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Le business de la critique du vin

Par Mauss

On apprend ce jour (JDD page 21) que la start-up "LA FOURCHETTE" s'est vendue à l'américain Trip Advisor pour 110 millions d'euros.

On sait par ailleurs que Parker a vendu ses affaires pour moins de 15 millions d'euros. Le différentiel est considérable.

On sait aussi que la critique "vin-papier" - RFV, Terre de Vins, GaultMillau et autres - a un mal fou à boucler ses budgets et à avoir des numéros bénéficiaires.

Et on ne parle même pas de la critique "vin" internet qui est une foison de minuscules intervenants, la plupart du temps sans modèle économique… ce qui peut être à son honneur.

Il n'empêche : ce contraste pose des questions.

Pourquoi donc, dans le monde du vin, des millions de commentaires écrits ici et là sur le Web, personne n'a réussi, à ce jour, à monter un outil qui lui donnerait une valeur financière conséquente, capable d'intéresser ces moguls du cash que sont les Google, Ebay, Microsoft, Apple et autres fonds en quête de placements ?

On avait déjà évoqué sur ce blog la réussite étonnante de Zagat, ce génial concept qui faisait rédiger la critique des restaurants par les gens qui y allaient… et donc qui ne coûtaient rien à l'éditeur.

Pourquoi donc la critique vin ne réussit-elle pas là où la gastronomie et l'hôtellerie réussissent si bien sur le Web ?  Il y a quand même sur cette planète suffisamment d'amateurs de Bacchus pour que quelques génies inventifs trouvent un moyen, un outil capable de devenir une référence majeure !

IL y a foison de belles initiatives comme le Groupe B+D, The World of Fine Wine, Gambero Rosso, Vinum, L'Espresso, Decanter qui ont des équipes capables de faire du sacré bon boulot. Certains arrivent à survivre correctement, mais c'est toujours un peu sur le fil du rasoir, quand bien même ils restent discrets sur leur éventuelle réussite financière.

Quelques pistes méritant d'être étudiées :

- l'amateur de vin est bien plus suspicieux sur ce qu'il lit ici ou là alors même que le "gastronome" suit plus facilement la critique culinaire. Et comme il y a de multiples écoles du goût, tant de pays différents qui produisent des crus différents (encore heureux !), il serait impossible de concevoir un outil global prenant en compte toutes ses diversités.

- la critique "vin" passant par la dégustation, une ouverture mondiale demanderait des équipes conséquentes et donc un financement difficile à trouver de nos jours.

- le modèle "web" à créer en la matière ne pourrait prendre de valeur que s'il permettrait à son acheteur d'utiliser les adresses des clients pour d'autres activités et/ou permettrait une introduction juteuse de publicités.

- la critique "vin" actuelle n'a plus guère d'influence sur les ventes ou, à tout le moins, ne permet pas à une propriété de savoir que si ses stocks bougent, c'est à la suite de tel ou tel article. Il est loin le temps où un "coup de coeur" de Bettane dans la RVF avait pour conséquence une arrivée de chèques en blanc à la propriété. Ou qu'une belle note de Parker avait comme effet immédiat de doper à fond les ventes du cru noté. Pourquoi cette perte d'influence bien réelle ? Une suspicion sur les notations mises ? Une communication pas assez internationale, notamment par l'absence terrible de traductions, ne serait-ce qu'en anglais ou mandarin ?

- la critique "vin" n'a pas encore compris que le lecteur consacre difficilement plus de deux minutes à lire un article. C'est triste, certes, mais c'est un fait. Il faut être énormément concis, direct. Le décalage est bien trop important entre les études sérieuses (type VINIFERA de Cave SA du Grand Jacques) et le besoin d'informations immédiates simplifiant le choix du consommateur qui doit pouvoir dire de suite "oui" ou "non" à tel vin commenté. 

On commence à voir ici et là certaines applications de smartphone qui tentent de conquérir ce marché du vin avec notamment le système ultra simple et rapide d'une photo d'étiquette appelant immédiatement non seulement des informations sur le vin mais aussi des critiques et sur plusieurs millésimes… avec en sus la possibilité de garder en mémoire ses propres commentaires, date et lieu de consommation, etc…

C'est probablement la piste la plus sérieuse pour une réussite financière : une association entre quelques critiques partageant les mêmes vues sur le vin, les qualités indispensables qui sont a minima, et quelque génie informatique qui mettra tout cela en musique avec les facilités techniques indispensables qui font partie des réussites que l'on constate dans le domaine de la gastronomie et de l'hôtellerie.

Il y a du boulot !

Il n'est que temps pour quelques acteurs reconnus de se mettre autour d'une table et de s'associer pour offrir aux amateurs une amplitude d'informations et une réelle qualité de notation, ne serait-ce qu'au niveau européen. Pourquoi un Antonio Galloni réussit-il à très largement financer ses opérations par les seuls abonnements à son site alors que des noms plus historiques chez nous, en Europe, ont un mal fou à ne pas dépendre des publicités directes ou indirectes ?

Est-ce forcément parce qu'ici on est irréductiblement, foncièrement individualiste ou voulant à tout prix tirer la couverture à soi ? 

Bon, c'est clair : je pose trop de questions sans donner des pistes de réponse : concluons alors simplement pour dire qu'on verra naître un de ces jours une solution, la nature ayant horreur du vide ! :-)


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