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" The Miles Davis Story " . Un film de Mike Dibb

Publié le 22 juillet 2014 par Assurbanipal

The Miles Davis Story

Un film de Mike Dibb pour Channel 4 Television

2001. 123mn.

Lectrices funky, lecteurs cool, en attendant qu'Hollywood nous sorte un ou deux films biographiques (biopics in english) sur la vie de Miles Dewey Davis Jr (1926-1991), je vous conseille de prendre le temps de regarder le documentaire du Britannique Mike Dibb, réalisé pour la chaîne du service public britannique de la télévision Channel 4, avec l'aide, comme conseiller spécial, du biographe britannique de Miles Davis, Ian Carr, lui même trompettiste.

Bref, c'est un travail de Gentlemen. La vie et l'oeuvre de Miles Davis sont traités dans l'ordre de sa naissance à sa mort. Y témoignent ses femmes, de la première qui le fit mettre en prison parce qu'il se payait de la drogue et des filles au lieu de nourrir ses enfants (Miles Davis n'était pas un bon père de famille au sens du Code civil de 1804) à Frances Taylor à qui il dédia le superbe " Fran Dance " (elle était danseuse), sa fille, ses fils, ses neveux. Cela permet de saisir l'homme derrière la légende, l'obsédé sexuel derrière le séducteur, le père absent derrière le musicien présent. " Une légende c'est un vieil homme avec une canne, connu pour ce qu'il a fait. Moi je le fais encore " (Miles Davis). Un autre témoignage de femme, d'une femme que Miles Davis admirait, respectait, n'a pas mis à son tableau de chasse, la chanteuse et pianiste Shirley Horn. Emouvante et élégante.

Parmi les musiciens, interviennent deux de ses maîtres, les trompettistes Clark Terry et Dizzy Gillespie. Clark Terry, né en 1920, lui aussi de Saint Louis, Missouri, était le grand frère musical de Miles Davis. Quant à Dizzy, une phrase de Miles résume tout: " La première fois que j'ai entendu Bird et Diz jouer ensemble, ce fut la plus grande sensation de ma vie, habillé ". Tous deux, avec beaucoup d'humour, nous racontent les débuts, les travaux, les épreuves de ce jeune homme poli, timide, propre sur lui, arrivé à New York sur la pointe des pieds mais qui, très vite (il jouait avec Charlie Parker dès 1945), mit tout le monde à ses pieds quand la drogue ne le faisait pas descendre plus bas que terre.

Le film, en DVD, est divisé en chapitres correspondant aux étapes musicales de la carrière de Miles Davis du Be Bop (rendez-vous réussi avec Charlie Parker) au Hip Hop (pourquoi avoir choisi Eazy Mo Bee au lieu de Public Enemy? Pourquoi? Pourquoi!) en passant par le Cool (il manque les témoignages de John Lewis et Lee Konitz), le Hard Bop (Bob Weinstock, le patron de Prestige Records, le raconte très bien), le Modal (beau témoignage de Jimmy Cobb, le batteur de Kind of Blue, dernier survivant de cet album majeur du XX° siècle), le dernier quintet acoustique (Herbie Hancock est bien là mais pas Wayne Shorter), le premier quintet électrique avec les témoignages croisés de Dave Holland et Jack de Johnette sur les lubies et les audaces de Miles Davis, Keith Jarrett racontant sa souffrance de jouer du clavier électrique, condition sine qua non de sa participation au groupe de Miles (qu'il en jouait bien, pourtant!), la période funk avec Mtume, fils de Jimmy Heath, ami et ancien saxophoniste de Miles qui raconte l'art qu'avait Miles de rendre fou son public et de calmer d'une note, Dave Liebman ( Miles, pourquoi me fais tu jouer dans ce groupe de Funk avec des Noirs alors que je suis Blanc, Juif et saxophoniste de Jazz? Les gens aiment voir tes doigts bouger vite sur le saxophone, Dave.), l'éclipse entre 1976 et 1980 (le Prince des ténèbres, le Sorcier s'enferme dans le silence. Chick Corea venait le voir, lui parler musique et profiter de la cuisine de Miles), le retour dans les années 80 avec tout de suite la place au sommet jusqu'à ce concert d'adieu résumant 50 ans de carrière en 1991 à Paris, au festival de Jazz de la Villette. Les rendez-vous manqués avec Jimi Hendrix et Prince ne sont pas racontés.

Bref, en un peu plus de 2h, vous avez là, lectrices funky, un lecteur cool, un résumé vivant, attachant de la vie et de l'oeuvre du Picasso du Jazz par ceux qui l'ont le mieux connu, parents, musiciens, producteurs. Et Miles dans tout cela? Il joue, il parle, il charrie. " Miles était plus connu pour ses talents de musicien que pour ses bonnes manières " résume une de ses femmes. " So what? " aurait répondu Miles Davis.


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