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[Critique] LA STRATÉGIE ENDER

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LA STRATÉGIE ENDER

Titre original : Ender’s Game

Note:

★
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☆
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Origine : Etats-Unis
Réalisateur : Gavin Hood
Distribution : Asa Butterfield, Harrison Ford, Viola Davis, Hailee Steinfeld, Ben Kingsley, Abigail Breslin, Hailee Steinfeld, Nonso Anozie…
Genre : Science-Fiction/Action/Adaptation
Date de sortie : 6 novembre 2013

Le Pitch :
En 2086, l’espèce humaine frôla l’extinction. Une race insecte d’extraterrestres appelés les doryphores est descendue du ciel pour dévaster la Terre. Mazer Rackham, le commandant d’une des patrouilles lancées dans une contre-offensive désespérée contre l’ennemi, met un terme à leur invasion, se sacrifiant pendant l’attaque pour détruire le vaisseau mère. Des années plus tard, le jeune Andrew « Ender » Wiggin est recruté par le Colonel Hyrum Graff, le commandant d’un programme militaire utilisant des enfants comme stratèges de guerre, les entraînant à l’aide de simulations virtuelles dans l’art du combat, dans la crainte que l’ennemi revienne un jour, et avec l’espérance que la jeunesse produira des soldats plus malléables. Alors que son éducation de guerrier se poursuit, Ender se fait des amis et des ennemis, et sous l’influence de Graff et de ses officiers, devient rapidement un des meilleurs élèves de l’école spatiale. Mais il reste encore un dernier examen…

ATTENTION : Cette chronique pourrait contenir des spoilers du livre (et du film) La Stratégie Ender. Lisez à vos risques et périls.

La Critique :
Il n’y a pas de doute sur le sentiment incroyable de finalité de voir une adaptation de La Stratégie Ender enfin atterrir sur grand écran. Si la personnalité de son auteur Orson Scott Card ne peut pas compter parmi les plus illustres, l’ouvrage en lui-même reste un des romans les plus célèbres et influents de la science-fiction du 20ème siècle. Farouchement anti-guerre et longtemps considéré comme inadaptable, le livre plaçait son sujet sombre et (à l’époque) novateur, dans un futur crépusculaire où l’humanité recrutait et entraînait des enfants dans l’art de la guerre, formant des écoles militaires qui transformaient les meilleurs des meilleurs en génies tactiques dirigeant des simulations virtuelles de combats interstellaires, en préparation pour un conflit mortel avec les extraterrestres qui avaient failli causer leur extinction la dernière fois.

C’est aussi une des ces histoires qui reposent sur un rebondissement final dont l’existence était plus ou moins le but de toute l’entreprise. Sans vouloir trop en dévoiler, ce twist de fin en particulier concernait un tissu de mensonges et de manipulation par les adultes du récit, culminant avec un examen final où tout ce qui jusque-là s’apparentait à un simple jeu devint un acte horrifiant de génocide, ruminant sur la métamorphose de gamins en sociopathes pour en faire des armes de guerre. Ouch.

Vous avez donc sans doute une petite idée de la raison pour laquelle tout ceci semblait aussi révolutionnaire autrefois, et peut-être aussi un sentiment tenace de déjà vu, qui pourra peut-être expliquer pourquoi La Stratégie Ender n’est pas un très bon film. Jetez un coup d’œil aux dernières trois décennies de science-fiction. Il est assez facile de voir à quel point il a déjà été dépossédé de ses thèmes, de ses idées et de ses personnages par tellement d’œuvres postérieures. À ce stade, autant l’appeler Starship Troopers, édition Du Rififi Chez les Mômes : il n’y a vraiment pas grand-chose ici, y compris le grand bouquet final, qui n’a pas déjà été mieux fait ailleurs. Pour avoir un sens dans un monde où il est le dernier arrivé à la fête, un film sur La Stratégie Ender en 2013 avait vraiment besoin d’être autre chose que l’adaptation coche-cases que nous avons aujourd’hui, arrivée sur nos écrans pour aller fastidieusement du point A au point B.

Notre héros est Asa Butterfield (le petit d’Hugo Cabret) dans le rôle d’Ender, un jeune prodige à la tête brûlée sélectionné par le Colonel Graff (un Harrison Ford à peine ambulatoire) comme l’élu recherché. Tout ça parce qu’il est un Einstein de l’armée, mais dans le film on a plus l’impression que le petit Ender a été choisi parce que tout le monde a remarqué sa rage refoulée, sa prestation plate et sa gueule d’enterrement, et ils ont décidé que ce serait mieux si cette bombe à retardement explosait à côté des aliens au lieu d’auprès de ses camarades. Ender est donc envoyé au Poudlard de l’Espace pour s’entraîner au combat, et le film choisit de garder l’action confinée uniquement à l’intérieur de ces centres militaires, supprimant presque tous les passages sur Terre qui étaient présents dans le livre.

En aucun cas le film n’est incompétent. Son réalisateur, Gavin Hood, n’est pas à la botte du studio comme il l’était dans l’exécrable X-Men Origins : Wolverine. Quelques scènes, particulièrement deux grands jeux de laser-tag en apesanteur sont plutôt saisissantes d’un point de vue purement technique, et l’étendu du deuxième acte où le récit expose comment Ender développe et s’essaye à ses talents de leader sont une petite merveille d’efficacité scénaristique.

Malheureusement, c’est cette même efficacité qui rend le reste du film aussi impitoyablement superficiel. Même si on ne connaît pas déjà la fin et qu’on réussit à ignorer les indices archi-flagrants que les adultes Mijotent Toujours Quelque-Chose, le film revient beaucoup trop fréquemment aux côtés de Graff et du Major Anderson de Viola Davis, en train d’expliquer que tous les entraînements et les promotions d’Ender ne sont vraiment que des manipulations mentales pour faire sortir le psychopathe qui est en lui. Hood nous file le tuyau trop tôt et trop souvent, faisant de grand pas délibérés vers le grand final, et révélant ce qui devrait être au moins des évolutions de personnages et le développement d’un univers construit comme étant des longs labeurs en route vers le feu d’artifice, cochant péniblement les cases de la liste monomythe du Héros aux mille et un visages.

Et si le feu d’artifice en question auvait marché, ça aurait peut-être valu le coup, mais la révélation ultime de La Stratégie Ender est aussi sa plus grande déception. Par une erreur de calcul créatif gigantesque, Hood choisit de filmer les batailles supposément virtuelles le plus spectaculairement possible, mettant en scène d’énormes extravagances de budget conçues uniquement pour justifier le prix d’un billet de cinéma. Et avec leurs effets-spéciaux coûteux et leur martèlement musical, ce ne sont qu’au final de simples scènes de bataille qu’on trouverait dans n’importe quel autre exemple de science-fiction. Le film ne fait pas confiance à son public, le jugeant trop faible pour digérer le message féroce du livre. La surprise finale de ce qui s’est réellement passé ne pourra jamais être le coup de poing aux tripes attendu, précisément parce que ce qui s’est passé est déjà trop réel.

Peut-être que dans les années 80, juste après la sortie du bouquin, ça aurait pu mieux marcher, et l’examen aurait été Ender et compagnie dans une version légèrement plus élaborée de Wargames. Moins de spectacle, certes, mais l’impact pourrait être plus fort. Ce même impact, d’ailleurs, est également tenu suffisamment à distance pour nous priver de toute impression tangible d’émotion ou de perte, laissant le pauvre Butterfield tenter de communiquer le poids et l’horreur du rebondissement à lui tout seul. Ce bonhomme est un bon acteur, mais personne n’est assez bon pour ça.

La Stratégie Ender n’est pas un mauvais film, mais c’est loin d’en être un bon. Peut-être que l’attente fut trop longue. Peut-être que c’est encore trop difficile à retranscrire au cinéma. Mais les comptes sont faits, et le résultat est une corvée : parfois élégant, admirablement interprété, et souvent ennuyeux. Toute l’entreprise ressemble à un épisode long et particulièrement chiant de Star Trek : La Nouvelle Génération, ou une autre série télé que les gens ne regardent jamais. Les fans seront certainement déçus, mais les non-initiés qui ne sont pas familiarisés avec la franchise regarderont les vestiges d’une controverse et un marketing solennel inspiré-du-best-seller-classique comme on regarde à travers un hublot, avec la même confusion qui accueillit les novices au phénomène John Carter :

« C’est tout ? »

@ Daniel Ranwsley

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Crédits photos : Metropolitan FilmExport


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