Magazine Animaux

L’année prochaine, si tout va bien *

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Frédéric Vigne
Nous arrivons aux fêtes de Noël, les cadeaux, le shopping (NDLB: besoin d'idées cadeaux?), les retrouvailles en famille, le sapin, le caprice des enfants trop gâtés, l'humour foireux du beau-frère, la vie, quoi!
Les moutons sont redescendus des estives, donc s'il en crève désormais, il sera difficile d'imputer ça au loup où à l'ours. Mais comme nos éleveurs grassement subventionnés nous disent eux-mêmes que perdre un mouton c'est comme perdre un membre de la famille (en empochant l'assurance-vie à chaque fois, quand même, ça aide à sécher les larmes), on peut aisément gager qu'aucun mouton dans l'Hexagone ne mourra cet hiver autrement que de vieillesse. C'est vrai, la famille, on veille dessus! Enfin en estive, pas trop, néanmoins. Mais on ne va pas revenir là-dessus, c'est bientôt Noël, je veux rester un gentil garçon.
Apparemment, les préfets ont pourtant décidé de zapper la trêve des confiseurs cette année. Ils prennent arrêté sur arrêté pour tirer le loup, ils se font ramasser à chaque fois (NDLB : presque, mais cela ne durera pas, ils s’améliorent, ils apprennent, à force de changer des virgules) devant le juge administratif, et j'en viens à supposer qu'ils savaient à l'avance qu'ils se feraient renvoyer à leurs chères études.
Le préfet est un fonctionnaire d'autorité, selon le rigide et vieux principe napoléonien, exactement comme le procureur de la république (j'omets les majuscules car la république est en ce moment très loin de les mériter à mes yeux). En clair, le préfet, révocable à discrétion, ne bouge un orteil que s'il en reçoit l'ordre ou l'autorisation. Les grandes gueules du Moutonistan se mettent à bêler un peu fort, on prend des arrêtés pour les calmer, le juge applique la loi (il est le seul à le faire), et voilà, on dit que c'est la faute du juge et des écolos, retour case départ, après quatre ou cinq loups abattus à chaque fois tout de même.
L'année prochaine, si tout va bien, le ministre de l'environnement (voir le commentaire ci-dessus à propos des majuscules) se souviendra peut-être qu'il n'est pas président de la FNSEA ou de la FNO et que la biodiversité n'est pas une option ou un boulet mais une nécessité. Il se rappellera qu'une montagne pelée jusqu'à l'os par la dent des moutons subventionnés n'est pas le meilleur moyen pour prévenir les risques "naturels", qui sont en tous points artificiellement provoqués. Peut-être même que quelqu'un lui fera savoir que les vautours ne mangent que des cadavres et que les moutons, ça se garde.
Car l'année prochaine, si tout va bien, le processus à peut près irréversible d'ensauvagement des territoires continuera son oeuvre, et tous les combats d'arrière-garde perdront encore un peu plus de leur valeur. La déprise agricole continuera, c'est un fait. Et c'est très bien.
L'année prochaine, si tout va bien, l'Union Européenne mettra enfin son nez dans le magot des subventions à l'agriculture, et à l'élevage ovin en particulier. Une lumière crue, violente et douloureuse sera alors jetée sur la viabilité d'une filière dont on prolonge l'agonie depuis trente ans aux frais du contribuable. Et c'est très bien.
L'année prochaine, si tout va bien, l'écologie politique se fera tellement laminer aux élections qu'elle ne servira même plus d'allié à un gouvernement qui n'a de toute manière plus aucune crédibilité, à aucun niveau. Elle paiera au prix fort ses trahisons, ses renoncements, ses lâchetés, ses compromissions par trop voyantes. Et c'est très bien.
"Le paradoxe de la modernité, c'est le retour du sauvage", ai-je lu quelque part récemment. Et c'est très bien. Je suis résolument moderne, donc (ça, je l'ai découvert). Oui, dans un monde humain formaté, nivelé, virtualisé, où les individus sont gommés au profit des flux et des données statistiques avec le but avoué de nous transformer tous en cartes bleues ambulantes, le retour du non-quantifiable, non-contrôlable, non gérable, non-prévisible est une aubaine.
La biodiversité souffre terriblement, sans doute ne sauverons-nous pas les ours polaires, qui d'ailleurs se sauvent sans nous en s'hybridant avec des grizzlis, comme Neandertal l'a sans doute fait avec Sapiens jadis. Mais on aura de nouveau les loups aux portes des villes un jour, peut-être, et c'est très bien.
Parce qu'il y a une chose qui me rassure: la préservation de la biodiversité coûte cher, mais l'acharnement à la détruire aussi. Les blaireaux anglais sont passés près, mais ils sont sauvés. Parce que tuer les blaireaux coûte cher, y compris en argent. Eh oui, si les Anglais se mettaient à la prophylaxie, ça irait sans doute mieux. Mais apparemment les éleveurs d'outre-Manche, comme les nôtres, ont tendance à vouloir faire supporter leurs coûts normaux d'exploitation par le voisin...ou le contribuable. Donc on tire sur les blaireaux, au propre comme au figuré.
Petit à petit, le sentiment se fait jour qu'une poignée de fanatiques anti-Nature ne peuvent pas tout régir, et surtout pas tout nous faire payer. L'année prochaine, si tout va bien, ce sentiment ira grossissant. Et c'est très bien.
Ne confondons pas la réalité et l'apparence de la réalité. Parce que les lobbys deviennent agressifs et violents, on pense qu'ils gagnent en force. C'est tout le contraire. Ils sont à la limite de leurs forces, ce qui les conduit à cette fuite en avant qu'avant eux les Brigades Rouges ou ETA ont connue. Et c'est très bien. En fait, je ne souhaite qu'une chose: qu'ils commettent l'irréparable. L'année prochaine, si tout va bien, ils iront un pont trop loin (autre titre de film).
Les moutons ont dévalé sur le Mercantour quand le Parc s'est crée. On peut même dire que ça ressemblait à une avalanche provoquée. Et las, un intrus s'est invité à la fête, pas du tout prévu, celui-là: le loup. Et c'est très bien.

Eloge de la pentitude Eloge de la pentitude (F'Murrr)

On pourrait croire que je ne pense qu'au loup et à l'ours pour je ne sais quelle raison symbolique. Pas du tout. Ils sont l'un et l'autre le navire-amiral, mais je n'oublie pas le reste de la flotte: les renards, blaireaux, martres, hérissons, les phoques, les requins et autres chouettes ou autres loirs. Et puis j'ai appris récemment que mon animal-totem, c'était le plongeon. Tout le monde s'en fout, du plongeon. Sauf qu'il est un signe de la bonne santé des zones humides. Comme le butor étoilé, le héron, l'omble et je ne sais quoi encore.
L'année prochaine, si tout va bien, des voix dissonantes se feront entendre de plus en plus fort, y compris dans leur profession, contre les exactions, le racket, les mensonges, les méthodes de racaille de banlieue des Talibans du Moutonistan. Le fer doit être porté dans cet abcès purulent, et le plus tôt sera le mieux.
Et j'en profite pour tirer mon chapeau à l'ASPAS qui, sur le dossier du loup, s'est dressée vent debout. D'ailleurs, je viens juste d'adhérer. Et c'est très bien.
C'est comme ça, j'aime les résistants, les combattants, pas les bavards, pas les "y'a qu'a", "on n'aurait pas dû il y a 25 ans", "faudrait qu'on".
L'année prochaine, si tout va bien, on aura tous passé de très bonnes Fêtes, et on se retrouvera, ici ou ailleurs, pour communier dans cet amour de la Nature qui nous unit par delà nos différences qui sont, reconnaissons-le, beaucoup plus que des nuances!!
Et je n'aurait pas le dernier mot. Je le laisse à l'organisation russe "Memorial", qui s'est fixée pour mission d'enquêter sur les crimes du régime communiste, mais aussi d'alerter sur la situation des Droits de l'Hommes (je remets des majuscules, vous l'avez remarqué?) dans la Russie actuelle. L'une de leurs profession de foi est: "l'idéologie ne nous divise pas, car l'idéologie ne nous unit pas".
Si l'écologie politique pouvait méditer ça...
Bonnes Fêtes et comme on dit dans les Pyrénées, que le cul nous pèle à tous!

Frédéric Vigne
* C'est le titre d'un vieux film des années 80 avec Adjani et Lhermitte. Certains d'entre vous l'ont peut-être vu. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, en fait il vaut surtout...pour son titre.


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