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Recherche du profit versus sécurité des consommateurs : le cas General Motors

Publié le 19 mai 2014 par Infoguerre

General-Motors​Depuis février dernier, General Motors (GM), le groupe emblématique de l’industrie automobile américaine, a procédé, principalement en Amérique du Nord, à une série de rappels concernant au total près de 6,6 millions de véhicules issus de différents modèles et marques (Chevrolet, Pontiac et Saturn, puis Buick, GMC et Cadillac) produits entre 2003 et 2011, dont 2,6 millions pour un défaut de commutateur d’allumage, une pièce recevant la clé de contact et qui était susceptible de se mettre inopinément en position arrêt en cas de frôlement et de désactiver le déploiement des airbags.

Ces rappels ont été décidés par GM, suite à une série de dysfonctionnements sur les modèles de véhicules équipés de ce commutateur d’allumage défectueux qui auraient provoqué 32 accidents et 13 décès selon le propre communiqué officiel du constructeur.
Suite à la multiplication de dépôts de plaintes d’automobilistes, les médias et associations de consommateurs se sont emparés du dossier, qualifiant même cette affaire de plus grande crise sur la sécurité des véhicules de l’histoire des Etats-Unis. Trois enquêtes ont également été lancées par les autorités américaines, le Congrès mais également par la National Highway Traffic Safety Association (NHTSA), l’agence américaine chargée notamment de la sécurité routière.
La situation est très sérieuse et désastreuse pour la réputation de GM qui doit faire face aux enquêtes, et aux plaintes des citoyens et des autorités alors que sa politique de communication a été de mettre en avant la fiabilité et la sécurité de ses modèles. Par ailleurs les différentes enquêtes ont prouvé l’existence de véritables failles dans le système américain censé protéger les citoyens au profit des constructeurs automobiles.

GM, un symbole et un acteur majeur de l’industrie automobile américaine
General Motors (GM), fondé en 1908 par William Crapo Durant et basé depuis cette date à Détroit (Michigan) est l’un des fleurons de l’industrie américaine. Le secteur automobile qualifié de « colonne vertébrale de l’industrie américaine » par Barack Obama et symbole de l’« American way of life » est en effet dominé par les « Big Three », les trois constructeurs GM, Ford et Chrysler.
Si de 1931 à 2005, GM était le premier producteur mondial de voitures, le constructeur automobile a dû faire face à d’importantes difficultés financières dans les années 2000. Après avoir tenté de recourir à des désinvestissements massifs (suppression de 111 000 emplois dans le monde de 2005 à 2008) pour éviter une augmentation de capital et subi de plein fouet la crise de 2008 qui eut pour conséquence une forte baisse de la production et des ventes, GM a été contraint à se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites en juin 2009. Le 5 juillet 2009, après une décennie de surendettement, le tribunal du district sud de New York dissous la société, exproprie les actionnaires et créanciers, annule la dette et vend les actifs à une nouvelle société GM, dotée de 60 milliards de dollars de capitaux propres et dont les actionnaires sont les Etats américains et canadiens. En 2010, la nouvelle société GM réussit une introduction en bourse à 23 milliards de dollars, ce qui permet à l’Etat américain de revendre la moitié de sa participation (61%). L’Etat américain s’est depuis progressivement désengagé et a annoncé en décembre 2013 avoir cédé ses derniers actifs.
En 2013, GM (9,71 millions de véhicules vendus pour un chiffre d’affaires de 155 milliards de dollars) reste le premier constructeur américain mais n‘est plus que le troisième constructeur mondial, derrière Toyota et Volkswagen.

Une affaire qui a des précédents
GM n’en est pas à son premier scandale en matière de défaillances de sécurité. En effet, dans son livre « Unsafe at any Speed » (publié en France sous le titre « Ces voitures qui tuent »), l’activiste américain Ralph Nader accusait GM de vendre des véhicules dangereux car disposant d’une sécurité minimale (en particulier les Corvair de Chevrolet) et accusait l’industrie automobile de préférer les profits à la sécurité de ses clients. Cela avait conduit le Congrès à voter en 1966 le « National Highway Safety and Transportation Act » destiné à corriger les abus dénoncés par R. Nader. La stratégie de crise de GM avait été de tenter d’étouffer l’affaire et de discréditer R. Nader en ayant recours à des procédés douteux et illicites pour lesquels le groupe a été condamné (425 000$ de dommages et intérêts pour R. Nader).
Le premier constructeur mondial, le constructeur japonais Toyota, a également connu une crise majeure en 2009-2010 suite au rappel en urgence de 9 millions de véhicules dans le monde en raison de problème de blocage de pédales d’accélération. Cette affaire avait été montée en épingle par les politiques et médias américains afin d’affaiblir le succès du constructeur japonais aux Etats Unis à un moment où l’industrie automobile américaine était au bord de la faillite (GM, Chrysler).

Des premières plaintes aux premières enquêtes
Suite à la multiplication des plaintes contre GM par des familles de victimes d’accidents auprès des tribunaux américains et aux premiers échos médiatiques sur des accusations graves, les autorités américaines ont entamés les premières enquêtes pour défaut de conformité à la loi américaine qui exige la divulgation, dans des délais respectables, sur des défauts de véhicules. Ces premières enquêtes ont révélé que les rappels effectués par GM à partir de février 2014 sont intervenus 12 ans après la détection du problème de défaut de commutateur (lors de la pré-production de la Saturn Ion en 2001) et 10 ans après que le défaut en cause ait été clairement identifié lors de tests par le fabricant Delphi. A cette époque, GM aurait rejeté une solution qu’il jugeait trop coûteuse et trop longue à développer.
Ainsi, le Département de la justice (ministère) et le FBI, la NHTSA et le Congrès américain (chambre des représentants) ont mis en place des comités destinée à enquêter sur le délai pris par GM pour rappeler les véhicules défectueux.
Le département de la justice a précisé qu’il s’agissait d’une enquête criminelle sur « l’illégalité flagrante des dissimulations de GM ». Le sénateur du Connecticut, Richard Blumenthal, au nom des parlementaires, a quant à lui estimé, dans une lettre du 24 mars 2014 adressée au procureur général Eric Holder que, « compte tenu du rôle crucial que le gouvernement a joué dans la création de l’actuel GM, le gouvernement fédéral a l’obligation morale, si ce n’est légale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les consommateurs ».

L’audition de Mary Barra au Congrès, un acte de contrition organisé
Par un courrier daté du 11 mars 2014, la commission sénatoriale sur l’énergie et le commerce a réclamé à la directrice générale de GM, Mary Barra, nouvellement nommée, de s’expliquer devant le Congrès sous le chef d’accusation notamment de « culture de dissimulation »
Mary Barra s’est donc exprimée le 1er avril 2014 devant la Sous-commission de Surveillance et des Enquêtes de la Chambre des représentants et le 2 avril 2014 devant les élus du Sénat et a dû faire face à des accusations graves dans un contexte d’audition tendu et très dur. Elle également rendu public sa déclaration sur le site de GM. Lors de cette audition, Mary Bama a affirmé que GM allait passer d’une « culture de coûts à une culture de clients » et se focaliser sur la sécurité et la qualité. Elle n’a par contre pas expliqué pourquoi GM a vendu pendant plus de 10 ans des véhicules équipés de pièces défectueuses en connaissance de cause, préférant renvoyer aux conclusions d’une enquête encore en cours en interne.

Des parlementaires démocrates et républicains peu convaincus et accusateurs
Diane DeGette, whip adjoint du Colorado au Congrès et membre de la Commission de l’Energie et du Commerce, qui présidait l’audition de Mary Barra, a mentionné dans son interrogatoire que GM avait mené plusieurs enquêtes internes sur le commutateur d’allumage défectueux et identifié des solutions alternatives qui n’ont jamais été mis en œuvre en raison « d’un prix de l’outillage et d’un coût par pièce trop élevé ». Elle a précisé que GM avait lui-même fourni des documents montrant que le surcoût de ces solutions par rapport à la pièce défectueuse était de 57 cents par pièce.
Le sénateur démocrate du Connecticut Richard Blumenthal, dénonçant la tentative de GM de tenter d’éviter les poursuites judiciaires liées aux faits antérieurs à sa faillite en 2009 a réclamé la création d’un fonds pour dédommager les victimes. D’autres sénateurs ont appelé le Ministère de la Justice à intervenir afin de contraindre GM à créer ce fonds.
La sénatrice démocrate du Missouri Claire McCaskill, également présidente du sous-comité sénatorial à la protection des consommateurs et à la sécurité des produits, a dénoncé la « culture de dissimulation de GM et réclamé une action pénale à l’encontre du constructeur.
Au deuxième jour de l’audition de Mary Barra, la colère des parlementaires s’est encore accrue : La sénatrice républicaine du New Hampshire, Kelly Ayotte, a qualifié le comportement de GM d’« aveuglement criminel ». Cette violente charge n’a pas été réfutée par le camp démocrate représenté par le sénateur du Connecticut Richard Blumenthal qui a réclamé des poursuites pénales.

La stratégie de gestion de crise inhabituelle de GM
GM qui a multiplié les excuses, que ce soit lors de l’audition au Congrès ou par des communiqués, a entamé une stratégie de crise inhabituelle pour ce groupe, une stratégie fondée sur la reconnaissance de dysfonctionnements, la transparence, la contrition et l’humilité. Le groupe en effet a reconnu être au courant depuis une dizaine d’années des risques encourus par les automobilistes et avoir choisi de ne pas corriger ces défauts en raison du coût et de la durée de leur mise en œuvre des solutions alternatives.
GM a également commandé une enquête interne à Anton Valukas (cabinet Jenner & Block LLC), un ancien procureur très renommé pour l’intransigeance dont il a fait preuve en rédigeant le rapport sur la faillite de Lehman Brothers, et a promis de rendre public ce rapport « détaillé et sans concession ».
Le groupe a créé un poste Vice-Président de la sécurité des véhicules le 18 mars 2014 et y a nommé Jeff Boyer. Un site dédié aux rappels a été mis en ligne et des discussions avec des familles de victimes auraient été engagées dans un but d’indemnisation. Pour répondre aux questions concernant l’indemnisation des victimes, GM a fait appel à Kenneth Feinberg, un avocat renommé pour avoir géré le fonds d’indemnisation (20 milliards de dollars) mis en place par BP pour les victimes de la marée noire de 2010 dans le Golf du Mexique mais également celui d’indemnisation des victimes du 11 septembre 2011. K. Feibert a été chargé en tant que consultant d’apporter « son expertise et son objectivité » pour aider le groupe à évaluer la réponse à apporter aux familles des victimes. Le choix du médiateur le plus populaire des Etats-Unis, en raison de ses capacités de négociation avec les victimes, n’est pas anodin pour GM compte-tenu de la gravité des faits reprochés au groupe et de leurs conséquences sur sa réputation.
De telles excuses publiques et les mesures entreprises par GM pour faire face aux accusations sont presque sans précédent pour un constructeur automobile américain.

Des risques encourus par GM qui semblent limités au regard de l’importance des défaillances
L’objectif de cette stratégie de reconnaissance de ses défaillances permet à GM d’espérer d’éviter les sanctions pénales et de limiter les sanctions civiles (amende). Les risques encourus par GM sont en effet une amende de 35 millions de dollars (peine maximale civile) si la preuve est apportée que le rappel des véhicules n’a pas respecté la législation en vigueur.
Ce montant apparait limité au regard du montant de l’amende (1,2 milliard de dollars) que les autorités américaines viennent d’imposer au constructeur japonais Toyota qui avait été lent à rappeler des véhicules défectueux suite à des problèmes d’accélérateur il y a 5 ans et à reconnaître ses responsabilités. Les autorités américaines ont justifié le montant de cette amende, la plus grosse jamais infligée à un constructeur automobile par le fait que Toyota avait nié les faits.
A noter que Toyota avait également dû payer une amende de 48,8 millions de dollars à la NHTSA pour avoir trop tardé en 2010 à rappeler des véhicules présentant un problème d’accélérateur. Le groupe japonais avait enfin accepté de verser plus de 3 milliards de dollars pour indemniser les victimes et financer des programmes de prévention routière.
Le coût de ce scandale sera plus limité pour GM parce que, étant placé sous la protection de l’Etat en 2009, le constructeur ne peut être tenu responsable des accidents intervenus avant cette date. GM a d’ailleurs demandé un délai dans les poursuites intentées par le procureur général de San Francisco afin d’attendre le verdict d’un juge-commissaire en matière de faillite de New York concernant son irresponsabilité pour les faits antérieurs à 2009. Cependant, dans un courrier adressé le 11 avril 2014 au procureur général Eric H. Holder Jr., un groupe de 5 sénateurs démocrates (Richard Blumenthal (Connecticut), Barbara Boxer (Californie) Bob Casey (Pennsylvanie), Mazie K. Hirono (Hawaï) et Edward J. Markey (Massachussets), demandent au Département de la Justice d’empêcher GM de nier sa responsabilité pour les faits antérieurs à 2009 et d’imposer à GM la création d’un fonds d’indemnisation.

Le rôle controversé de la NFTSA : d’abord accusatrice…
La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) est une agence fédérale américaine qui a été établie par la Highway Safety Act de 1970 et dépendant du Département des Transports des Etats Unis, ce ministère étant dirigé par le Secrétaire aux Transports qui est membre du Cabinet présidentiel. La NHTSA est chargée de la sécurité routière et de la rédaction et de l’application des normes et réglementations de construction des infrastructures routières mais aussi des véhicules eux-mêmes. Elle a aussi un rôle de préventeur des risques d’accidents et des coûts induits, aussi bien en termes humains que financiers. Ces missions sont d’ailleurs systématiquement synthétisées en une devise « Save lives, prevent injuries, reduce vehicle-related crashes » (« Sauver des vies, prévenir les blessures, réduire  les accidents liés aux véhicules »). La NHTSA est aussi en charge de la délivrance des licences pour les constructeurs et importateurs de véhicules et des pièces dont l’utilisation est réglementée sur des critères de sécurité ; elle développe les protocoles d’essais, fournit aux assureurs des informations pour leur permettre de fixer le coût des assurances, etc. Une autre mission importante de la NHTSA est la gestion de plusieurs bases de données dont la « Fatality Analysis Reporting System » (FARS) qui recense les accidents mortels sur les routes de 50 Etats américains.
Le 4 mars 2014, la NHTSA a mis en demeure GM de répondre à 107 points sur ce dossier, d’expliquer et d’établir une chronologie précise des décisions prises en interne pour remédier au problème et d’identifier des d’ici au 3 avril, sous peine d’une amende de 7 000 dollars par jour. La NHTSA s’est également intéressé au rôle de deux sous-traitants de GM, fabricants du commutateur d’allumage incriminé, Delphi (Etats-Unis) et Continental (Allemagne).

… elle rejoint le banc des accusés devant le comité sénatorial
Cependant dans le même temps, le Comité sénatorial a étendu de son côté son investigation au rôle joué par la NHTSA elle-même. En effet, l’Agence, organe régulateur de l’industrie automobile américaine, est accusée par le Congrès de ne pas s’être inquiétée plus tôt du problème.
Depuis 2007 la NHTSA avait connaissance de 4 accidents mortels et de 29 plaintes pour désactivation d’airbags pour lesquelles elles avaient mené quelques investigations (en 2007 et 2010) mais sans ouvrir d’enquêtes plus approfondies, parce qu’elle avait estimé que « ces accidents ne démontraient pas une tendance permettant de conclure à une fabrication défectueuse ».
Cette décision semble surprenante d’autant que la NHTSA s’est parfois saisie de problèmes beaucoup moins graves. Elle avait par exemple ouvert en 2012 une enquête sur les airbags du constructeur Hyundai, entraînant le rappel de 190 000 véhicules, à la suite d’une seule plainte d’un automobiliste blessé à l’oreille lors du déploiement d’un airbag.
Le directeur par intérim de la NHTSA, David Friedman a donc été également convié à s’expliquer devant le comité sénatorial le 1er avril 2014, sur les raisons pour lesquelles la NHTSA avait refusé d’enquêter sur ces dysfonctionnements entre 2007 et 2010. Le sénateur démocrate du Massachussetts Edward J. Markey a écrit une lettre le 26 février 2014 à la NHTSA pour demander des « changements significatifs » sur la façon de recueillir des informations sur les suspicions de défauts. L’agence s’est défendue en réaffirmant qu’elle ne disposait pas jusqu’à présent de données suffisantes pour lancer une enquête formelle.

Des ONG également accusatrices pour la NHTSA
Center for Auto Safety, basé à Washington, a été fondée en 1970 par Ralph Nader, le premier à avoir dénoncé, en 1965, les défaillances de sécurité de GM, et par Consumers Union, avec pour objectif de permettre aux consommateurs de se faire entendre en matière de sécurité et de qualité automobile. Depuis sa création, Center for Auto Safety, qui revendique 20 000 membres aujourd’hui aux Etats-Unis, a permis la mise en place de plusieurs normes de sécurité et le vote de nombreuses lois telles que les Lemon Laws (garanties sur les vices cachés). Son directeur exécutif, Clarence M. Ditlow, a aussi interrogé la NHTSA le 13 mars 2014 sur l’absence d’enquête et sur les dysfonctionnements, estimant que la NHTSA ne protège pas les automobilistes contre les défauts de sécurité comme il devrait le faire. Il a indiqué avoir sonné l’alarme sur les pièces défectueuses des véhicules GM il y a plusieurs mois après avoir analysé les données des propres fichiers de le NHTSA et a affirmé que cette absence de réaction de ce dernier n’est pas un cas isolé. Il a renouvelé sa demande de remise en cause du fonctionnement de la NHTSA dans un courrier daté du 7 avril 2014 et adressé à D. Friedman. Déjà en novembre 2013, devant la Commission judiciaire du Sénat, Clarence M. Ditlow, affirmait que si le NHTSA souffrait de sous-effectifs et de sous-financements, il était également trop accommodant avec l’industrie automobile américaine.
Une ancienne administratrice du NHTSA (de 1977 à 1981), Joan Claybrook, aujourd’hui présidente honoraire de Public Citizen, une ONG (30 000 membres) fondée également par Ralph Nader et œuvrant pour la défense des consommateurs auprès du Congrès et d’autres instances décisionnelles ou judiciaires dans les domaines de la santé, de la sécurité et de la démocratie, a également accusé le NHTSA de complaisance avec l’industrie automobile et de son manque de transparence. J. Claybrook a également récemment confirmé dans une interview l’inefficacité et le manque de moyens de la NHTSA dont le budget (134 millions de dollars) a été divisé par deux depuis 1980 et le nombre de salariés réduit d’un tiers. Elle a donc réclamé une réforme de la NHTSA mais également des amendes non limitées par la législation pour les entreprises qui misent sur une stratégie d’analyse coût/bénéfice plutôt que sur la sécurité des consommateurs.
Dans le cadre de l’affaire du rappel de véhicules pour commutateur d’allumages défaillant de GM, Clarence M. Ditlow et J. Claybrook ont co-signé une lettre du 16 avril 2014 à Mary Barra l’appelant à mettre tout en œuvre pour faire la lumière sur ce scandale.

Du scandale  industriel aux critiques de la NHTSA : Un administrateur actuel au parcours troublant…
L’affaire des rappels par GM de 2,6 millions de véhicules pour commutateur d’allumage défaillant est révélatrice des défaillances des autorités américaines pour assurer la sécurité et la santé de ses citoyens en raison de l’existence de nombreux conflits d’intérêts entre la NHTSA et l’industrie automobile.
Ainsi, comme l’indique sa biographie sur le site de la NHTSA, l’administrateur actuel de la NHTSA, David J. Friedman, qui a été nommé en mai 2013 à la tête de l’agence (600 salariés), a travaillé pendant 12 ans (2001 à 2013) à l’Union of Concerned Scientists (UCS) où il a été notamment un analyste spécialisé dans les transports puis directeur adjoint du programme Véhicules Propres et expert dans différents comités. L’UCS est une ONG fondée en 1969 à l’initiative d’étudiants de l’Institut de Technologie du Massachussetts et composée aujourd’hui de plus de 400 000 membres, scientifiques et citoyens, réunis pour œuvrer dans des actions d’influence dans les domaines du développement durable (réchauffement climatique, énergies propres, véhicules propres, etc.). Or, dans un article paru le 31 mai 2013 sur le blog Fastlane développé par GM dans le cadre de sa politique de communication web 2.0, il est fait état, à propos des développements dans le domaine des véhicules électrique, des bonnes relations existantes depuis plusieurs années entre le groupe américain et l’UCS. Il est précisé que le président de l’UCS a déclaré que les relations de l’UCS avec GM ont été « difficiles et controversées » mais toujours « sérieuses et directes » et que GM est un constructeur qui tient ses engagements. 
David J. Friedman a par ailleurs travaillé auparavant à l’Université de Californie, à Davis, dans le programme FCVM (« Fuel Cell Vehicle Modeling »), l’un des premiers consortiums de recherche sur les piles à combustibles réunissant aussi bien des acteurs privés que publics. Ce programme faisait partie intégrante de l’ITS-UC Davis (Institute of Transportation Studies), un centre de recherche multi-disciplinaire de l’Université de Californie à Davis, reconnu dans les domaines de l’énergie et les aspects environnementaux des transports ou encore les technologies avancées pour le transport et où D. J. Friedman a démarré sa carrière. Le succès des premiers travaux menés en collaboration avec les constructeurs automobiles, dont GM, sur les piles à combustibles, a permis le développement d’autres programmes, dont le « Fuel Cell Vehicle Center » qui réunie 30 partenaires dont le Département à l’Energie, des agences gouvernementales, des universitaires mais aussi des groupes industriels des secteurs de l’énergie ou de l’automobile tels que GM toujours mais aussi Toyota, Exxon, Honda, Volkswagen, etc.

Et d’anciens administrateurs aux carrières attestant de liens entre l’industrie automobile et la NHTSA
Les liens entre l’industrie automobile et la NHTSA ont souvent été critiqués comme le montre en avril 2010 la proposition de loi de la sénatrice Barbara Boxer (D-CA) destinée à empêcher les constructeurs automobiles d’influencer les décisions de l’agence. Cette proposition qui n’a pas abouti, avait pour origine les révélations de conflits d’intérêt que les médias avaient pu mettre en lumière lors de l’ affaire Toyota (des anciens fonctionnaires fédéraux aidant les constructeurs à gérer les enquêtes fédérales sur les défauts des véhicules ou usant de leur influence pour empêcher ou limiter l’application des normes et règlements en matière de sécurité automobile).
Depuis il semble bien que la situation n’a pas évoluée. Ainsi un article paru le 30 mars 2014 dans The New York Times rapporte le résultat d’une enquête commandée par le Congrès à l’inspecteur général de Département des Transports en 2011 afin de déterminer si la position des anciens salariés de la NHTSA les conduisaient à avoir une influence sur les enquêtes menées au titre de la sécurité des véhicules. Cette enquête sur 63 cas n’aurait pas permis d’apporter des preuves d’influence, mais il existe cependant un certain nombres de cas assez révélateurs d’une propension des agents de la NHTSA à démissionner pour travailler assez rapidement pour l’industrie automobile ou dans des cabinets d’avocat spécialisés dans la défense de l’industrie automobile, leur expérience à la NHTSA leur apportant une excellente connaissance de la façon dont l’Agence fonctionne, de ses procédures et de ses employés, et par conséquent une connaissance des informations nécessaires à limiter un rappel ou à détourner une enquête.
Quelques exemples sont très significatifs et les liens clairement affichés : Jacqueline S Glassman, par exemple, indique sur le site de son nouvel employeur, Hogan Lovells, qu’elle est une ancienne conseillère en chef et administratrice de la NHTSA qui a participé à l’élaboration de règlements, de programmes et de réformes dans les domaines de la sécurité des véhicules et des économies de carburant, et qu’elle est désormais à la disposition des entreprises des secteurs de l’automobile et des transports pour les aider « activement » à anticiper et participer aux réglementations et lois en développement ou à répondre aux enquêtes des autorités. Il est également précisé qu’elle représente ses clients dans les procédures notamment en développant de solides relations avec le Gouvernement et qu’elle travaille en étroite collaboration avec la planification stratégique, technique et juridique de ses clients pour identifier et promouvoir des propositions de réglementation permettant à ces derniers de réaliser leurs objectifs commerciaux. En complément sur son profil Linkedin, sont cités ses principaux clients : GM, Mercedes, Volskwagen, Nissan, etc.
Autre cas : un communiqué de presse de Chrysler Corporation de novembre 1998,  indique que ce constructeur a recruté, comme Responsable des Affaires de Sécurité, Barry Felrice, qui a travaillé 25 ans à la NHTSA puis 3 ans comme directeur des affaires juridiques pour l’Association des constructeurs automobiles américains (American Automobile Manufacturer Association).
Enfin le site Web de Stratacomm, une entreprise américaine spécialisée dans les relations publiques et le lobbying et dont les clients sont majoritairement issus des secteurs automobile et des transports présente son équipe de consultants dont fait partie Diane K. Steed, ancienne administratrice de la NHTSA (de 1983 à 1989) qui a travaillé et travaille avec de nombreux constructeurs tels que GM, Ford, Nissan, etc.  D’autres exemples ont été étudiés par The New York Times dans un article le 31 mars 2014.

Les conséquences envisagées à l’issue des procès en cours
Selon plusieurs experts, GM pourrait décider d’aller au-delà de ce que le droit américain lui exigera notamment pour indemniser les victimes afin d’éviter de ternir trop son image, dans la suite de la stratégie de gestion de crise que le groupe à entamer.
Les 230 000 pages de documents qui sont déposées au Congrès dans le dossier du rappel des véhicules pour défaillance de commutateur d’allumage de GM n’ont pas fini d’alimenter les débats qui mèneront à l’issue du procès intenté par les autorités à GM. D’autant que les promesses de transparence de Mary Bama ont été mises en doute par les sénateurs. Il faudra donc attendre le résultat de l’enquête interne menée par Anton Valuka pour GM et que Mary Bama a promis de rendre public.
A ce jour le président de la Chambre, le républicain John Boehner, a déclaré qu’il était encore trop tôt pour conclure que le scandale du rappel des véhicules pour défaillance de commutateur d’allumage de GM allait permettre un durcissement des lois en matière de sécurité automobile. Depuis 50 ans, suivant l’exemple de l’industrie du tabac, les constructeurs automobiles remettent souvent en cause la validité des éléments de preuve qui justifient la mise en place de nouvelles réglementations et avance l’argument économique comme frein à l’amélioration de la sécurité des pièces automobiles. Leur poids politique et financier leur a permis le plus souvent aux Etats-Unis de venir à bout des politiques de santé publique et de faire ne sorte que les organismes chargés de faire respecter la réglementation restent sous-financés. Qu’en sera-t-il à l’issue du procès ? Enfin les changements à la NHTSA réclamés par la majorité des parties prenantes seront-ils suivis d’effets ?

 

 

Bibliographie
Tous les articles et documents vidéo recensés étaient disponibles en ligne au 20/04/2013 et sont classés par ordre chronologique inverse. Ils complètent les sources proposées en lien dans le texte et peuvent inclure des informations non développées dans le texte.
GM passed on ignition-switch fix in 2001, advocates say / Jeff Plungis, Jeff Green, Bloomberg.com, 16 avril 2014
http://www.bloomberg.com/news/2014-04-16/gm-passed-on-ignition-switch-fix-in-2001-advocates-say.html
General Motors : pourquoi les constructeurs peuvent encore jouer tranquillement avec notre sécurité / Nicholas Freudenberg, Slate.fr, 8 avril 2014
http://www.slate.fr/story/85669/general-motors-securite
Claire McCaskill believes GM should face criminal action / Dépêche Reuters, 6 avril 2014
http://www.huffingtonpost.com/2014/04/06/claire-mccaskill-gm_n_5101274.html
What is life worth ? Attorney Kenneth Feinberg has the answer / Josh Sanburn, Time.com, 3 avril 2014. http://time.com/47527/gm-recall-kenneth-feinberg-retained-victim-compensation/
General Motors accusé de comportement « criminel » par des sénateurs américains / Dépêche AFP, Le Monde, 3 avril 2014
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/03/general-motors-accuse-de-comportement-criminel-par-des-senateurs-americains_4394614_3234.html
DeGette discuusses GM recall with MSNBC’s Steve Kornacki / 2 avril 2014 (video)
http://www.youtube.com/watch?v=ZDEq3vTC4jU&list=UUWFQCRTHwsHg9P1Hf-EQtew
NH sen. Ayotte accuses General Motors of « criminal » behavior in vehicle recalls / Ben Klayman, Eric Beech, Dépêche Reuters / BDN Maine Business, 2 avril 2014.
http://bangordailynews.com/2014/04/02/business/nh-sen-ayotte-accuses-general-motors-of-criminal-behavior-in-vehicle-recalls/
Time to reform GM and NHTSA is now, safety advocate says / Alisa Priddle, Detroit Free Press Business, 2 avril 2014,
http://www.freep.com/article/20140402/BUSINESS0101/304020161/General-Motors-GM-recall-Joan-Claybrook-NHTSA-Mary-Barra-auto
Boehner : Congres needs the facts from GM before acting / Market Watch – The Wall Street Journal, 2 avril 2014
http://blogs.marketwatch.com/capitolreport/2014/04/02/boehner-congress-needs-the-facts-from-gm-before-acting/
5 things you need to know about GM’s recall crisis / Matt Vella, Time.com, 2 avril 2014.
http://time.com/46585/5-things-you-need-to-know-about-gms-recall-crisis/
Here’s who is really to blame for the epic GM scandal / Rana Foroohar, Time.com, 2 avril 2014.
http://time.com/46860/gm-scandal-blame/
Amount GM saved per car by using lethal ignition switch : about $1 / David Stout, Time.com, 2 avril 2014.
http://time.com/46483/gm-recall-ignition-switch-1/
General Motors promet un changement de pratiques après les rappels de véhicules / Dépêche AFP, 2 avril 2014
http://www.lepoint.fr/auto-addict/actualites/general-motors-promet-un-changement-de-pratiques-apres-les-rappels-de-vehicules-02-04-2014-1808151_683.php
DeGette leads public investigation into GM / Communiqué de presse, 1er avril 2014
http://degette.house.gov/media-center/press-releases/degette-leads-public-investigation-into-gm-ignition-switch-tragedy
General Motors rappelle 1,5 million de véhicules supplémentaires / Dépêche AFP, Le Monde, 1er avril 2014
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/01/general-motors-rappelle-1-5-million-de-vehicules-supplementaires_4393235_3234.html
Les plaintes s’accumulent pour General Motors / Philippe Jacqué, Le Monde, 1er avril
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/01/les-plaintes-s-accumulent-pour-general-motors_4393432_3234.html
General Motors tente de sauver sa réputation après de graves négligences / Lucie Robequain, Les Echos, 01 avril 2014
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/0203413189953-general-motors-tente-de-sauver-sa-reputation-apres-de-graves-negligences-661433.php
Former Safety Agency Aides, Some Now Aiding the Car Industry / Matthew L. Wald, The New York Times, 31 mars 2014
http://www.nytimes.com/2014/03/31/business/former-safety-agency-aides-some-now-aiding-the-car-industry.htm
GM recalls another 1,3 million cars, some for the second time / Elliot Hannon, Slate.com, 31 mars 2014.
http://www.slate.com/blogs/the_slatest/2014/03/31/general_motors_expands_recall_to_another_1_3_million_cars_for_power_steering.html
Rappels GM : le régulateur a manqué deux occasions d’intervenir (Congrès) / Dépêche AFP, Le Point, 31 mars 2014
http://www.lepoint.fr/auto-addict/actualites/rappels-gm-le-regulateur-a-manque-deux-occasions-d-intervenir-congres-31-03-2014-1807380_683.php
Rappels : General Motors risque-t-il le même scandale que Toyota ? / Alain-Gabriel Verdenoye, La Tribune, 31 mars 2014
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20140331trib000822808/rappels-general-motors-risque-t-il-le-meme-scandale-que-toyota.html
Panel : NHTSA, GM missed red flags / David Shepardson, Melissa Burden, The Detroit News, 30 mars 2014.
http://www.detroitnews.com/article/20140330/AUTO0103/303300029
Carmakers’ close ties to regulator scrutinized / Christopher Jensen, Matthew L. Wald, The New York Times, 30 mars 2014,
http://www.nytimes.com/2014/03/31/business/carmakers-close-ties-to-regulator-scrutinized.html
GM Recall : was the Auto Safety Agency asleep at the wheel ? / Herb Weisbaum, NBC News, 25 mars 2014.
http://www.nbcnews.com/storyline/gm-recall/gm-recall-was-auto-safety-agency-asleep-wheel-n61561
303 deaths seen in GM cars with failed air bags / Danielle Ivory, Hilary Stout, The New York Times, 13 mars 2014
http://www.nytimes.com/2014/03/14/business/gm-air-bag-failures-linked-to-303-deaths.html
Valukas, no stranger to GM probes, faces « witch hunt » on tigh deadline / Patrick G. Lee, Linda Sandler, Jeff Green, Automotive News, 11 mars 2014
http://www.autonews.com/article/20140311/OEM02/140319971/valukas-no-stranger-to-gm-probes-faces-witch-hunt-on-tight-deadline
Auto regulators dismissed defect tied to 13 deaths / Hilary Stout, Danielle Ivory, Matthew L. Wald, The New York Times, 8 mars 2014
http://www.nytimes.com/2014/03/09/business/auto-regulators-dismissed-defect-tied-to-13-deaths.html?emc=eta1&_r=1
General Motors mis en demeure de s’expliquer sur sa gestion d’un défaut de fabrication / Stéphane Lauer, Le Monde, 7 mars 2014
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/03/07/gm-mis-en-demeure-de-s-expliquer-sur-sa-gestion-d-un-defaut-de-fabrication_4379353_3234.html
Un des dossiers majeurs de Barack Obama : le cœur de l’automobile américaine a cessé de battre / Laurent Carroué, Le Monde Diplomatique, Février 2009, pp. 18-19.
30 nov. 1965: Unsafe at any Speed hits bookstores / This Day in History,
http://www.history.com/this-day-in-history/unsafe-at-any-speed-hits-bookstores


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