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Ron Morelli l’interview

Publié le 03 janvier 2014 par Hartzine

L.I.E.S.Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, à rebours d’une popularisation toujours plus croissante des musiques électroniques dans l’imaginaire commercial, une frange de la techno, à la surface exponentielle, s’intellectualise tout en se radicalisant, se nourrissant à la fois des scènes noise et métal pour incorporer le bruit et les atmosphères lourdes et pesantes dans leurs fragmentations métronomiques. Une techno sale, obscure et rance que l’on peut concevoir aussi telle une réaction créative à la celle minimale, vite devenue décérébrée. Shifted dans un entretien paru en 2012 (lire) ne disait pas l’inverse : après tant d’années de ce son, qui avait débuté avec quelques producteurs intéressants et s’est éteint avec tout plein de clones qui sont venus la diluer, les gens ont envie d’autre chose. Je trouve que la scène ces temps-ci est très influencée par la techno du début des 90′s, mais forcément avec toutes les nouvelles technologies disponibles et les influences extérieures qui interviennent dans la musique électronique, quelque chose de différent est né. Et si Paris, par l’intermédiaire de jeunes labels que sont Get The Curse, In Paradisum, Dement3d ou Construct Re-Form s’inscrit avec de plus en plus d’insistance sur la carte de cette lame de fond techno-noise embrasant depuis quelques années déjà Berlin et Londres, Brooklyn en constitue l’un des épicentres U.S. – avec les historiques Detroit et Chicago – et ce à la faveur d’une bande de potes réunie sous l’extensible étendard L.I.E.S Records (pour Long Island Electrical Systems) et emmenée par l’infatigable Ron Morelli.

A des miles d’une quelconque intellectualisation de la musique électronique et né en 2010 de la volonté de ce-dernier de produire soi-même les quelques morceaux accumulés à un instant t par ses amis et lui – Steve Summers, Steve Moore et Willy Burns en tête - L.I.E.S a peu à peu adopté un rythme de sorties impressionnant : des deux maxis de 2010 signés Malvoeaux (Steve Summers) et Two Dogs In A House (Steve Summers & Ron Morelli) et des cinq de 2011 – avec la signature du premier non-américain en la personne du hollandais Legowelt (lire) - L.I.E.S a dropé une vingtaine de galettes en 2012 et près de trente en 2013. Niveau récompenses en carton – n’ornant même pas la cheminée, mais lustrant l’estime de soi pour le travail accompli – la structure a été intronisée label de l’année par l’omnipotent Resident Advisor en 2012, puis par l’aiguisé Juno en 2013. Rien que ça, pour une entreprise 100% DIY où Ron fait office de véritable Tony Micelli : voulant garder le contrôle total sur la production de chaque sortie éditée en quantité relativement réduite, l’homme fait tout tout seul, de l’acheminement à l’usine de pressage jusqu’à la distribution en passant par les relations avec les ingénieurs du son. Inutile de se demander pourquoi ce quadra affable préfère avant toute chose sortir les disques de ses amis et pourquoi il souhaite le faire dans la quasi-instantanéité, considérant qu’une des qualités primordiales d’un bon disque est de conserver sa fraîcheur entre le moment où il décide de le sortir et la sortie effective. A titre d’exemple, il en est allé ainsi cette année de Bookworms, Jahiliyya Fieldsr, du parisien Voiski, de Svengalisghost, de Vapauteen, du jeune berlinois Florian Kupfer et de Vereker. S’il se fout que la musique produite le soit analogiquement ou via un ordinateur, le disque reste irremplaçable pour lui s’agissant du dijing : ainsi, il ne sacrifiera jamais sur l’autel de l’instantanéité la production de vinyles au profit de CD ou fichiers de téléchargement, tout en considérant les labels cassettes – tel que Opal Tapes et The Trilogy Tapes à ses débuts – comme des projets intéressants mais dénués de courage. Il essaye juste de raccourcir au mieux les délais de confection, créant même une série White Label où ce-dernier est ramené à un mois, référencée .5 sur discogs et non distribuée en Europe. Une véritable gageure temporelle.

Créant ironiquement une sous-division de L.I.E.S dénommée Russian Torrent Versions - puisque uniquement disponible en vinyle – Ron Morelli se pose ainsi en parangon d’une aventure discographique qu’il sait forcément éphémère – la double compilation Music For Shut-Ins, parue en décembre dernier, laissant néanmoins espérer le contraire. D’où cet indescriptible désenchantement émanant de son discours à la fois concis, lucide et acéré. Un pessimisme grisâtre recouvrant de part en part son récent et premier LP paru sur Hospital Production en son nom propre. Partagé entre ses activités de disquaires pour A1 records et celles de gérant de label, Ron Morelli produit peu : la parution de Spit constituait ainsi en soi un événement, vite passé à l’as quant à sa famélique substance. Huit morceaux, quarante minutes, emballé, c’est pesé. Pourtant on se plait à pénétrer dans cet entre-lacs psychique, bouillonnant et brouillon – entre ambiances claustrophobes (Modern ParanoïaFake Rush), émanations poisseuse (Radar versionSledghammer IIDirector Of…) et déflagrations abstraites rognant l’os de Détroit (Crack Microbes) – tout en ayant bien conscience qu’il s’agit là d’un épisode supplémentaire au jeu de cache-cache entamé entre l’homme de l’ombre et une notoriété forcément corruptrice.

De passage pour quelques temps à Paris, Ron Morelli sera l’invité de marque du label Get The Curse samedi 4 janvier aux côtés de Bambounou et Clément Meyer (Event FB), on en a donc profité pour lui poser quelques questions. Rencontre donc avec celui qui n’aura pas sorti le disque de l’année, et qui s’en carre royalement, mais qui est à la tête d’une des aventures discographiques les plus excitantes du moment.

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