalistes qui vont nous pondre des papiers ± intelligents, compréhensibles et surtout loin des "politiquement corrects" et poncifs habituels ? C'est simple : à titre perso, j'attends qu'ils me disent : "voilà un vin que je souhaite mettre en cave s'il ne dépasse pas tel prix".

Je rêve, oui, je sais. Mais pourtant, c'est quand même à cela qu'ils doivent servir, non ? Quand un critique de théâtre ou de cinéma ou un film vante une pièce à un certain niveau, c'est pour que vous y courriez.  Alors, à nos Burtschy, Perrin, Bettane et autres Decanter ou Gabriel ou Ian d'Agata de nous dire les vins qui les ont vraiment fait frémir de bonheur, et qu'ils nous disent cela en termes suffisamment attrayants pour qu'on passe le pont et qu'on en réserve !

Il n'y a aucune raison à ce que ce soit Parker qui soit le seul à la source de mouvements d'achats. Certes, c'est sa réputation qui en est un des moteurs, mais c'est avant tout sa façon d'écrire sur un vin qui entraîne ou non un achat. 

Bref, messieurs les critiques : du punch, de l'audace, et pas seulement des politesses pour les grands noms qui vous reçoivent sur tapis rouge ! Vous en avez ? Montrez les !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mauss 1569 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines