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Il en va ainsi de Ratking

Publié le 16 avril 2014 par Unionstreet

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Ratking, le trio venu de Manhattan que forme Wiki, Sporting Life et Hak, était récemment à Paris pour faire la promo de leur premier album. Intitulé So It Goes, ce 12 titres est une invitation à naviguer dans le labyrinthe que forme les rues de leur New York. Une Grosse Pomme cosmopolite et vivante, au sein de laquelle les trois jeunes n’ont de cesse de se perdre et de se retrouver. C’est très détendus et avec beaucoup de sympathie que, fraichement débarqués dans la capitale, ils ont bien voulu répondre à nos questions.

La dernière fois que vous étiez en France, c’était pour le Pitchfork Festival en Octobre 2012. Qu’est ce qu’il s’est passé depuis ?

Hak : Beaucoup de choses.

Wiki : Après le Festival Pitchfork, on a pas mal tourné. On a joué un peu partout aux Etats-Unis, notamment avec Trash Talk et Earl Sweatshirt, et on a bossé sur notre album. Je pense qu’à l’époque, on devait avoir un ou deux morceaux donc on a continué à écrire des morceaux et on a bouclé le projet.

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Deux ans se sont écoulés depuis la première sortie de Wiki93. Comment avez vous abordé la conception de cet album par rapport à l’EP ?

Wiki : Au tout début, lorsque Wiki93 est sorti, c’était plus un projet personnel auquel je faisais participer Hak et Sporting Life. Lorsqu’on a ressorti l’EP quelque mois plus tard, c’était un pas vers nous en tant que groupe. Avec l’album, ça a vraiment été un effort commun. On a travaillé tous les trois pour l’élaboration des morceaux. Sporting Life est arrivé avec des idées dès le départ. Hak et moi, on a mis en commun nos idées. L’approche a vraiment été différente.

Sporting Life : Et le processus était plus professionnel. Je pense que pour la première fois, les gens vont pouvoir faire l’expérience claire de notre musique. J’ai aussi pas mal travaillé avec un ami à moi, DJ Dog Dick, qui a tout un tas de machines chez lui. Ça nous a permis d’expérimenter un peu avec les sons.

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Je pense que pour la première fois, les gens vont pouvoir faire l’expérience claire de notre musique.

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En parlant de sons. Vous avez eu l’opportunité de travailler avec Young Guru (ingénieur du son de Jay-Z, ndlr). Quelle a été sa contribution et qu’est ce que de jeunes artistes comme vous ont pu apprendre de cette légende ?

Wiki : C’était cool de bosser avec Young Guru. Il a mixé l’album. On a pu l’observer pendant le processus. Il a le don de savoir comment placer les voix dans un morceau pour vraiment bien le faire sonner.

Sporting Life : À mon niveau, ça m’a permis de clarifier un certain nombre de choses. Je me suis toujours demandé comment ces producteurs qui enregistrent des gros artistes font pour les faire sonner aussi bien. Si ils utilisaient des outils dont je n’avais aucunes idées. Ce genre de choses .. Et je me suis rendu compte qu’en fait non. C’était une bonne chose d’avoir ses conseils sur où placer les voix, à telle partie d’un morceaux, pour que l’on puisse bien comprendre ce que Hak ou Wiki veulent dire.

 

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Votre album s’appelle So It Goes, que l’on pourrait traduire par «Il en va ainsi». À quoi le «It» fait il référence ?

Hak : Ça englobe, en quelque sorte, la notion de temps. Le passé, le présent et la perspective du futur. Ça fait également référence au roman Slaughterhouse-Five de Kurt Vonnegut.

Wiki : Il fait allusion à plein de choses. Notamment, au fait que rien de s’arrête réellement. Ça peut être la ville, ça peut être le Hip-hop. Les choses avancent irrémédiablement.

Sporting Life : C’est comme tout le monde. Je veux dire .. Je suis certain qu’en 96, il y avait un mec qui te ressemblait ou qui s’intéressait aux même choses que toi. En même temps, ce mec là est différent. Maintenant, place à ta perspective .. L’histoire continue.

J’ai sélectionné trois morceaux que j’estime être vos temps forts personnels sur cet album et j’aurais voulu que vous en disiez chacun un petit mot. En commançant par toi, Sporting Life. Est ce que tu peux nous parlez de «Puerto Rican Judo», un morceau assez inattendu ?

Sporting Life : Je crois qu’à l’époque , j’écoutais un morceau qui s’appelle «House of God» d’un groupe dont j’ai oublié le nom (DHS, ndlr), et l’idée de base de l’album était de créer une ambiance un peu similaire à celle de ce club qu’il y avait à New York, le Tunnel. Là bas, tu pouvais y voir des mecs comme Capone-N-Noreaga mais aussi des DJs de House portoricains du Bronx. Du coup, je voulais aussi apporter cette ambiance. Et c’est particulier parce que quand tu n’es pas super familier avec un certain style de musique, tu ne peux pas réellement réussir à faire un grand morceaux. Ceci dit, tu peux essayer de te rapprocher de ce qu’un grand producteur de ce style pouvait obtenir à ses débuts. Ça sonne un peu amateur mais le morceau est chaud  donc j’en suis plutôt satisfait. En plus, on y fait référence à un titre de Cam’ron («Horse & Carriage», ndlr) et on rend hommage à l’influence que peut avoir la communauté portoricaine sur la musique de New York. Je suis assez content de participer à ça.

Hak, est ce que tu peux nous parle de «Bug Fights» ?

Hak : Ouai. C’est un long couplet. Je parle de pleins de choses dedans. De l’école, un peu .. J’ai un peu l’impression que ce beat a généré ce couplet, tout simplement. Wiki, avec son intro, m’ouvre un peu la voie. C’est un peu le narrateur sur celle ci et moi l’acteur.

Wiki, qu’est ce que tu peux nous dire sur «Snow Beach» ?

Wiki : C’est peut être le morceau le plus «New York» de l’album. C’est le morceau qu’il fallait qu’il y ait. C’est un peu une métaphore de la ville. L’hiver, il peut faire jusqu’à -10° et en même temps c’est une île, un lieu de vacances où tout le monde veut aller. L’intro, c’est un peu la partie plage et quand le morceau commence vraiment, on fait une transition vers une atmosphère hivernale. Ça fait aussi référence aux vestes de chez Polo. En gros, c’est ma perspective de ce que c’est que de vivre à New York aujourd’hui. Les cotés positifs comme les cotés négatifs.

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Il ne s’agit pas de parler seulement de nous à un niveau personnel mais aussi de ce que c’est que d’être un jeune à Harlem.

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En parlant des côtés positifs et négatifs de la ville, qu’est ce que vous aimez le plus de New York ?

Wiki : J’aime le fait qu’il y ait tellement de cultures différentes, proches les unes des autres au sein de la ville. Tu as le métro qui fait le lien entre toutes ces communautés. J’ai l’impression que c’est différent de certaines autres villes où tu peux ressentir la ségrégation. À New York, tout le monde prend le train. C’est différent de Chicago, par exemple. La dernière fois, je regardais un documentaire de Vice là dessus et le Southside de Chicago est vraiment séparé du centre ville. À New York, tu as le Upper Eastside et Spanish Harlem qui sont collés.

Hak : La ville est tellement grande. Il y a toujours des choses à y découvrir. Tu as cinq arrondissements à explorer.

En ce qui concerne les points négatifs, «Remove Ya» parle de Stop-and-Frisk, une pratique de la Police de New York qui consiste à interpeller des individus au faciès et à les fouiller.

Hak : Je suis assez fier de ce morceau. Ça soulève un problème. La musique, c’est un peu une plate-forme grâce à laquelle on peut directement s’adresser aux gens. C’est cool de pouvoir parler de ce que l’on veut et c’est d’autant plus cool de pouvoir mettre en lumière ce genre de problème et de parler de ce qu’il se passe.

Wiki : Il ne s’agit pas de parler seulement de nous à un niveau personnel mais aussi de ce que c’est que d’être un jeune à Harlem. Et le beat, l’énergie qu’il y a dans le morceau et l’agressivité qu’il peut y avoir dans nos voix font que le message frappe.

Sporting Life : C’est juste la réalité. Et tu le ressens dans la voix de Kaila qui chante et rap à la fin du morceau. Il y a un coté soul dans sa partie qui fait que tu comprends qu’elle est vraiment concernée par ce qu’il se passe.

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Vous avez trois invités sur l’album : King Krule, Wavy Spice et Salomon Faye. Comment se sont passées ces collaborations ?

Wiki : On connait King Krule (qui est également signé chez XL Recordings, ndlr), il y depuis à peu près deux ans. On est fan de sa musique et vice versa donc on l’a rencontré, lui et tous ses potes. C’était une rencontre naturelle car son crew ressemble beaucoup au notre mais transposé à Londres. On savait qu’on devait faire un titre ensemble et quel genre d’ambiance ce serait. On s’est dit qu’on allait faire un morceau qui évoquerait une journée de pluie, ce qui fait pas mal penser à Londres au final.

T’as l’air tellement triste dans la vidéo ?

Wiki : Triste ? C’est vrai ? (rires)

Sporting Life : (rires) Mais en même temps, ça fonctionne bien avec le thème (rires).

Okay. Et Salomon Faye ?

Hak : C’est nôtre pote depuis un moment. Je le connais depuis que je suis petit.

Wiki : Moi, je le connais grâce au rap et il organisait des évènements dans ce lieu qui s’appelle Apostrophe.

Hak : C’est là qu’on a reconnecté.

Wiki : On a commencé à bosser ensemble. On s’inspire les uns des autres et j’ai l’impression qu’ils ont amené le délire à un autre niveau.

Sporting Life : Ça a toujours été un super MC, tout simplement. Surtout en live.

Wiki : Et sur «Take», qui parle du fait de «donner et de prendre», on voulait un peu lui donner cette place particulière qui est celle du dernier couplet de l’album. Il a pris cette place et en a profité pour nous donner, en retour, ce couplet qui est juste dingue. Mais c’est son truc. C’est vraiment un mec Hip-hop et tu peux le voir dans la manière dont il parle, il marche.

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Sporting Life : Franchement, c’est l’un des meilleurs couplets que j’ai dû entendre dans ma vie. Il a vraiment plié le morceau.

Wiki : Et pour finir, sur le morceau avec Des (Wavy Spice). Je la connaissais parce qu’on a des potes en communs mais on s’est vraiment rencontré en enregistrant «Puerto Rican Judo». C’était assez spécial parce que pendant la session on a réellement eu un coup de foudre l’un pour l’autre. Deux semaines plus tard, je l’épousais (rires). Pas vraiment mais c’est tout comme. C’était vraiment cool.

Pour finir, j’ai deux petites questions. Quels sont vos documentaires préférés sur New York, mis à part  80 Blocks From Tiffany’s (que Ratking a samplé sur «Wikispeaks» ndlr) ?

Wiki : Il y en a un auquel je pense qui s’appelle Captured. C’est à propos de ce mec Clayton Patterson, du Lower Eastside et de comment ce quartier a changé depuis les années 70.

Hak : J’en ai vu un vraiment cool qui s’appelle Everybody Street. C’est sur des photographes de New York et leurs travaux. Comment ils ont réussi à saisir la ville en images, etc ..

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Et quel est selon vous l’album qui reflète le plus la ville de New York ?

Sporting Life : Ha ! Ce n’est pas une question évidente … Pour moi, ça serait un album genre The War Report de Capone-N-Noreaga.

Ratking est actuellement dans le désert du Colorado pour l’édition 2014 du festival Coachella et sera le 10 Mai au Point Ephémère à Paris. So It Goes est disponible et en écoute ici.

Propos recueillis par : Jean Benoît Ndoki.

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