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Depuis plusieurs années, un virus herpès ravage les naissains, les jeunes individus de moins d'un an. Jusqu'à trois quarts de ces bébés huîtres meurent chaque année. Chez certains ostréiculteurs, on blâme les huîtres triploïdes d'avoir véhiculé ces infections.Les huîtres sont un mets traditionnel des fêtes de fin d'année. Mais pour combien de temps encore? Depuis plusieurs années, un virus herpès ravage les naissains, les jeunes individus de moins d'un an. Jusqu'à trois quarts de ces bébés huîtres meurent chaque année. Cet été, ce sont les huîtres adultes de deux à trois ans, prêtes à être commercialisées, qui ont massivement succombé, par endroits, à une maladie qui serait provoquée par une bactérie, Vibrio aesterianus.Chez certains ostréiculteurs, on blâme les huîtres triploïdes d'avoir véhiculé ces infections. Ces huîtres obtenues par le croisement d'individus tétraploïdes (qui possèdent quatre copies de chaque chromosome) avec des individus diploïdes (qui ont des paires de chromosomes) sont stériles. Comme elles ne consacrent pas leur énergie à produire de laitance (nom donné aux gamètes, spermatozoïdes ou ovules fabriqués en été), elles grandissent plus vite. Deux ans au lieu de trois ou quatre pour atteindre une taille commerciale. Et comme les consommateurs ne sont pas très friands des huîtres laiteuses, elles se vendent mieux en été. Revers de la médaille, les ostréiculteurs doivent acheter les naissains de triploïdes chaque année à des écloseries commerciales puisque cette variété n'a pas de descendance. Aujourd'hui, ces huîtres, dites «des quatre-saisons», représentent 30 % des 80.000 tonnes de la production annuelle en France, selon l'Ifremer.Comment et pourquoi ces huîtres seraient à l'origine de la mortalité croissante? Mystère. Cette accusation n'est pour l'instant étayée par aucune donnée scientifique. Cette famille d'huîtres mise au point par l'Ifremer dans les années 2000 semble surtout coupable d'avoir été obtenue par des manipulations de laboratoire abusivement qualifiées de «génétique» par leurs détracteurs.Avant 2008, les triploïdes semblaient mieux résister aux grandes vagues de mortalité qui touchaient leurs cousines fertiles. «On a supposé que le fait de ne pas consacrer d'énergie à la reproduction les rendait plus résistantes», se rappelle Tristan Renault, spécialiste de ces mollusques à l'Ifremer. Mais, en 2008, tout s'effondre. La mortalité des naissains de triploïdes atteint 70 à 75 %. Lors de la dernière hécatombe estivale, ce sont principalement des triploïdes qui sont mortes… «Ce sont les huîtres qui sont le plus vendues en été, et donc le plus manipulées. En laboratoire, elles ne paraissent pas plus fragiles», tempère Tristan Renault.