Pour ce qui est de la vraie genèse de Miracleman, il faut faire un sacré bond en arrière, dans les années 50. C'était alors la mode des super-héros tout puissants, reporter dans le civil (vous avez dit Superman) ou bien capable de se "transformer" suivant un mot magique (Kimota, qui signifie, à l'envers Atomik. C'est subtil). Après quelques années de bons et loyaux services, Miracleman gagne ses lettres de noblesses lors d'un retour remarqué dans les années 80, sous la plume inspirée d'Alan Moore (puis Neil Gaiman, quelle chance) et les crayons de Alan Davis, Garry Leach ou Steve Dillon. C'est un tout autre personnage qui nait de l'association de cet aréopage de talents. Michael Moran est un individu torturé, blessé, meurtri. Son alter ego héroïque est réputé mort (à tort) par un peu tout le monde et même s'il parvient un beau jour à retrouver le mot magique qui le transcende à nouveau, c'est pour affronter une réalité bien différente. Entre le besoin de se réadapter à cette puissance incroyable, et une opposition inattendue et perverse, les difficultés ne manquent pas. Les souvenirs qui reviennent peu à peu sont douloureux, et suintent la mort, avec une bombe mortifère qui parait avoir éliminer de l'équation les side-kicks qu'étaient Young Miracleman et Kid Miracleman. Et pourtant...
Pour Michael Moran l'accession à ce statut quasi divin n'est pas un cadeau du sort, ou une bénédiction. C'est une profonde mutation qui vient mettre en péril son quotidien de mari et de futur père. Nous sommes bien dans les prémices du travail de déconstruction entrepris par Moore, et qui aboutira au chef d'oeuvre qu'est Watchmen. Le super-héros n'est pas cet être insouciant qui combat le crime dans un costumes aux couleurs criardes, et jouit de sa réputation. C'est un être qui ne trouve pas sa place, n'a pas choisi ce qui lui arrive, et subit un sort enviable en théorie, mais qui devient vite un boulet qu'il doit traîner jour après jour, sans pouvoir s'en débarrasser. Marvel (et Panini dans la foulée) a donc eu la très bonne idée de reproposer au public ce comic-books aussi intelligent que dérangeant, tout en optant pour la recolorisation des planches. Ce n'est pas une mauvaise idée, dans la mesure où les originales étaient bien entendu marquées à jamais par une époque, au risque de piquer les yeux des nouvelles générations qui n'ont pas connu les eighties. Croquis ou variant covers complètent le premier tome. Premier, car c'est l'intégralité de la série qui est prévue, et le succès que semble rencontrer cette première sortie autorise à penser qu'il en sera ainsi. A noter en ouverture un petit épisode très sympathique et éloquent, où Miracleman, Kid et Young Miracleman, combattent ensemble, dans les années 50, des envahisseurs venus d'un lointain futur (1981, les années Mitterand...), et qui permet de vite entrer dans cet univers narratif qui renaît sous nos yeux.