Emmet est un Lego tout ce qu'il y a de plus banal découvrant une pièce unique pouvant renverser les plans de Lord Business. Il va alors se battre avec les maîtres-batisseurs et trouver sa voie...
La critique en forme de brique de Borat
Pendant longtemps, le projet The Lego Movie m'est apparu comme un gros foutage de gueule comme à à peu près tout le monde. Que voulez-vous faire des Lego? Avec les Transformers on a bien vu que cela ne fonctionnait pas, les séquences étant toutes plus épileptiques les unes que les autres et l'ensemble beaucoup trop sérieux pour que l'on puisse trouver cela amusant. Avec Battleship, on a vu les limites d'une production partant dans tous les sens (notamment de faire des aliens les ennemis des hommes) pour pas grand chose. Sans compter le projet Monopoly toujours chapeauté par Ridley Scott (qui accumule les projets et notamment les plus improbables, celui-là en tête) qui ne parviendrait (heureusement) pas à se faire notamment à cause de son orientation inexacte (on voguerait plus vers le film live, ce qui rendrait la chose encore plus hasardeuse). Un film Lego peut aussi se voir comme néfaste compte tenu qu'au contraire des jeux ou jouets adaptés ci-dessus, Lego est une marque. On peut donc y voir un véritable atout commercial en vue de vendre des jouets. Mais curieusement, ceux qui ont joué à au moins un jeu-vidéo sait que les scénaristes misent sur l'humour et que les différentes franchises abordées (aussi bien Marvel que DC, en passant par Le seigneur des anneaux et Star Wars) ont droit à un bel hommage.
Ce projet est d'autant plus ambitieux qu'il s'agit du premier film de Warner Bros Animation, nouvelle branche de la Warner sur l'animation. Les bandes-annonces de The Lego Movie ont surpris du fait du ton volontairement absurde voire débile, mais aussi par le fait de prendre un personnage totalement anonyme et le faire cotoyer des personnages connus pouvant autant être un sujet de clins d'oeil que de véritables personnages. Ainsi Batman a davantage de place qu'un Superman. N'ayant pas aimé leur dernier cru animé Tempêtes de boulettes géantes, j'avais donc des apréhensions envers ce nouveau film de Phil Lord et Chris Miller qui depuis se sont essayé au film live avec 21 Jump Street (ainsi que sa suite qui sortira aussi cette année), notamment au niveau du ton. Finalement il n'en est rien car The Lego Movie n'a pas grand chose à voir avec leur précédent film animé qui était très lourdingue sans être drôle. Ici ce n'est pas le cas car le film joue constamment sur le côté fun et parodique, jouant avec certaines icônes avec malice. Le plus beau cas étant celui de Batman car si Will Arnett parodie seulement le personnage en reprenant notamment la voix grave de Christian Bale, la VF joue d'autant plus sur la caricature en prenant carrément la voix de Philippe Valmont pour reprendre son travail sur le super-héros.
Ce qui donne une quasi auto-parodie forcément alléchante où tout y passe que ce soit la voix grave, les gadgets (le gag où il lance un grand nombre de Bat-objets sur un vulgaire bouton est juste jouissif), sans compter des jeux de séduction foireux et une auto-satisfaction délirante (il se met sans cesse en avant, en voulant en mettre plein la vue). Superman et Green Lantern ne sont pas en reste, le premier se faisant rapidement attraper par les hommes de Lord Business et ne supportant pas le second qui apparaît comme particulièrement lourd. Wonder Woman apparaît bien mais n'est qu'un clin d'oeil à l'image de Lincoln, Michelangelo (aussi bien le peintre que la tortue ninja), Gandalf ou Dumbledore. Les réalisateurs osent même insérer le Faucon Millenium avec Han Solo (malheureusement sans la voix mythique du regretté Francis Lax), Chewbacca, R2D2, C3P0 et Lando pour une fiesta dans l'Espace! Les personnages inédits sont également bien gratinés et en particulier son héros que l'on peut voir comme une sorte d'imbécile heureux, le bon vieux Candide qui tombe amoureux d'une fille et essaye de la conquérir tout en développant sa propre quête. Sa présentation parle pour lui, le montrant tout content de faire trois pas comme exercice, de se doucher, déjeuner, regarder la télé et bien sûr d'écouter une chanson pop franchement débile et ironiquement très entraînante.
En l'occurence, Everything is awesome (non Warner France n'a pas osé faire chanter Tal, doubleuse de Cool-Tag, et ce malgré qu'elle chante la chanson à un moment du film) soit Tout est super génial, chanson au combien banale jusque dans ses paroles ("tout est super génial, tout est cool quand tu fais partie d'une équipe, tout est super génial, c'est un rêve magique!") mais terriblement prenante. Cool tag apparaît comme la dure à cuir qui cache en elle une véritable tendresse (ce qui est utilisé plus d'une fois comme un cliché notamment avec ses moments avec Batman d'un kitsch pas possible) et enfin le mentor qui n'en est pas vraiment un, remettant sans cesse en cause l'intelligence de son nouveau disciple. Le passage dans le cerveau d'Emmet est un beau moment de poésie, le ridicule étant évidemment de mise et le personnage apparaissant comme une sorte de Gandalf sarcastique. Le plan de Lord Business est sacrément con (en gros il faut coller les Lego pour que tout soit idéalisé) mais terriblement bon, comme le prouve la séquence de suspense improbable où le policier schyzophrène (c'est pas tous les jours que vous voyez cela dans un film d'animation grand public et belle autoparodie de Liam Neeson jouant beaucoup dans des films d'action bien débile depuis quelques années) doit voir sa famille se faire coller.
Le genre de séquence totalement délirante qui parsème le film, à l'image de cette poursuite frappadingue oscillant entre le subjectif et la folie furieuse (un des plans subjectifs nous emmène littéralement dans une maison) ou l'affrontement final totalement bourrin et bien senti défiant les lois du crédible (et accessoirement bien plus fun qu'une baston finale dans un énième Transformers). Mais le plus fantastique est que The Lego Movie s'adresse aussi bien aux enfants qu'aux adultes, jouant sans cesse sur un humour décallé et une virtuosité folle qui fera rêvait les parents comme leurs enfants. Contrairement à ce qui a été dit, ce film a été fait quasi-entièrement en stop-motion et quand on voit le niveau de détails absolument ahurissants avec des personnages multiples, des combats, des transformations en temps réel franchement impressionnantes et une imagination rare. Si certains points risquent d'être illisibles (notamment à cause d'une 3D qui fait parfois mal aux yeux et ne rendant certainement pas justice aux nombreux détails de l'animation), l'ensemble s'avère irréprochable. La mise en abîme laissera un peu pantoi et la fin (aidée par le succès du film) annonce un nouveau film avec une autre déclinaison des Lego. A voir si cela tient aussi bien qu'ici.
Un tour de force aussi bien par son humour débile volontaire que par son animation renversante.
Note: 16.5/20