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Primeurs 2013 à Bordeaux (9)

Par Mauss

Quelles leçons tirer de cette campagne "primeurs" pour les vins du millésime 2013 à Bordeaux ?

La plus grande majorité des 200 et quelques noms ± connus de Bordeaux sont sortis. Il reste encore quelques crus qui devraient sortir lundi comme Ausone et Cheval Blanc. Il semble que les allocations mises sur le marché par les premiers crus classés du médoc (1855) se sont vendues sans problème. C'est vraiment un secteur à part : on est dans le monde du luxe. Les autres sont en catégorie "premium". Et là, à part quelques noms comme Montrose, Rausan-Ségla, Figeac, et certainement quelques autres, les difficultés de vente sont évidentes… si l'on écoute bien ce que disent des négociants sans langue de bois.

Dire que le marché est atone, c'est une évidence. Le négoce essaie autant que faire se peut de limiter ses achats à ce qu'il pense pouvoir revendre vite. Les importateurs ne développent pas un enthousiasme manifeste. Et bien des propriétés vont devoir "porter" des stocks donc chercher ailleurs les financements requis pour cette année 2014. Les banques prendront des hypothèques sur les terres, pas sur les stocks.

Ne jamais oublier que le négoce n'achète pas une qualité, mais une marge.

Si le millésime 2014 est bon et surtout productif, cela devrait rétablir un chouilla les situations financières des uns et des autres. Si non, il y aura un peu plus de ventes de propriétés.

Deux faits marquants sont à noter :

- les propriétés qui ont sorti un prix de primeur quasi égal à ce qui est disponible dans le négoce pour d'autres millésimes déjà en bouteilles, celles là doivent faire face à des réactions qui sont nettes sur les forums de vin : pourquoi acheter un 2013 à X € alors qu'on trouve encore du 2012 à ce même prix, et qu'il est déjà disponible ? Bref : à part une poignée de crus qui peuvent se permettre cela vu les commentaires qu'ils ont eu ici ou là, c'est chou blanc pour les autres.

- si le marché américain semble sauver la mise, trop de producteurs ont oublié un principe de base des marchés asiatiques : le chinois n'achète un bien que s'il est convaincu (à tort ou à raison) qu'il y a un potentiel de plus-value. Il est évident que compte tenu de ce qui s'est passé ces deux dernières années, il est loin d'avoir cette conviction pour ce millésime 2013.

Il y a ainsi des cycles et des évidences qu'on oublie trop souvent.

Bordeaux a connu une période faste, grosso modo depuis la fin des années 80, avec des millésimes de grande qualité. Mais les chiffres sont têtus : on l'a écrit ici et on le redit : il y a 30 % de vignes en trop. Des propriétés se sont créées à la marge avec manifestement des insuffisances qualitatives, marketing et communication. Sans oublier que les faits historiques restent un facteur à ne jamais oublier : la puissance en renommée des AOC du médoc et la force des classements en rive gauche.

Et le paradoxe dramatique de la chose, est que Bordeaux reste un puissant vivier de très bons RQP. Mais qui est capable, à part des amateurs avertis, de donner autant de poids à l'appellation Fronsac qu'à l'appellation Pauillac ? Qui donne de l'importance au classement des saint-émilions alors même que dans ce classement, l'échelle des prix est gigantesque ?

Bordeaux est et restera longtemps le plus vaste vignoble de la planète, avec un nom simple connu dans le monde entier, en association avec le mot magique de "château". 

Mais les nouveaux outils de communication, les logistiques sophistiquées d'expédition font que la concurrence est plus évidente.

Il n'est que temps de se retrousser les manches et de tenir un langage lucide en dehors des langues de bois.

On ne peut que souhaiter, en conclusion, un millésime 2014 qui relance les attraits indéniables des vins de Bordeaux.


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