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Les Dönnhoff à Paris (3)

Par Mauss

On glose souvent sur une hiérarchie qui existerait entre des commentaires de dégustation de la part de professionnels et de la part d'amateurs.

Bien évidemment, le lecteur s'attend à des notes parfaitement argumentées de la part d'un pro alors même qu'il aura de facto plus d'indulgence pour ce qu'écrira un amateur. C'est d'une grande logique, mais qu'il nous soit permis ici de citer deux exemples où deux amateurs ont écrit dix fois mieux que bien des pros (sans jamais oublier que des équipes de pro, à un moment ou à un autre, engagent des "amateurs" qui reçoivent du coup, l'onction papale de statut "pro").

Sans avoir demandé leur autorisation, je me permets - à mon âge, je peux - de citer ici (pris sur le site LPV) deux longs commentaires de la part de deux amateurs qui sont venus ce jour au Laurent pour déguster les crus du Weingut Dönnhoff, en présence des propriétaires, et avec les gnamagnama que Philippe Bourguignon avait fait préparé, dont le classique "araignée de mer" tant copié et jamais égalé.

Qu'il me soit permis de redire à quel point on fut heureux de voir venir de jeunes amateurs, passionnés, respectueux, attentifs, posant "x" questions, et dont les commentaires, vierges de tout ego déplacé ou de suffisance inacceptable, sont un petit joyau de bonheur.

Bonne lecture à vous, comme ce le fut pour moi.

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Monsieur X

Cela aura été sympa de rencontrer quelques LPViens parmi les plus éminents (l'immense Oliv et le très sympathique Damien mkb).
Je pense que la dégustation de ce midi restera dans ma mémoire comme l'une des plus belles concernant un grand domaine de réputation internationale.
Cela aura été pour moi un plaisir de pouvoir reparler un peu allemand avec Monsieur et Madame Dönnhoff que je voudrais remercier pour leur gentillesse et leur passion à présenter leurs vins.
Ces vins justement : une personnalité, une race et une noblesse rares. Une qualité exceptionnelle sur les vins présentés, ceci justifiant pleinement leur place au panthéon des plus grands rieslings germaniques.

Encore merci de m'avoir permis d'être présent.

Je livre ici mes impressions, elles ne sont peut-être pas très exhaustives mais j'ai été pris dans l'ivresse épicurienne de l'instant présent...


Weingut Dönnhoff, Riesling Grosses Gewächs, Niederhäuser Hermannshöhle 2012

Robe d'un très bel or clair. Le nez est impressionnant, complexe, fruits blancs, poire, une pointe de minéralité. Waaaaoouuuh quelle bouche!!!! Un jus absolument délicieux, un énorme fruit, c'est filigrane, très long, intense, superbement ciselé, ultra salivant. La matière première est exceptionnelle. Non recrachable... Splendide en l'état, immense en devenir. Grand vin

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Weingut Dönnhoff, Riesling Grosses Gewächs, Niederhäuser Hermannshöhle 2011
Robe or clair à reflets verdâtres. Le nez est plus minéral, calcaire, puis vient un fruit très fin ensuite. La bouche possède une tension magistrale, nettement plus ciselée que le 2012. Le vin apparaît beucoup plus sec, avec une trame acide plus prononcée (mais superbe pour autant!). Le vin est moins expressif que le 2012 au niveau fruit. Un vin d'une grande droiture. Encore une matière première extra. Il apparaît plus porté sur l'agrume quand le 2012 fait preuve d'un peu plus d'exotisme. Très bien +
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Weingut Dönnhoff, Riesling Trocken (Grosses Gewächs), Niederhäuser Hermannshöhle 2005
La robe est légèrement plus dorée. Une légère note terpénique au nez qui apparaît ensuite très riche, puissant, presque envoûtant... Le contraste avec la bouche est assez surprenant car je ne m'attendais pas à un exotisme aussi prononcé. L'acidité est moins marquée, une très jolie finesse, la finale est marquée par de beaux amers et du pamplemousse très mûr. Totalement différent des deux vins précédents. Ce sera le vin que j'aurai relativement le moins bien goûté certainement car assez déstabilisant entre le nez et la bouche. Très bien -
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Weingut Dönnhoff, Riesling Auslese Trocken, Niederhäuser Hermannshöhle 1989
La robe est encore extrêmement claire et brillante. Un nez époustouflant avec une impression de citron presque confit, quelle concentration, quelle intensité, quel fruit !!! Le principal terme pour décrire la bouche semble être "finesse". Quelques notes de truffe. Quelle noblesse dans ce vin et une tension... Le vin termine de manière longiligne tout en subtilité et en finesse. C'est non recrachable et vraiment exceptionnel en l'état !!! 24 ans et indestructible je pense... Grand vin
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Weingut Dönnhoff, Riesling Spätlese, Schlossböckelheimer Felsenberg 2001 Versteigerungswein
Robe très claire. Un nez avec un fruit très mûr, une très légère note pétrolée et de la minéralité le tout enrobé dans une légère sensation crémeuse. Un vin d'une facilité à boire déroutante (vraiment d'une buvabilité extrême, cela pourrait s'apparenter à une drogue addictive!!!). Un vin très équilibré avec une jolie texture crémeuse sucrée, abricotée (ça me rappelle le petit filou à l'abricot de mes jeunes années). Une très belle acidité et un toucher de bouche extra. c'est véritablement superbe et également non recrachable!!! Excellent vin.
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Weingut Dönnhoff, Riesling Spätlese, Niederhäuser Hermannshöhle 1990
Robe d'un très bel or avec de légers reflets verts. Quel nez encore!!! Evolué, truffe, grande intensité. Un vin absolument énorme !!! L'intensité se retrouve en bouche, tout en concentration et en subtilité, une tension merveilleuse, des notes de cédrat confit, les sucres apparaissent presque "dissous" et apportent juste cette petite touche de moelleux irrésistible. Une trame et une longueur extraordianaire. Tellement délicieux, vraiment tellement!!! Très grand vin à mon goût personnel. Il apparaît taillé pour durer des décennies encore...
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Weingut Dönnhoff, Riesling Eiswein, Oberhäuser Brücke 2012 AP 020-13
La robe est très pâle avec des jambes épaisses. Le nez est assez exhubérant sur la poire William, c'est très concentré, explosif. Un jus énormissime en bouche, tout comme l'est l'acidité. Une liqueur impressionnante +++ Enormément de fruit, une pointe de caramel, de la subtilité, longueur infinie... C'est très clairement un infanticide mais nom de Dionysos c'est déjà divinement bon!!! Grand vin aujourd'hui, immense en devenir. Potentiel de garde infini...
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Weingut Dönnhoff, Riesling "Hochfeiner" Eiswein, Oberhäuser Brücke 1966
La robe est caramel très prononcé. Le nez apparaît sur des notes intenses et concentrées de caramel, de café, une pointe d'épices (cannelle). Une grande délicatesse en bouche, un assemblage magistral d'équilibre, de concentration et d'intensité. L'acidité est toujours incroyable et se fond dans l'ensemble qui est vraiment exceptionnel. Quelques notes de truffe viennent s'ajouter à ce merveilleux breuvage de méditation. Longueur infinie. C'est très grand et plein d'émotion. Magnifique vin
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Weingut Dönnhoff, Riesling Eiswein, Oberhäuser Brücke 1983 AP 018-84
La robe est ambrée claire et lumineuse. Le nez est très intense, très marqué par les épices (cannelle, gingembre, 5 parfums...), le caramel, le sucre roux et une pointe de café. La bouche est emplie de plénitude, immense volume, explosion de fruits et de pâte de fruits le tout supporté par une acidité géniale. Une immense concentration, une intensité aromatique extraordianaire, un toucher de bouche majestueux, une texture délicate. C'est très très grand, vibrant même, si ce n'est la perfection. C'est l'un des plus formidables vins liquoreux qu'il m'ait été permis de déguster je pense. Pour la peine, j'ai osé demander à Monsieur Dönnhoff de pouvoir avoir un peu de rab... Immense vin, indestructible je pense, on en reparlera encore dans 100 ans!!!
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Voilà... Je suis frustré en rédigeant ces mots, car je me sens presque en manque (je crois que suis tombé définitivement addict des vins de ce merveilleux domaine). Heureusement que j'ai quelques bouteilles en ma possession sur lesquelles je vais devoir mettre un cadenas particulier de peur de les boire trop vite, mais malheureusement pas d'Eiswein...
Un petit regret, celui de ne pas avoir pu arriver plus tôt pour profiter encore plus de ces exceptionnels nectars.
J'espère avoir un jour la chance de me rendre à Oberhausen afin de rencontrer Monsieur et Madame Dönnhoff dans leur sanctuaire.

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LE GRAND DUDUCHE (OLIV)

Ma lecture des vins goûtés ce jour au Laurent.
Weingut Dönnhoff, Riesling Grosses Gewächs, Niederhäuser Hermannshöhle 2012
Robe assez claire.
Beau nez plein de fruit, sur le citron confit, le fruit de la passion, une très légère pointe de menthe.
La bouche est géniale d'élégance, d'une construction somptueuse de fraicheur et de tension, sur un jus à la fois gourmand et ciselé qui s'étire sans jamais provoquer de fatigue.
La finale est d'une longueur remarquable et d'une fraicheur absolument délectable.
Magnifique !

thumbs down

Weingut Dönnhoff, Riesling Grosses Gewächs, Niederhäuser Hermannshöhle 2011
Robe claire.
Nez sur une construction plus serrée, sur des notes minérales, avec moins de fruit que le 2012.
Confirmation en bouche où l'ensemble parait moins fondu, plus sur l'acidité et une concentration un peu dissociée encore à patiner.
Le vin parait plus viril, plus strict, sur un équilibre moins abouti sans pour autant perdre en puissance et en volume.
La finale est salivante et toujours d'une délicieuse fraicheur.
Très bon !
Weingut Dönnhoff, Riesling Trocken (Grosses Gewächs), Niederhäuser Hermannshöhle 2005
Robe à peine plus évoluée.
Le nez en revanche part plus nettement sur le minéral, les notes finement pétrolées enrobant les fruits exotiques.
La bouche est très précise, élancée, sur une belle concentration qui passerait presque pour de la largeur après les deux lasers précédant.
Les gouts sont très agréables, confortables et fins.
La finale est très longue et provoque une sacrée envie de se resservir.
Très bon, dans un registre plus facile. Ou peut-être simplement plus prêt ?
Weingut Dönnhoff, Riesling Auslese Trocken, Niederhäuser Hermannshöhle 1989
Robe sur un fin doré.
Nez ultra complexe, assez incroyable, compromis de notes de truffe, d'orange de Noël, de poudre à canon, d'épices. La complexité d'un vieux Cognac sans les vapeurs d'alcool !
L'attaque en bouche est monumentale d'acidité sans pour autant provoquer d'effet strident ou de larmes au coin des yeux.
Le vin s'exprime tout en présence tactile et en impressionnante capacité automotrice, comme s'il avait en lui même la capacité à se relancer en bouche.
Les goûts d'évolution sont d'une complexité qui les rend insaisissables, entre des notes fruitées (agrumes confits) bien présentes et un ensemble nettement tertiaire qui s'exprime sur le minéral et la truffe.
Superbe !
Weingut Dönnhoff, Riesling Spätlese, Schlossböckelheimer Felsenberg 2001 Versteigerungswein
Robe cristalline, à peine grisée.
Nez très fin, sur la naphte, le fruit de la passion, le zeste de citron vert.
La bouche est un petit bijou d'évidence gourmande. Le vin est à la fois gras, sur une belle matière ample et douce vivifiée par une acidité superbe qui la rend gracile et d'une totale légèreté.
Alors qu'on s'attendrait presque à ce que cet équilibre désaltérant et facile se laisse aller à vous planter la finale en route, le vin semble interminable, réussissant l'exploit génial d'une totale immédiateté et pourtant d'une puissance parfaitement contenue.
Un vrai bonheur ! Un modèle de grand vin blanc !
thumbs down

Weingut Dönnhoff, Riesling Spätlese, Niederhäuser Hermannshöhle 1990
Robe vieil or.
Nez très complexe, précis, parfaitement en place, sur des notes minérales (pierres frottées), de truffe et d'agrumes confits.
La bouche est d'une grande présence, percutante, très salivante.
L'acidité perçue est très élevée et prend le pas sur la douceur de sucres qui semblent bien fondus.
Le côté tactile du vin est assez impressionnant et, après l'évidence du 2001, semblerait presque brutal.
La finale est looooooongue et encore et toujours d'une fraicheur incroyable à ce niveau de puissance.
Un superbe vin qui me semble pouvoir permettre de beaux accords à table sur des plats de poisson épicés par exemple.
Weingut Dönnhoff, Riesling Eiswein, Oberhäuser Brücke 2012 AP 020-13
Robe claire, sur le jaune paille.
Nez superbe, ouvert et puissant sans pour autant verser dans la lourdeur. Un peu comme l'impression de sentir un fruit à parfaite maturité et non une confiture.
L'ensemble est un compromis de senteurs exotiques et minérales d'une grande finesse et élégance.
La bouche est monumentale d'équilibre, l'attaque liquoreuse étant parfaitement et incroyablement balancée par une acidité gigantesque qui étire le vin et lui donne un tonus phénoménal.
Le vin est présent et d'une persistance très impressionnante.
Déjà grand. Et totalement incrachable !
thumbs down

Weingut Dönnhoff, Riesling "Hochfeiner" Eiswein, Oberhäuser Brücke 1966
Robe bronze.
Nez complexe, sur le minéral, les épices douces, presque le pain d'épices par un fin côté de caramel brun.
La bouche est superbe, ultra précise, sur un équilibre à la matière volumineuse mais sans une once de lourdeur.
La liqueur est fine et lancée par une acidité délicate et bien intégrée.
Les goûts sont très complexes et évoluent de notes d'agrumes à des perceptions plus minérales assez indéfinissables.
La finale est très longue, sur une présence salivante qui appelle la levée de coude aisée.
Superbe !
Weingut Dönnhoff, Riesling Eiswein, Oberhäuser Brücke 1983 AP 018-84
Robe acajou.
Nez puissant présentant un ensemble étonnant de notes torréfiées de café, d'écorces d'orange, de senteurs minérales (poudre à canon) et d'épices (girofle, cannelle). Plus tout ce que j'ai loupé, c'est à dire tout !
L'attaque est marquée par une liqueur puissante qui tapisse immédiatement le palais. Mais une acidité absolument dantesque prend immédiatement le relais pour trancher cette masse et la mettre en mouvement.
L'impact est absolument incroyable et n'est que le début d'un voyage extraordinaire de distinction qui s'ouvre sur une finale interminable comme j'en ai vu peu dans ma vie.
Très grand vin !
Weingut Dönnhoff, Oberhäuser Brücke, Riesling Auslese, 2003
Robe cristalline.
Nez fin, assez discret, sur des notes d'agrumes, de fruit de la passion et une pointe minérale et mentholée.
L'attaque en bouche est encore sur un sucre bien présent mais sans une once de lourdeur, mobilisé qu'il est par une remarquable acidité parfaitement intégrée.
Le volume est excellent et les goûts francs, sur la rhubarbe confite, encore à patiner toutefois pour gagner en complexité.
L'effet de perspective des vins précédents, sans aucun doute.
L'accord avec le soufflé chaud au thym eucalyptus est absolument remarquable, le dessert épaulant parfaitement le vin et la passerelle aromatique mentholée du plat jouant un mano mano superbe avec le vin.
Un moment absolument remarquable de qualité !
Quelle grande chance d'avoir eu accès à ces vins rares et délicieux dans des conditions de dégustation parfaites et une atmosphère simple et décontractée.
Un grand merci à M. et Mme Dönnhoff pour leur générosité comme pour la précision de leurs explications. 

Juste un commentaire final :

Comme certains ont reconnu ici le style d'OLIV, je rappelle à quel point ses commentaires des dégustations de prestige à Villa d'Este, comme ceux de Jérôme Perez, avaient cette marque magnifique de la passion raisonnée. Pas de grandiloquence à la mauss, mais des analyses rigoureuses, assumant totalement leur propre goût, mais marquées d'une honnêteté qu'on ne trouve pas forcément chez pas mal de pros.

Le monde change grâce à l'internet. Sans aller jusqu'à jeter aux orties des pros dont on lira toujours avec intérêt les commentaires basés sur des expériences irrenplaçables.

Encore merci à ces équipes de jeunes, d'une politesse exemplaire (notamment l'équipe "vins" du Bristol) alors même qu'ils ont une vie professionnelle bien loin des assurances que nous avions à leur âge : chapeau messieurs !


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