Art Blakey and the Jazz Messengers.
Paris. Théâtre des Champs Elysées. 15 novembre 1959.
Un film de Jean-Christophe Averty pour l'ORTF
1h28mn30s
Diffusé le jeudi 21 juin 2014 à 20h30 sur Mezzo avec l'INA
DVD en vente libre.
Mosaic Records. Reelin in the years productions. Collection Jazz Icons.
Art Blakey: batterie
Jimye Merritt: contrebasse
Walter Davis Jr: piano
Lee Morgan: trompette
Wayne Shorter: saxophone ténor
Cette chronique est dédiée à un fidèle ami et abonné de ce blog, natif du Dahomey, aujourd'hui le Bénin. A bientôt, cher compatriote.
Quel groupe! Art Blakey livre ses sacs de charbon. Ca déménage. Wayne Shorter, jeune, au jeu viril, musclé, noir comme il convient chez les Messengers mais déjà ailleurs. Les pains que sert Art Blakey auraient dû être récompensés par le syndicat de la boulangerie. C'est servi chaud. Très belles images en noir et blanc par Jean-Chirsophe Averty. Lee Morgan, hard bop, à souhait, digne disciple de Dizzy Gillespie. Quel duo batterie/trompette! Art Blakey passe aux balais pour dialoguer avec le contrebassiste.
Premier solo de batterie au bout de 30 mn. Art Blakey (Abdullah Ibn Buhaina en religion) n'était pas du genre à tirer la couverture à lui. Solo aux baguettes, très africain. Quelle leçon de batterie!
2e solo de batterie à la 47e minute. Toujours aux baguettes avec cette frappe sèche et claire sur les tambours comme une mémoire sublimée de l'Afrique. En 1959, Art Blakey avait déjà visité l'Afrique de l'Ouest pour étudier la religion et les tambours locaux.
Lee Morgan a 21 ans et une maitrise technique sidérante. Ce n'est pas que de la technique car il y aussi de l'invention, du vécu.
" Alone came Betty ". Une ballade souple et classique des Jazz Messengers.
Au bout d'1h03 retentit la " Blues March ", générique de l'émission " Pour ceux qui aiment le Jazz " de Frank Ténot Daniel Filipacchi sur Europe 1 qui, dans les années 50 et 60, fit découvrir et aimer le Jazz à des milliers de Français. Le pas martial joué par Art Blakey vous donne envie de faire la paix. Le ra ta ta par Art Blakey, quel pied! Gros son de ténor de Wayne Shorter dont on a presque oublié qu'il pouvait jouer dans ce style tant il a évolué depuis. Avec une telle rampe de lancement depuis la batterie, le soliste ne peut que décoller. S'il ne suit pas, tant pis pour lui, Art Blakey est lancé et rien ne l'arrête. Avec Wayne Shorter et Lee Morgan, pas de problème évidemment. Le public est ravi et on le comprend aisément.
Tout le monde passe aux percussions sauf le contrebassiste pour relayer le Boss dans un solo pyrotechnique. De l'Afrique à l'Amérique en passant par les Caraïbes, tous les rythmes se mêlent au son du tambour majeur, Art Blakey. Ils jouent " Night in Tunisia " de Dizzy Gillespie. Ca secoue sérieusement. Pour les fanatiques de batterie, cela se trouve à la 77e minute du film. L'année précédente, en 1958, au Club Saint Germain, pour ce morceau là, Kenny Clarke avait rejoint son ami Art Blakey pour un duo de batterie d'anthologie. C'est enregistré " Art Blakey and the Jazz Messengers live au Club Saint Germain ". Il est étonnant que les murs du club aient résisté. Les caves parisiennes sont solides.
Tout se tait pour un solo de Lee Morgan qu'Art Blakey introduit par ces mots simples: " Play your instrument ". Là, il faut assurer. Lee Morgan assure. Ca finit en groupe d'où émerge le son hanté du saxophone ténor de Wayne Shorter.
Vous croyez que c'est fini? Erreur! Voici un nouveau solo de batterie d'anthologie.
Pour nous remettre de nos émotions, une interview d'Art Blakey au milieu de son groupe.
Quelles sont vos influences sur votre style de batterie?
C'est moi. Je cherche la liberté.
Avez vous été influencé par le style africain de batterie?
Bien sûr puisque je descends d'Africains.
Avez vous écouté les batteurs africains au Dahomey?
Je suis venu là bas pour étudier la religion et j'ai fini par écouter les batteurs.
Quel est le message de Jazz Messengers?
Le message c'est de laisser les problèmes au dehors et de les transformer en Swing.
Est ce que le Blues est important?
Bien sûr que le Blues est important.
Qu'il joue ou qu'il parle, Art Blakey savait faire passer son message.
Pour finir, un dernier solo de batterie aux maillets d'abord, aux baguettes ensuite. Les batteurs se taisent, écoutent, regardent, admirent et apprennent. Ceux qui ne sont pas batteurs font de même. Art Blakey ce n'était pas de la batterie, c'était de la musique.
Lectrices percussionnistes, lecteurs batteurs, ouvrez grands vos yeux et vos oreilles. Voici, extrait de ce concert parisien, Art Blakey et les Jazz Messengers jouant " A Night in Tunisia " de Dizzy Gillespie. Master Drummer. Rien à ajouter.