Mentionnée dans un billet précédent, je reviens sur cette très belle surprise de Giscours dans le millésime 2004.
La surprise - en tout cas pour bibi - ce fut de constater à quel point ce cru classé offre de réels plaisirs gustatifs dans ce millésime qui n'a pas suscité des commentaires dithyrambiques. Et qu'on doit pouvoir trouver ici ou là à des prix n'ayant pas trop connu d'inflation depuis leur sortie.
En évoquant de point avec mon convive, un professionnel du négoce, il me donne alors bien des exemples de propriétés historiques, souvent des classés, lesquels, quelque soit le millésime, offrent aux amateurs des vins - je résume - des qualités méritant mieux que le commentaire généraliste de l'année inscrite sur leurs étiquettes.
Probablement que Michel Bettane invoquera plutôt la qualité des terroirs de ces châteaux ou le souci qualitatif de propriétaires moins limités que d'autres par leur capacité de financement.
Quelque soient les explications : le fait est là : certains vins sont acquis par les amateurs sur leurs noms et non pas sur un commentaire de critique sur le millésime imprimé. Il y a ainsi, sans aucun doute, des amateurs qui ont acquis très régulièrement Figeac, Calon-Ségur, Giscours, Haut-Bailly, Haut-Condissas, Reignac, Vieux Château-Certan, Lascombes et probablement bien d'autres, - et naturellement pour les happy fews, les premiers (Latour, Lafite, Petrus et Cie) - simplement par ce qu'ils aiment les caractéristiques gustatives de ces crus et acceptent les différences qu'apportent chaque année les conditions climatiques. Bon : il y a là dedans certainement des consommateurs d'étiquettes, fortunés, s'attachant avant tout aux noms qu'ils vont mettre sur la table. Ce sont par ailleurs des gens qui n'ont pas le temps de lire les revues professionnelles ou les sites idoines, et se réfugient derrière l'histoire et les classements. Consommateurs bien plus nombreux qu'on ne le pense généralement.
On sait à quel point la pratique du suivi d'une propriété par des clients réguliers est commune en Bourgogne, Alsace ou dans le Rhône, là où l'amateur veut à la fois s'attacher la confiance et la fidélité du vigneron et/ou se créer une belle verticale de ce vin.
Acceptons donc cette évidence : il existe des domaines qui, par eux-mêmes, et quelque soit la qualité affichée du millésime, offrent à l'amateur une qualité intrinsèque et un prix qu'il accepte de payer.
Vient alors la question majeure pour d'autres propriétés : comment intégrer cette catégorie ? Il semble que des propriétaires cherchent la porte qui n'existe pas encore pour entrer dans cette classe particulière.
Quand je leur dis : "faites déguster vos vins à l'aveugle avec quelques unes des références de votre AOC ou région, dans le même millésime. Voilà un moyen de se placer intelligemment dans une hiérarchie que vous êtes en droit d'intégrer", la réponse est quelque part étonnante : "même dans ce cas, bien des acheteurs choisiront l'étiquette plutôt que le résultat".
… ou la force inouïe de l'histoire, de l'expérience et du marketing !
Un exemple où la fidélité de l'acheteur dépasse la question du millésime.