Deux verticales : Rauzan-Ségla & Canon

John Kolasa, qui dirige ces deux propriétés bordelaises de la famille Wertheimer (Chanel) a initié une belle verticale de ces deux châteaux (aoc margaux et aoc st-émilion GC) au siège parisien de Chanel, place Vendôme.

Euphémisme que de dire à quel point l'endroit est une mise en valeur plus que singulière de ces deux crus girondins. Et je ne vous dis pas à quel point le personnel de la boutique, pas forcément initié à recevoir en ses murs d'autres gens que de discrets amateurs de belles choses et possédant de solides revenus, a été "première classe", sourire non commercial en sus.

Impressionnant également de ressentir à quel point la sécurité est présente, et en toute discrétion, d'autant plus que le matin même des zèbres s'étaient permis d'attaquer à la voiture bélier une horlogerie de luxe, en face de Dutournier, tout proche de la place.

Bon : parlons des vins.

Dans ce type de dégustation, des verticales sur plus de dix ans, avec presque tous les millésimes, on a plusieurs types de réactions.

- Les confirmations de millésimes de référence. Exemple avec le 2010 de Rauzan-Ségla. Impressionnant d'équilibre et surtout de potentiel d'évolution, tant la matière est là, les harmonies impeccables et l'élégance en sus. Comme disent les américains : WOTD (Winner of the Day).

- les confirmations de certains critiques. Oui, le 2001 qui a suivi le très médiatique 2000 est un millésime qui en surprendra plus d'un par sa classe innée. Donne l'impression qu'on peut commencer à le boire, tant les plaisirs/émotions qu'il offre déjà sont sensibles. J'ai beaucoup aimé.

- les étonnements : avec l'exemple du 2004, supérieur à ce qu'on a écrit à sa naissance.

Ce fut également l'occasion de sentir quelles sont les différences entre un cru de la rive gauche et un autre de la rive droite, le Canon devant recevoir dans un proche futur 35% de cabernet-franc, le cépage qui offre structure et finesse au charmeur merlot, comme c'est le cas à Cheval-Blanc. Les Rauzan-Ségla demandent plus d'attention à la dégustation que les Canon lesquels, spontanément peut-on dire, s'offrent avec une belle générosité et un côté "plaisir" plus immédiat.

Je sais que cela va paraître particulièrement prétentieux, mais cette dégustation m'a permis de bien ressentir ce qu'on peut attendre d'un margaux et de son style tel qu'il est décrit dans les ouvrages de référence, et idem pour un Canon qui m'a semblé une passerelle évidente entre un Ausone dont le terroir est unique et un Cheval-Blanc où le cabernet-franc a toujours apporté une finesse assez éloignée de certains styles qu'exigeait une clientèle étrangère drivée par le gourou de l'époque (je sais, phrase très jésuite).

Mais bon, en matière de goût…

Une chose est sûre, et on l'a déjà écrit ici. Il devient fondamental pour les grandes propriétés de réaliser ainsi, une fois tous les deux ans par exemple, de belles verticales, histoire de montrer à la presse professionnelle ou autre, à quel point certains commentaires de naissance ou d'enfance méritent d'être sérieusement revus.

Merci John pour ce beau moment, cette organisation impériale. Comme j'ai droit à un reproche, j'eus aimé que les vins fussent servis un chouilla plus frais. Mais bon… là encore je chipotte :-)

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