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Une évolution possible du marché chinois

Par Mauss

Les morosités des marchés européens que peuvent constater les grands producteurs-exportateurs de vins, soit dans le contexte du marasme économique actuel, soit parce que les acheteurs classiques se souviennent encore des prix "raisonnables" des années 80 et 90 ou même parce que simplement ils ont trouvé ailleurs, moins chers, des vins qui leur conviennent, tout cela a fait que chacun a cherché l'eldorado dans les nouveaux pays à forte croissance comme la Chine, l'Inde, le Brésil ou autres.

Les choses changent… du moins en Chine.

Sans que cela soit trop réducteur, ce n'était pas faux de dire qu'en Chine, celui qui achetait le vin n'était pas celui qui le buvait.

On était - on est encore, mais dans une moindre mesure - dans un système économique où les habitudes du "business" exigeaient des conclusions de contrat à base de Lafite ou Vuitton ou Audemars-Piguet. L'échange de cadeaux était une norme obligée des affaires.

Les grands vins étaient donc, quelque part, des investissements qu'il fallait prévoir pour l'entretien de fructueuses relations commerciales.

Sont venues se greffer sur cet état des lieux deux évolutions dont l'Europe commence seulement à s'en rendre compte :

- le boom insensé des fausses bouteilles qui posent de réels problèmes aux exportateurs qui ont déjà assez de mal à protéger leurs noms, leurs marques. Le doute s'insinue un peu partout et les frais d'une traçabilité prouvée vont être conséquents, outre une lenteur des mises en place.

- le chinois, qui voyage, a pu constater que les prix qu'on lui demandait n'étaient pas forcément les prix qu'il pouvait constater en Europe. Le chinois, si on peut le rouler une fois, deux fois, c'est qu'on a en face de soi un phénomène plutôt rare. Combien d'acheteurs importants ont simplement annulé des ordres conséquents d'achat, même en abandonnant les avances qu'ils avaient payées ? Plus d'un négociant bordelais a connu la douche froide ces dernières années. Mais bon, ici, on reste discret sur ces mésaventures.

Ajoutez à cela les blogs, sites, revues qui parlent de vin… en chinois. On va suivre de près les actions de Madame Peretti-Brown qui va certainement vouloir valoriser un max le nom de Parker qu'elle a acheté pour quelques investisseurs.

Et les salons qui se multiplient, même dans des villes qui n'existaient pas il y a dix ans.

Sans même parler des vastes vignobles en développement où on ne fera pas forcément que du bas de gamme. 

Ce qui est en train de se passer est simplement que de plus en plus, celui qui achète le grand cru va être celui qui le boit. Ce n'est pas une évolution mineure. Si, dans le contexte d'un beau contrat, on est d'accord de payer très cher un Latour ou un Margaux, quand il s'agit de se créer sa propre cave, on devient un peu plus attentif aux prix à payer. 

Ajoutez à cela les facilités d'informations qu'offre le NET et très vite, on va trouver des chinois qui, élèves studieux, vont vite apprendre les notions de RQP.

Certes, les prestiges des étiquettes vont continuer encore longtemps d'être la base d'achats conséquents, mais, comme on a pu le constater au VDEWS, verre en main, bien des amateurs asiatiques commencent à appliquer plus de discernement pour leurs achats.

Une conclusion possible n'est pas de dire que "c'est foutu", mais bien plutôt qu'on va s'orienter, plus vite que prévu, vers un marché plus sain, plus réaliste, avec ou sans bulle explosive pour ces grands noms mythiques. Le vin est définitivement établi comme un bien de consommation qui prouve une réelle réussite dans une vie professionnelle. Les portes s'ouvrent mieux pour bien des producteurs qui se situent directement en-dessous de ces noms qui ont fait la une de tant de journaux.

Le gros problème va être la Bourgogne. On sait que devant la pléthore de bordeaux qui ont trusté le marché chinois, plus d'un amateur aux ressources solides, veut se distinguer en portant de plus en plus ses choix vers les crus bourguignons. Le grand malheur tient en deux évidences :

- les vignerons bourguignons ne vont pas abandonner de sitôt leurs habitudes de vente, via des allocations annuelles à des clients fidèles qu'il n'y a aucune raison de négliger, chacun sachant bien que le belge, le suisse, l'allemand, le danois acceptent souvent sans broncher les augmentations de prix sous peine de ne plus être sur les listes des meilleurs producteurs.

- mais surtout, le monde des amateurs va vite comprendre que le vignoble bourguignon - où règnent quelques petites dizaines (je suis généreux) de producteurs réputés - n'a pratiquement rien à offrir de suffisant, niveau quantité, pour satisfaire ces nouveaux marchés. En Europe, les grands amateurs ont des caves de famille qui datent souvent de trois générations : on peut voir venir. Là-bas, on est nus. Une cave n'est digne de ce nom que lorsqu'elle est pleine.

Et sans oublier que les derniers millésimes n'ont pas bénéficié de volumes conséquents : understatement !

Une chance pour d'autres régions ? Sud-Ouest ? Loire ? Rhône ? Et pour les blancs qui commencent doucement à percer, notamment l'Alsace qui a une carte rare à jouer : celle d'une adéquation singulière avec les gastronomies chinoises.

Tout cela va être passionnant à suivre dans les années qui viennent…


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