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"Ils vivent la nuit" de Dennis Lehane

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins
"Ah, je vous souhaite le bonsoir, mon noble ami.
Approchez, approchez, venez plus près…
Trop près, un peu trop près." ( Aladin)

Des semaines trop longues que je n'ai pas usé mes empreintes digitales. La faute aux livres, toujours eux. "Retour à Reims" qui aurait trop fait Eddy Bellegueule. "Le Maître des illusions" qui, passé la magie des 500 premières pages, sombre dans une mollesse surprenante. "Le souffle de Dune", après le 15ème on ne compte plus, qui me appât le temps d'un weekend, toujours plus tiré par les cheveux et indispensable. Ne voulant pas tomber dans la nécessité d'écrire, j'ai attendu l'envie, et son alter-ego, la fainéantise. Une guerre millénaire que mon œil cerné d'un pont de Mai scrutait avec appréhension. Et voilà que je vous écris, à nouveau. Mes longs doigts crochus dansent sur le clavier trop dur, le café est tiède. Ce moment, c'est le nôtre. Lecteurs du printemps pluvieux, levons nos mug. A la littérature, au sweat à capuche, aux porteurs de lunettes et au mauvais thé vert. Un jour prochain peut être nous verrons nous, et ce sera chouette…
L'avis de JB

Le retour du cousin par alliance du neveu de l'oncle du Parrain
Débuter une critique par une citation d'Aladin, check. A part ca, Dennis Lehane."Gone baby gone", "Mystic river", "Shutter Island", trois très bons films, trois romans que je n'ai pas lus. "Ils vivent la nuit" inaugure, auréolé de bons pressentis et de son prix Edgar Allan Poe 2013.
Boston, 1926. Thomas Coughlin vient de tomber pour braquage. En pleine prohibition, le fils du commissaire Coughlin va purger deux ans au pénitencier local. De Tampa à La Havane, l'ascension du nouveau capo di tutti capi serait aussi grisante que dangereuse…
Cela fait envie, je sais. Je vous évite le quatrième de couverture et vais continuer à me demander pourquoi. Une crise de jeunisme peut être. Une réminiscence d'il y a longtemps. Cette époque dorée où l'on se demande comment rentrer dans la mafia sicilienne...au fin fond de la campagne française.  Comme ce jeune homme sur un forum qui demande des "phrases ou expressions en Italien qu'il pourrait se faire tatouer ". Le web veille, immuable faucon penseur, les propositions ne se font pas attendre :
"LI AMICI SONO QUELLI CHE RESTANO QUANDO IL RESTO DEL MONDO SE NE VA...(les amis sont ceux qui restent lorsque le reste du monde s'en va...) 
-CHI TROVA UN AMICO TROVA UN TESORO (qui trouve un ami trouve un trésor)... 
-GLI ANGELI ESISTONO...MA A VOLTE NON HANNO LE ALI... UNO DI QUELLI SEI TU! (les anges existent...mais parfois ils n'ont pas d'ailes, tu es un de ceux-ci) 
- LA VITA è COME UN DRINK BISOGNA GUSTARSELA FINO ALL'ULTIMA GOCCIA. (la vie c'est comme un drink, il faut la gouter jusqu'à la fin) 
-OGNI SECONDO CHE ASPETTERAI SARA' UN SECONDO CHE NON RIAVRAI MAI PIU' INDIETRO..(tout instant que tu attendras ce sera un instant qui ne retournera plus jamais...). "

Et bien le retour a été acide comme un mauvais chablis. Dennis m'a tuer. Roulé, enfariné, roucoulé.
Scarfoce, Le paddrain et les defranchis, "Ils vivent la nuit" est l'enfant de ce mariage raté. Le titre aurait dû me faire déserter. Trop mystérieux, créatures nocturnes qui sortent la nuit, bandits de l'ombre en imperméable beige, elles vivent la nuit parce qu'elles sont hors système et tout. Le héros est le fils d'un commissaire irlandais à Boston, wouah. Son père est un salaud, son fils le contrarie pour gagner son attention. Je suis un bandit papa flic. Ah non, mon fils, pas la prison quand même, arggghhh, je fonndddddddddddddddddd. Et voilà qu'en prison, fiston utilise les bonnes ficelles pour ne pas se faire cogner/violer/racketter. Cogne le premier fils, et fort. Et voilà qu'on a gagné un super respect. Suffisamment pour taper dans l'œil du boss local, Maso Pescatore, le poisson fou ? Alors le vieux lui fait la leçon, il lui apprend à devenir un bandit et tout. Et notre ami, Thomas, qui a entre temps douloureusement oublié la fille qu'il aimait qui était aussi la maitresse du parrain local et qu'il croit morte, alors que sans doute non, il est bien prêt pour manger le monde. A commencer par la Floride, flanqué de son pote d'enfance sicilien et gros qui l'a un peu trahi mais on est des frères donc ca va. Alors notre héros est un petit génie. Il révolutionne le trafic d'alcool, fait copain avec les cubains et se trouve une super nana qu'il traite avec un profond respect. On est des bandits mais le genre cooly. Quelques rares meurtres vraiment justifiés, on papote, on se boit des citronnades et le business roule. Quelques rares ennemis bien moisis type KKK, et 2 ou 3 rivaux, et on allume le thermomix. Sauf qu'il en sort rien qu'une patasse sans goût.
On en parle du flic local, genre on est des potes tu vois, on se respecte mutuellement. Bon après tu m'embêtes un peu alors je te sors des photos de ta fille camée qui croyait partir à Hollywood. Elément qui a son importance car notre Thomas sera hanté par ce mauvaise acte pendant des centaines de pages. Tout va bien mais quand même le vieux Maso il veut tuer la poule aux œufs d'or alors notre héros est en danger mais s'en sort. Il retrouve son amour de jeunesse qui n'est bien sûr pas morte et il fait le prince qui a son honneur. Pas de dérapage, on vit la nuit donc sans bruit. Avant la tempête le naufrage, apparition random de Lucky Luciano. Et pour finir, quelques pages interminables sur l'après gangsta time, avec reconversion et tape sur l'épaule.
Après la pluie, la pluie
Donc l'histoire est stéroïdée de préjugés. Aucune clé ne vous sera nécessaire, les trucs les plus imagés à comprendre sont que les hommes pleurent aussi et que l'amour rend fou.  Mais la plume est un chef d'œuvre à son service. Le stradivarius du cliché, à mettre entre les mains de votre cousin Jonathan qui n'arrête pas de siffler les filles dans la rue d'un "ca vous dirait un ice-cream avec mon ami et moi ?" :
" Le paradis n'était pas un ailleurs idyllique dans les nuages ; c'était l'air qu'on respirait sur cette terre"
Ok…
"Mais on n’est pas les enfants de Dieu, Joe, on n’est pas des personnages de conte de fées dans un livre sur le grand amour. On vit la nuit, et on danse comme des fous pour que l’herbe ne puisse pas repousser sous nos pieds. C’est ça, notre credo."
On en a la confirmation, avec métaphores et dorures.
"N'empêche, le fondement même de l'existence, c'est la chance. Ou la malchance. La chance fait la vie, et la vie fait la chance."
Rien compris, mais je ne suis pas un gangster sicilien polytechnicien.
"À Charlestown, les hommes apportaient leur calibre 38 à la table du dîner et se servaient du canon pour remuer le sucre dans leur café."
Quelle est la taille de leur tasse, please ?
"Ilario Nobile, qu'une hépatite avait laissé décharné et jaunâtre pour le restant de ses jours, mais qui, une arme à la main, devenait un vrai magicien. On le disait capable de loger une balle dans le cul d'une puce pendant une éclipse solaire, ou de signer son nom à la Thompson sur un rebord de fenêtre sans ébrécher une seule vitre."
Menteur, des preuves ? Surtout pour le coup de l'éclipse.
Quand il s'agit de gangster italien, on a le droit de sentir une vieille corde vibrer, je suis de ceux là. Un petit Parrain, un Scarface, voire pire ça peut être mon truc. Mais là non. C'est se moquer de ma vieille corde et, ça, ce n'est pas sympa. C'est penser que je peux avaler un œuf d'autruche un soir de pleine lune. Si j'étais un sociologue cheap, ce pour quoi je me prends parfois, je dirais en plus que cela abonde dans le sens de la mafia trop "bro" avec des hommes d'honneur au grand cœur aux manettes.
A chercher je n'ai trouvé aucun effort, ni dans les personnages, ni dans l'écriture, ni dans l'intrigue au demeurant inexistante. Celui qui a fait le plus d'effort c'est moi, en achetant et finissant le très énigmatique "Ils vivent la nuit".
A lire ou pas ?
Non, jamais. Fuyez le comme un inédit de Tragédie. Qu'on m'explique le lien avec les trois bons films situés plus haut. Pourtant j'ai regardé ce n'est pas Dennis Lehone ou Lehine mais bien Lehane. Never again comme dirait Nickelback.

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