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Lecture d'été (3)

Par Mauss
Entre quelques bons livres du style "L'EXPERT" de Trevanian ou "DESIR D'INFINI" de Trinh Xuan Thuan, les quotidiens français, versions estivales, sortent un peu des habituelles remontrances à nos politiques pour aborder d'autres sujets dont certains touchent le monde du vin.

Ainsi, le numéro du MONDE daté du dimanche 25 et lundi 26 août, publie un article fort intéressant sur Philippe Pacalet qui développe quelques fondamentaux sur la vigne.

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Philippe Pacalet (© Raphael Knapp (ICI) )

On a évoqué ici que ce sujet de la vigne sera traité lors du prochain WWS à Villa d'Este par José Vouillamoz, co-auteur de l'ouvrage majeur sur les cépages WINE GRAPES, sans oublier le papier sur le Domaine de Vassal, une sorte de musée actif de plusieurs milliers de cépages, un domaine qui aurait bien besoin, financièrement parlant, d'un soutien ferme de la part de tant d'organismes officiels liés au monde du vin, style CIVB et autres.

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José Vouillamoz

Voilà donc un thème - la vigne - qui sera sans doute majeur dans les prochaines années, histoire de revoir à fond ce qui se passe comme évolution dans les vignobles européens.

Philippe Pacalet - que je ne connais pas - est un homme qui a quelques idées fondamentales en la matière. Quelqu'un qui se présente pour une embauche dans un vignoble renommé en donnant comme pièce de son CV une bouteille de Morgon 1989 de Marcel Lapierre, c'est assez original pour lui porter un minimum de sympathie.:-)

On entre dans le milieu particulièrement délicat des vins dits "bio" où, on le sait, dominent encore des jugements à l'emporte-pièce là où il faudrait d'abord écouter, lire et comprendre ce qu'en disent ses défenseurs.

N'ayant strictement aucune connaissance technique sur cette question, on évitera des jugements sans grande signification, sinon de dire, qu'in fine, comme amateurs, on espère que les vins suivant ce process "bio" satisferont les amateurs, même s'il faut revoir les approches classiques de la dégustation et accepter certains nouveaux chemins d'appréciation.

Philippe Pacalet revient sur la façon dont les moines, jusqu'à la révolution de 1789, travaillaient la vigne en semant des pépins de raisins pour la régénérer. Allez lire cet article très intéressant qui revient sur les "dégâts" du phylloxéra et ses effets collatéraux négatifs via le greffage de porte-greffes américains. Sans doute qu'à l'époque, personne n'avait les idées ni les moyens de revenir au système des moines. Pas question donc de porter l'opprobre sur les anciennes générations.

Mais - si on suit les raisonnements de Philippe Pacalet - il n'est que temps de tout revoir si on ne veut pas une lente et irrésistible dégénérescence de la vigne européenne. Comment revenir au "franc de pied" ? Ce qu'il propose est quasi surhumain, niveau financement. A part quelques fondus disposant d'une trésorerie maousse costaud, qui pourrait se lancer dans une telle aventure ? Seule une action collective (Bruxelles et ses costumes trois-pièces ?) pourrait permettre, à tout le moins, de lancer une expérience allant dans le sens proposé, histoire de voir où cela amènera la vigne. Tâche gigantesque s'il en est, mais on parle quand même ici d'un secteur économique majeur de l'agriculture européenne, un de ses fleurons historiques et unique.

L'affaire n'est pas si grave que ça ? Peut-être. Peut-être que les soins de plus en plus vigilants et contrôlés des meilleurs vignerons pratiquant le bio ou ce qu'on appelle la culture raisonnée seront suffisants pour améliorer lentement les choses, mais ce serait un peu bête de ne pas étudier cette piste neuve que propose Philippe Pacalet.

Quelques phrases extraites de cet article (page 18) :

"Le problème, c'est pas le sol, c'est la plante"

"En sélectionnant les qualités d'une plante, on concentre aussi ses défauts"

"C'est un travail titanesque qui nécessitera des années. Je n'en verrai pas moi-même les résultats, mais il faut l'entreprendre car nous avons un train de retard."

En option proposée au fastidieux système de semer des pépins (on admire là à quel point la notion de "temps" vue par les ordres monastiques était quelque chose qu'on a sans doute perdu… pour un bon bout de temps), Philippe Pacalet évoque - trop rapidement - la possibilité de faire appel aux "techniques de la génétique" : plus rapide mais plus risqué.

Derrière tout cela, il y a quand même le produit final.

Qui peut dire quels étaient les goûts, les saveurs, les capacités de vieillissement des crus d'avant le phylloxéra ? On n'a qu'un François Audouze : quasi fondamental, mais pas suffisant :-)

Qui osera dire que maintenant, au XXIème siècle, on n'a jamais eu autant de choix de vins divers, et de très haute qualité ? Qui peut dire que l'ingéniosité de l'homme ne lui permettra pas de trouver une solution acceptable, scientifiquement, financièrement et qualitativement parlant, pour continuer à offrir à l'amateur ces vins d'émotion que tant de régions nous proposent ? 

Et le goût dans tout ça ?

La vague du bio fait que bien des consommateurs privilégiant ce mode de produits consommables acceptent sans trop d'état d'âme des goûts, des saveurs, des défauts (?) que d'autres, fermement appuyés sur un classicisme d'expérience, refusent encore d'apprécier ? Particulièrement significatif à cet égard, la longue liste sur les meilleurs vins "bio" du Guide B+D qui sera en librairie sous peu (le 29 août).

On a aimé les "pompiers" sous Napoléon III quand d'autres, en nombre bien plus réduit, ont compris à quel point les impressionnistes apportaient un oeil tout neuf à l'art pictural. Sera-ce la même chose dans le monde du vin ?

Va savoir, Charles !


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