Mais qui est l'autre ?
Après Prisoners, Denis Villeneuve est de retour pour un nouveau film, Enemy, adapté de la nouvelle "L'autre comme moi" de José Saramago, et interprété par Jake Gyllenhaal, pour une nouvelle collaboration entre l'acteur et le réalisateur.
Le(s) plus
Enemy est-il le Lost Highway de Denis Villeneuve ? Ce qui est sûr, c'est que ce film à l'allure expérimentale, prend sa source dans des inspirations Lynchiennes, voire parfois Kubrickiennes (pour le début du film). L'intrigue, à la temporalité incertaine, est déroutante et glauque.
Dès la première scène, l'atmosphère pesante se ressent avec la photographie à la lumière jaunie, façon sépia, ainsi qu'avec les décors lugubres. Cette atmosphère est également mise en valeur par les sons et la musique, intrigants et énigmatiques, ainsi que la réalisation à l'aspect expérimental de par ses plans (en contre-plongée sur la ville, long fondu au noir, à l'envers...). Enfin, certaines scènes tout droit sorties d'allégories psychanalytiques ajoutent au bizarre de cet univers.
Jake Gyllenhaal (Adam / Anthony) excelle dans ses rôles, tantôt professeur d'histoire à la vie monotone ou acteur de troisième zone infidèle, il déploie un jeu puissant et nous impressionne dans le chaos de ce scénario qu'il ne faut surtout pas lâcher une seconde, au risque de se perdre dans ses méandres. Les femmes de ses vies, Mélanie Laurent, Isabella Rossellini et Sarah Gadon apparaissent comme des visions, la douce blonde, la blonde énigmatique et la mère envahissante... Leur interprétation est bonne, toute en fluidité et en douceur.
Mais alors que la question de l'identité de cet autre (Anthony) soulève la sienne propre (Adam) (d'ailleurs qui est la copie de qui ?), on se questionne sur la frontière entre le réel et le fantasme inconscient, des scènes de la vie quotidienne entrecoupées par des apparitions d'araignées, visions effrayantes et mystérieuses. Quelle est donc la symbolique de ces visions ? La psychanalyse et l'interprétation des rêves y voient de nombreuses possibilités, de l'étouffement de la personnalité, à l'impuissance sexuelle et masculine face à la femme, en passant par l'amour maternel possessif et dévorant... c'est autant d'idées que le spectateur pourra envisager sans jamais vraiment pouvoir mettre le doigt dessus avec certitude.
Le(s) moins
Film à l'allure expérimental, il est déroutant par son côté chaotique. Tout comme Prisoners, le rythme est lent, parfois trop.
Enfin, le scénario comporte quelques incohérences, notamment quant à la temporalité, qui pourraient trouver une explication dans le dénouement de l'intrigue et son interprétation, à vérifier donc...
Conclusion
Film expérimental aux influences Lynchiennes, Enemy vous emportera dans un tourbillon déroutant d'interprétations de l'intrigue et fera fonctionner vos neurones. Malgré un rythme lent, Jake Gyllenhaal est majestueux et vous entraine dans les méandres de son inconscient à la recherche de l'autre...
Ma note: 7/10
Enemy
Synopsis : "Adam, un professeur discret, mène une vie paisible avec sa fiancée Mary. Un jour qu'il découvre son sosie parfait en la personne d’Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte. Puis Adam se met à imaginer les plus stupéfiants scénarios... pour lui et pour son propre couple."Réalisé par: Denis Villeneuve / Avec: Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon / Genre: Thriller / Nationalité: Canadien, espagnol / Distributeur: Version Originale / Condor
Durée: 1h30min / Date de sortie: 27 août 2014
Plus d'informations !
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Les Anecdotes !
C'est la deuxième fois que le réalisateur québécois Denis Villeneuve et l'acteur Jake Gyllenhaal collaborent. Ils avaient déjà tourné ensemble sur Prisoners en 2013.Enemy est l'adaptation de la nouvelle du portugais, prix Nobel de Littérature, José Saramago : "O Homem Duplicado" (L'autre comme moi).
Avec Enemy, c'est la seconde fois que Denis Villeneuve transpose à l'écran une oeuvre littéraire. Il avait déjà connu le succès avec son film Incendies en 2011, une adaptation de la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad.
C'est Niv Fichman, producteur, qui a lancé le projet Enemy, lorsqu'il a demandé à racheter les droits d'auteur de L'autre comme moi au Prix Nobel de littérature José Saramago. Saramago qui, quelques années plus tôt, en 2008, avait déjà vendu les droits de L'Aveuglement à Fichman, n'a pas hésité une seconde. Le producteur a alors fait appel à un autre de ses collaborateurs, Javier Gullon, pour transcrire le livre en scénario. Ne restait plus qu'à trouver un réalisateur. Fichman et Denis Villeneuve souhaitant travailler ensemble depuis longtemps, la collaboration s'est imposée naturellement.
Outre l'envie de travailler avec Niv Fichman, Denis Villeneuve a été fasciné par l'œuvre L'autre comme moi. "En lisant le roman, j'ai éprouvé un puissant sentiment de vertige. Le vertige est toujours associé à mes pires cauchemars, mais il m'attire constamment de manière inexplicable", explique-t-il.
L'acteur Jake Gyllenhaal s'est imposé pour jouer les rôles d'Adam et Anthony dans Enemy. Absolument identique physiquement, l'Américain de 33 ans interprète l'étrange proximité des deux personnages tout en développant leurs personnalités distinctes.
La Française Mélanie Laurent interprète Mary, le premier rôle féminin. Devenue célèbre pour son rôle de Lili dans Je vais bien, ne t'en fais pas, qui lui a valu un César du meilleur espoir féminin en 2006, elle a étendu sa carrière à l'international avec le film Inglourious Basterds de Quentin Tarantino.
Denis Villeneuve prévient par avance les spectateurs d'Enemy, qui est un film difficile à comprendre : "Il faut que les spectateurs soient conscients que c'est un film qui se veut ludique. Un film qui est là pour jouer avec leur perception, leurs émotions, et qu'il faut décortiquer. C'est une énigme."
C'est un drôle (et effrayant selon les points de vues) de symbole que l'on retrouve tout au long du film, celui de l'araignée. Objet de phobies et/ou de fantasmes, la petite bête est, dans Enemy, l'emblème des femmes, de la sexualité et du subconscient.
Pour Enemy, Denis Villeneuve a voulu laisser une grande place à l'univers artistique de ses comédiens. La mise en scène a donc été travaillée avec chacun et l'improvisation a permis de faire évoluer les personnages, les scènes mais aussi les acteurs et le réalisateur lui-même : "D'un point de vue artistique, il y a toujours un moment où on se dit qu'un tournage doit vous aider à progresser en tant que cinéaste".
La particularité technique d'Enemy, c'est bien sûr le double rôle joué par Jake Gyllenhaal. Pour obtenir un effet aussi naturel que possible dans les scènes où Adam et Anthony se font face, les équipes ont utilisé un dispositif de motion control baptisé Mo-Sys, capable d'être programmé pour dupliquer un mouvement de caméra à plusieurs reprises. Pour ce qui est du jeu d'acteur, une doublure donnait la réplique à Gyllenhaal, avant d'être effacée et remplacée par l'autre « version » de l'acteur.
Enemy a été nominé deux fois : au Festival international de Toronto 2013 dans la catégorie « Special Presentations » et au Festival international du film de Palm Springs 2014 dans la catégorie « Modern Masters ».
Petite particularité du calendrier : au moment de débuter le tournage d'Enemy, Denis Villeneuve n'était pas encore le réalisateur acclamé de Prisoners. En fait, il a signé pour les deux films la même semaine en 2012. Les deux tournages se sont donc chevauchés, mais c'est Prisoners qui est sorti en salles le premier (octobre 2013) alors qu'Enemy, qui est un plus petit film, a pris son temps.