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Jazz Archive (Mezzo & INA): Festival de Jazz de Cannes. 1958. 1ère partie.

Publié le 04 mai 2014 par Assurbanipal

Jazz Archive

Mezzo & INA

Festival de Jazz de Cannes. 1958.

Un film de Jean-Christophe AVERTY

1ère partie diffusée par Mezzo le jeudi 22 mai 2014 à 20h30

DVD en vente libre

      Mezzo diffuse en deux parties, un film de Jean-Christophe Averty qui fut diffusé en 4 soirées par la télévision française en 1958 et 1959, la première captation télévisée d'un festival de Jazz en France, le seul et unique festival de Jazz de Cannes en juillet 1958.

I

Diffusé le 18 octobre 1958 par l'Office de la Radio et Télévision Française. 46'12.

Ca commence par le ciel, le soleil, la mer, les jolies filles bronzant sur la plage à Cannes, bref, la belle vie comme la chantait Sacha Distel, excellent guitariste de Jazz par ailleurs. Cet unique festival de Jazz de Cannes eut lieu dans le Palais des festivals alors qu'il faisait beau dehors. Grave erreur. Le voisin, Antibes-Juan-les-Pins, profitant du climat méditerranéen et s'inspirant de l'exemple du Newport Jazz Festival, créa, en 1960, le festival Jazz à Juan, qui existe encore. Dans la série Jazz Archive de Mezzo et l'INA, nous avons déjà pu apprécier le John Coltrane Quartet à Antibes-Juan-les-Pins les 26 et 27 juillet 1965.

En 2014, l'affiche du festival de Jazz de Cannes 1958 fait encore frissonner de désir l'abonné au Jazz et à l'électricité. 

Ca commence avec Sidney Bechet. Il est olympien quand il joue avec ses jeunes admirateurs français mais quand il joue avec des musiciens Noirs américains, de son niveau (Vic Dickenson: trombone, Teddy Buckner: trompette, Sammy Price: piano), il est carrément stratosphérique.Une voix unique au saxophone soprano malgré tous ses imitateurs sans oublier ses admirateurs comme John Coltrane. En tant que soliste, Duke Ellington plaçait Sidney Bechet au dessus de Louis Armstrong.

Après Sidney Bechet, Ella Fitzgerald qui porte une robe surprenante et dont la voix vous donne des frissons dans l'échine. " How long has this been going on? ". Elle est accompagnée par un trio piano/contrebasse/batterie qui la met en valeur. Même Arturo Toscanini respectait l'art vocal d'Ella Fitzgerald, c'est dire. Ca swingue plus avec " Don't tease me ". Un physique de matrone, un abattage de professionnelle, une voix de jeune fille coquine, tel est le charme d'Ella Fotgerald. Irrésistible.

Puis vient le père du saxophone ténor, Coleman Hawkins. Adolphe Sax, un Blanc belge, a inventé l'instrument. Coleman Hawkins, un Noir américain, a inventé la façon de s'en servir. Ah ce son grave au ténor! Toute une école dont les disciples furent Dexter Gordon, John Coltrane, Sonny Rollins. Un jour, j'ai offert l'album qui réunit Sonny Rollins et Coleman Hawkins, " Sonny meets Hawk " à une amie qui ne connaît rien au Jazz. Elle m'a dit ensuite que cette musique l'avait aidé à développer la sexualité de son couple. C'était il y a 15 ans, ils sont toujours ensemble et ont deux fils. C'est dire si ça marche! Pour en revenir à ce concert cannois, le trompettiste swingue classiquement et efficacement. La rythmique laisse toute la place aux solistes et ça swingue, nom de Zeus!

Comme vous l'avez compris, lectrices éveilées, lecteurs attentifs, Jean-Chirsophe Averty nous offre des instantanés du festival de Jazz de Cannes 1958. Il ne coupe jamais la musique, nous donne un ou deux morceaux par concert pour nous mettre en bouche, parsème le tout d'images de fêtes, de coquetèles, d'entrevues.

Celle, par exemple, croisée entre Coleman Hawkins et Roy Eldridge, trompettiste surnommé Little Jazz. Hawkins est très impressionné par la ferveur du public des festivals tant à Konkke le Zoute (Belgique) qu'à Cannes (France). Roy Eldridge se souvient avec joie d'une bouillabaisse dégustée, au large de Cannes, sur l'île Sainte Marguerite où fut enterré Paganini. Roy y joua de la trompette et de la batterie pour ses admirateurs. Les images le prouvent. Superbe ambiance manifestement.

Little Jazz sur scène, le lien entre Louis Armstrong et Dizzy Gillespie. Superbe interprétation de " The man I love ". Ca mord.

Puis vient Dizzy Gillespie accompagné d'une rythmique parisienne qui fit date: Martial Solal (piano), Pierre Michelot (contrebasse) et Kenny Clarke (batterie).Dizzy, costume blanc, lunettes noires, joue une ballade avec sa trompette coudée et bouchée. Ca tient chaud à l'âme. Que d'ondes positives émanent de cette musique! D'un coup, ils attaquent à toute allure, jouant le même air mais en accélérant le tempo. Que c'est bon! Martial Solal a déjà son style, ses notes cristallines, toujours claires, lisibles, même sur tempo rapide.

Interview de Bill Coleman, trompettiste noir américain, qui découvrit la France en 1933, s'y installa après guerre et raconte ses expériences françaises. Charmant. Bill Coleman finit sa vie dans le Gers et joua au festival de Jazz de Marciac dès sa création.

Nous retrouvons Bill Coleman sur scène rivalisant avec Teddy Buckner, Roy Eldridge et Dizzy Gillespie. La mode était alors aux batailles amicales d'instrumentistes sur scène. Ici, des trompettistes. La rythmique passe les plats afin que chaque soliste puisse y ajouter sa sauce. Dizzy se distingue par son style tant vestimentaire que musical.

2.

Diffusé le le 22 novembre 1958 par l'ORTF. 52'31.

Perdido, pour commencer, joué par un saxophoniste ténor trop oublié aujourd'hui, Don Byas.

Le scat d'Ella Fitgerald accompagne les images de musiciens qui boivent des coups et discutent, de spectateurs qui dansent. 

Pas de querelle des Anciens et des Modernes dans la programmation du festival de Jazz de Cannes 1958. Cela va du New Orleand au Hard Bop en passant par le Swing et le Be Bop, de Sidney Bechet à Donald Byrd en passant par Coleman Hawkins et Dizzy Gillespie sans oublier le Cool de Stan Getz.

Pour le New Orleans, Albert Nicholas est certes moins impressionnant que Sidney Bechet mais quel son de clarinette, quelle maîtrise de l'aigu, jamais strident et quelle élégance dans le jeu.

Sidney Bechet revient sur scène avec des musiciens de sa couleur et à sa hauteur. Ils jouent " Sweet Georgia Brown ". Ave ces gars là, c'est une vie, une ville qui se joue devant nous, La Nouvelle Orléans. Dans ce style, c'est la perfection. Pourquoi en auraient-ils changé? Ce n'est pas du New Orleans Revival, c'est La Nouvelle Orléans vivante. Ce vibrato de Bechet au soprano, tant imité mais inimitable. Un solo de contrebasse à l'ancienne où la vibration habite le corps du contrebassiste. Un solo de batterie Nouvelle Orléans où mes fidèles lecteurs Ouest Africains reconnaîtront la descendance des tambours de la Côte des esclaves. Le public est en extase et cela se comprend. 

Interview de Jean Cocteau, spectateur passionné de ce festival. Je retranscris ce que j'ai saisi de ces propos fulgurants, souvent d'une justesse frappante et dits dans ce style flamboyant qui lui était propre: " Je fus le premier, en France, à considérer le Jazz comme de la musique de chambre. Le public croit encore que c'est de la musique de danse alors que c'est de la grande musique de chambre. Le crime de notre époque, le péché mortel de notre époque, c'est le manque d'enthousiasme. Le Jazz provoque partout l'enthousiasme. Le Jazz était sentimental, il est devenu un art. Il y a tout un jazz savant, voire scientifique, comme Webern et Schoenberg mais le Jazz revient à une sentimentalité qui lui enlève ce côté mécanique. C'est le concert de chambre parfait avec des solistes incomparables."

La preuve de la véracité des propos de Jean Cocteau suit immédiatement avec le quintette de Donald Byrd (trompette) et Bobby Jaspar (flûte, sax ténor). C'est exactement ce que vient de dire Cocteau, de la grande musique de chambre avec des solites incomparables. 

Interview en français de Kenny Clarke installé en France depuis 1956. Il estt heureux de retrouver Dizzy Gillespie, 10 ans après le concert de l'Atomic Big Band à Paris, salle Pleyel. " C'est la joie de ma vie, ici, à Paris, de jouer avec Martial Solal ". 

S'ensuit justement Dizzy Gillespie sur scène accompagné par la rythmique du  Blue Note Solal/Michelot/Clarke.Dizzy, en grande forme, à la trompette bouchée. Problèmes de son avec le micro. Un technicien lui en installe un autre et ça sonne tout de suite mieux. Ah les divines notes cristallines de Martial Solal au piano! Quand Dizzy dialogue avc Kenny Clarke, deux génies et amis séparés depuis 10 ans se retrouvent et cela s'entend. 

Pour finir cette première soirée consacrée au festival de Jazz de Cannes 1958, voici, par ordre d'apparition au saxophone ténor, Stan Getz,Guy Lafitte,  Barney Wilen,  Don Byas, Coleman Hawkins accompagnés par Martial Solal (piano), Arvell Shaw (contrebasse) et JC Heard (batterie). Ils improvisent sur " Indiana " et non pas sur " Now's the time " de Charlie Parker comme indiqué sur ce film. Lectrices saxophonistes, lecteurs ténors, régalez vous. Rien à ajouter.


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