Harry Potter à l'école des sciences morales et politiques de Jean-Claude Milner
Par Kllouche
Editions des Presses Universitaires de France - Paru le 7 mai 2014 - 212 pages - 13 € - Pour l'acheter
Roman d'éducation, saga au succès mondial, le récit potterien a pris deux formes, égales en dignité : les romans et les films. Les films, plus concis, facilitent l'analyse et permettent de tirer les leçons d'une oeuvre qui parle à la fois de politique et de morale. L'accent sera mis sur eux. Voldemort illustre ce qui arrive quand un mage se laisse fasciner par ses propres pouvoirs. Confrontés au Maître des Ténèbres, les sorciers doivent s'interroger sur ce qui l'a rendu possible et sur les moyens d'empêcher le retour d'une telle épreuve. La réponse politique commence par l'état de droit, tel que la philosophie classique l'a conçu. La réponse morale s'inspire des Anciens : celui qui agit injustement se fait d'abord du mal à lui-même. Son âme se brise ; son corps devient bestial. Le monde de la magie permet de comprendre la société capitaliste actuelle. Les références anciennes sont revivifiées par une interrogation moderne ; les sorciers ont des pouvoirs fondés sur un savoir des enchantements : quelle relation doit s'établir aujourd'hui entre savoirs et pouvoirs ? Quelle que soit la réponse, elle devra reposer sur un idéal incontournable : la tolérance.De nombreux auteurs tels David Colbert ou Isabelle Smadja se sont frottés à l'analyse du monde d'Harry Potter. Car si l'œuvre de J.K. Rowling s'est imposée comme un récit d'aventures, le monde qu'elle met en place est suffisamment riche pour être une source inépuisable de sujets de réflexion sur le monde contemporain côté moldu. Je suis friande de ce genre d'ouvrages qui dissèquent les aspects politiques, la mythologie, les références des romans potteriens. Je remercie Babelio pour m'avoir fait parvenir celui-ci, écrit par Jean-Claude MilnerQu'un auteur français soit publié pour ce type de sujet est déjà surprenant en soit. Mais ce qui l'est encore plus, c'est les choix qui sont faits pour le traiter. Jean-Claude Milner a décidé d'appuyer sa réflexion sur la politique et la morale sur les huit films et non sur les livres. Il explique que les détails dévoilés dans les romans sont trop nombreux et trop complexes pour qu'ils puissent être ici synthétisés. C'est pourquoi il a choisi de ne s'intéresser qu'aux élément dévoilés sur écran. Si je suis d'accord pour dire que livres et films peuvent être vus comme deux entités distinctes, je ne le suis cependant pas pour qu'on appuie un travail de recherche sur les partis pris décidés par le réalisateur, les décorateurs, etc. Ce qu'il y a de fait dans les films n'est pas ce qu'a voulu construire l'auteur. Il me paraît donc impossible de bâtir quelque chose de solide à partir d'éléments détournés de l'imagination de J.K. Rowling. de plus, quand l'essayiste parle de l'emprunt à Margaret Thatcher pour le personnage de Dolorès Ombrage par exemple, c'est bien des influences de J.K. Rowling dont on parle et pas celles du réalisateur du film. On a finalement un résultat assez bancal et qui peine à tenir la route.
Jean-Claude Milner va même encore plus loin dans les partis pris surprenants. C'est la première fois que j'entends/lis quelqu'un pro-Daniel Radcliffe et anti- Michael Gambon! Pour le premier, il loue sa capacité à donner vie et sensibilité au personnage d'Harry Potter. Pour le second, il dénonce le refus de l'acteur de faire de Dumbledore un personnage important, en le lissant totalement. Alors, même si Daniel Radcliffe m'a toujours semblé faire preuve de bonne volonté, son jeu ne m'a jamais transcendée. Et j'ai au contraire beaucoup aimé le Dumbledore de Michael Gambon, plus unique que celui de Richard Harris. Il a réussi à faire du personnage plus qu'un vieux mentor. Et comme Jean-Claude Milner insiste sur sa position en montrant bien qu'il a raison et qu'on a tord, j'ai eu du mal à passer outre cette divergence d'opinion. Enfin, l'auteur se présente dans son ouvrage d'une façon qui m'a vraiment perturbée. Il est totalement intrusif dans ses propos et ne cesse de louer le caractère novateur de ses idées. le cas Thatcher pour Dolorès Ombrage viendrait de lui apparemment. Comme bien d'autres choses. Et ça a finit par me lasser.
C'est tout de même un plaisir de lire des théories sur la politique et la morale dans Harry Potter. Mais il y a tout de même matière à faire bien mieux. Ça a le mérite de donner envie de s'impliquer pour défendre ses idées. J'ai hâte de lire d'autres études sur le sujet pour comparer !