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Européennes 2014 : Quelle Europe veut l’UMP ?

Publié le 01 mai 2014 par Vindex @BloggActualite
Bonjour à tous
Les européennes arrivent très vite : à la fin de ce mois, les français (en tout cas certains) se rendront aux urnes pour la 3ème fois de l’année. « Bon cru cette année » peut-on dire. En effet, nous sommes dans une année à deux élections, et certains politiques se passeraient d’ailleurs bien de cette multiplicité.
Qu’importe, il faut voter donc s’informer, d’autant plus quand on sait que les élections européennes sont bien souvent boudées par la majorité des citoyens français (à tort ou à raison). Malheureusement, on sent que la campagne se fait bien timide pour le moment alors que nous votons dans 24 jours. Tentons donc à notre niveau d’ouvrir un peu le débat : nous allons écrire quelques articles sur les principaux partis en lice pour ces élections. Nous ferons un article pour les partis les plus connus et un ou deux articles spécialement pour les « petites listes » qui fleurissent très souvent lors des Européennes, qui sont des élections faciles à organiser et qui permettent à des micro-partis de profiter des finances publiques. Tous ces articles seront l’occasion de présenter la vision de l’Europe des listes et surtout de comparer les propositions par rapport à celles de 2009, puisque nous avions déjà fait une série spéciale « européennes » lors des dernières élections.
Commençons la série pour le parti en tête des derniers sondages : l’UMP. Le parti de l’opposition compte bien s’appuyer sur son succès aux municipales de mars dernier et confirmer aux européennes. Mais sa position diffère de 2009 et le contexte a bien changé, puisque l’UMP doit lutter face à la montée du Front National. Voyons donc ce que nous propose le principal parti de droite…

Européennes 2014 : Quelle Europe veut l’UMP ?

-Jean François Copé-


Carte d’Identité du parti


Idéologies : Conservatisme, démocratie chrétienne, libéralisme. Derniers résultats aux européennes : 27,88 pour cent en 2009. 29 sièges. Slogan : « Pour la France, agir en Europe ».Ralliement européen : Parti Populaire Européen.

Les principales propositions


Bien que cette année (contrairement à 2009) le parti n’ait pas de site consacré spécialement aux européennes, nous avons réussi à trouver les principales propositions du parti pour ces élections. Le tract officiel de l’UMP est consultable ici. De même les grandes orientations ont été évoquées lors du lancement de campagne le jeudi 24 avril 2014, effectué par Jean-François Copé. Celui-ci a bien sûr dénoncé la politique de François Hollande et a évoqué une Europe « efficace », qui « ose se transformer », « pour mieux protéger les français ». Se réaffirmant profondément européenne (dans la lignée des pères fondateurs et de De Gaulle), l’UMP parle toutefois d’une « Europe à géométrie variable ». Les leaders de l’UMP refusent que François Hollande fasse porter le chapeau de son échec à l’Europe et affirment qu’il faut réformer la France. L’UMP parle toutefois de « réorienter le projet européen » : évidemment, le contexte économique et politique rend de plus en plus populaire le thème du « changement d’Europe ».
Plus concrètement, ces grandes orientations se traduisent ainsi :     -Réduire l’immigration en France : opposition à tout nouvel élargissement (notamment sur la Turquie), réformer les accords de Schengen (réduire le regroupement familial, politique d’immigration choisie, exclure de Schengen les pays qui ont des « frontières passoires »), s’opposer à l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans Schengen, expulser les délinquants récidivistes et criminels hors Schengen dans leur pays. Tout cela paraît très offensif, mais certaines propositions ne dépendent pas vraiment de Schengen (par exemple le regroupement familial existe depuis avant Schengen) et on ne parle pas de contrôles frontaliers ce qui est sans doute nécessaire si l’on veut maîtriser l’immigration. Enfin il ne s’agit pas de sortir de Schengen en cas de refus de modification des accords.
-Plus de convergence fiscale et sociale en Europe : renforcer le fond social européen pour la formation, l’apprentissage, l’entreprenariat et la mobilité, agir pour que la BCE soutienne l’emploi et la croissance, maîtriser les dépenses publiques et la fiscalité à tous les niveaux, réserver des marchés publics aux PME produisant en Europe, mettre fin à la concurrence déloyale et renforcer la convergence fiscale et sociale, soutenir une PAC forte dotée d’un budget ambitieux. Ici l’UMP s’appuie sur des éléments qui existent déjà (Fonds social, PAC) et ajoutent des thèmes plus vagues : comment le parlement européen peut-il obliger la BCE à agir pour la croissance par exemple ? Quid de l’euro également ? De même, maîtriser les dépenses publiques oui, mais de la France ou de l’Europe ? Pourquoi ne pas parler des travailleurs détachés ?
-Une Europe à géométrie variable : organiser des coopérations entre différents cercles d’Etats européens, renforcer et rééquilibrer le couple franco-allemand, simplifier et réduire les normes européennes, concentrer l’action de l’UE sur ce qui est vraiment utile […] L’Europe ne doit pas intervenir dans les politiques familiales et sur les questions de société. Ici, on voit des propositions qui mettent en valeur une vision moins technocratique et bureaucratique de l’Union Européenne. On voit que la volonté de créer des coopérations est une idée reprise aux partis plus traditionnellement eurosceptiques et souverainistes.
-Une Europe plus offensive, active et protectrice au cœur de la mondialisation : construire de grands projets à l’échelle européenne (politique énergétique de soutien au nucléaire, numérique, recherche), réciprocité entre pays dans l’ouverture des marchés publics, réciprocité pour les accords commerciaux, mieux mettre en valeur les atouts de la France d’outre mer. Il s’agit donc là sans doute de plus se défendre face à la concurrence mondiale, mais rien n’est mentionné quant à un protectionnisme. De même, rien de concret sur l’outre-mer.
-Une Europe forte et respectée dans le monde : doter l’Europe d’une politique diplomatique et militaire digne de ce nom, mieux défendre nos valeurs et notre sécurité face aux menaces terroristes. On voit que ces propositions tendent plutôt à une certaine mise en commun au niveau européen, mais n’est ce pas compliqué d’avoir une politique diplomatique commune à 28 sachant que les intérêts des pays divergent ? On a vu notamment que dans la crise ukrainienne, certains pays voisins de la Russie hésitaient beaucoup face aux sanctions économiques. 
Comparons maintenant ce projet à celui de 2009. On voit déjà que le slogan est significatif d’une évolution idéologique ou stratégique : en effet, celui de 2009 était « Quand l’Europe peut, l’Europe veut ». Aucune mention de la France alors que dans le slogan de 2014, la France apparaît avant l’Europe. De même, on voit que les propositions de 2009 étaient plus concrètes mais différentes. Dans l’ensemble, le projet de 2009 faisait plus de place à l’union et la coordination entre les pays au sein de l’Union Européenne. Il s’agissait aussi sur la plupart des domaines d’élargir le pouvoir à l’échelle européenne (au niveau judiciaire, au niveau policier, caisse des dépôts européenne, espace européen de la recherche…). On voit cependant que certaines idées existaient déjà notamment sur la convergence sociale ou encore sur la concurrence déloyal, la réciprocité et quelques projets au niveau européen. Le fait que cela apparaisse encore 5 ans après n’est-il pas un aveu d’échec ? En revanche, le principal thème de cette année (les accords de Schengen) était absent du programme de 2009. De même, si cette année l’accent est plus mis sur l’identité française (drapeaux français sur le tract), il était d’avantage mis sur l’identité européenne en 2009 avec même une proposition de label européen pour certains musées et une proposition d’espace européen de la Culture.
Ainsi, on voit que depuis 2009, l’UMP est passé d’un cap européen voir européiste à un cap plus français. Les propositions paraissent moins concrètes mais plus offensives et réformatrices concernant l’Union Européenne, sans la remettre complètement en cause. Peut-on parler d’un virage eurosceptique ?  

Un virage eurosceptique ?  


Si les propositions faites par l’UMP pour ces élections indiquent un virage, les critiques faites à l’Europe au sein du parti confirment une division sur les questions européennes. En effet, le 25 avril dernier, Henri Guaino et Laurent Wauquiez ont cosigné une tribune de critique avec 40 parlementaires UMP. Les deux ténors de l’UMP souhaitent ainsi « tout changer ». Henri Guaino a même affirmé qu’il ne voterait pas UMP le 25 mai car il trouve le projet trop fédéraliste. Les deux hommes politiques souhaitent un débat sur l’Europe au sein de l’UMP, et ils sont rejoints en ce sens par Rachida Dati qui a affirmé qu’ « un parti qui se prive de débattre en crève », alors même qu’elle est deuxième sur la liste UMP d’Ile de France.Face à cette petite rébellion, Nicolas Dupont-Aignan, ancien membre de l’UMP ayant pris son indépendance depuis 2007 avec Debout La République a appelé les organisateurs de cette fronde à un partenariat pour acter leurs déclarations
Pourquoi un tel virage ?

Avant d’essayer de voir si ce virage est significatif, essayons de le comprendre. Concernant les propositions, on peut penser que plusieurs éléments orientent la campagne de l’UMP dans une autre direction que celle de 2009 :
-le fait que la crise se soit accentuée, notamment concernant l’euro, amène les citoyens à être plus critiques voir sceptiques face à l’Europe. On peut penser que l’UMP s’adapte à cela.
-la montée du Front National depuis quelques années pousse l’UMP à chasser sur les terres du FN avec qui la concurrence est désormais forte. On peut faire remonter ce discours à 2012 lors des présidentielles au cours desquelles il s’agissait pour l’UMP de passer le second tour et de rassembler le plus possible les électeurs du Front National.
-la position de l’UMP a changé depuis 2009. En effet, le parti est passé du pouvoir à l’opposition, ce qui le pousse à être plus combatif et offensif dans ses déclarations.
-enfin la « fronde des 40 parlementaires » doit être replacée dans le contexte de querelle au sein de l’UMP. En effet, depuis le « retrait » de Nicolas Sarkozy après 2012, l’UMP peine à trouver un vrai leader. Ainsi, les parlementaires frondeurs tentent sans doute de peser plus au sein de leur parti. Cependant on peut douter qu’ils soient assez nombreux pour renverser la « tendance eurobéate » qu’ils critiquent. Il est toutefois possible que ces hommes politiques anticipent un éclatement de l’UMP à l’avenir et une possible recomposition de la droite.

Un virage crédible ?
Bien évidemment, malgré les déclarations de principe et les petites révoltes de salon, rappelons nous bien que nous sommes dans un contexte de campagne électorale. Il semble en effet bien difficile à croire que ce virage « souverainiste » ou encore « eurosceptique » soit sincère et complet. Laurent de Boissieu, journaliste politique, s’est posé la question de savoir s’il existait encore de vrais souverainistes à l’UMP. Il a repris la liste de 33 des 39 parlementaires signataires de la tribune d’Henri Guaino et a fait état de leurs différents votes et opinions concernant les derniers traités européens : Traité sur la Constitution Européenne (2005), Traité de Lisbonne (2008), Traité sur la Stabilité la Coordination et la Gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (2012). Le résultat est sans appel : seuls 8 ont clairement voté contre le dernier traité de 2012 et seuls 5 ont voté contre les trois traités qui orientent l’actuelle construction européenne. Autant dire que le « réveil souverainiste » de l’UMP est loin d’être concret.
Ensuite, il faut rappeler que l’UMP appartient à un parti plus large au niveau européen : le Parti Populaire Européen. Or si l’UMP mène sa campagne comme elle le souhaite au niveau national, elle ne fait pas complètement ce qu’elle veut au parlement lorsqu’il faut voter les lois. Aussi, il ne faut pas négliger la vocation des partis européens. Et celles du PPE apparaissent bien différentes de ce que veut afficher l’UMP. Or, même si certains semblent vouloir s’opposer à cette construction européenne au sein de l’UMP, il apparaît évident que la politique européenne de l’UMP correspond à celle du PPE car l’UMP a adhéré à son « grand frère européen » en 2002. Et les statuts du PPE (adoptés à Marseille en 2011 avec la présence de Jean-François Copé) sont plus que clairs sur les objectifs européens : il s’agit de « fonder une Union Européenne fédérale » ou encore de « promouvoir le processus d'unification et d'intégration fédérale en Europe en tant qu'élément constitutif de l'Union européenne ». Laurent de Boissieu rappelle aussi qu’Alain Lamassoure, tête de liste pour l’Ile-de-France, était présent aux « premières assises pour le fédéralisme européen » le 6 décembre dernier.
Conclusion
Ainsi, même si l’UMP veut montrer qu’elle prend en compte l’avis de plus en plus critique des citoyens sur l’Europe, sa position est encore très inconfortable et le souverainisme de l’UMP est encore plus qu’hypothétique. La fronde sur l’UE est encore à confirmer et il reste encore des zones d’ombres dans le programme de l’UMP : que pense t-elle de l’euro ? Enfin, il ne faut pas oublier que le PPE (Parti Populaire Européen) auquel se rattache l’UMP est assez clairement fédéraliste, qui ne semble pas évident quand on voit le dernier tract de l’UMP.
Sources
Huffington Post Blog ActualitéLe FigaroUMP
Le FigaroIpolitiqueIpolitiqueIpolitique
Vin DEX

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