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[NOTRE AVIS] Maps to the stars, les névroses d’Hollywood selon David Cronenberg

Publié le 30 décembre 2014 par Tempscritiques @tournezcoupez

Avec Maps to the stars, le réalisateur canadien David Cronenberg met en lumière, et sans langue de bois, les névroses dissimulées de la plus grande industrie du cinéma : Hollywood. Troublant.

de gauche à droite : Mia Wasikowska, Julianne Moore, et le réalisateur David Cronenberg

De gauche à droite : Mia Wasikowska, Julianne Moore, et le réalisateur David Cronenberg

Pendant longtemps, et encore aujourd’hui, Hollywood a été responsable de l’ascension fulgurante de certaines icônes, mais aussi de leur chute vertigineuse. Les œuvres jetant directement et explicitement la lumière sur les facettes ténébreuses d’Hollywood sont encore bien rares. On compte, entre autres, Sunset Boulevard de Billy Wilder, Eve de Joseph Mankiewicz, ou bien The player de Robert Altman.
Cette année, le cinéaste canadien David Cronenberg jetait lui aussi sa pierre sur le système hollywoodien en adaptant à l’écran le sombre scénario de son ami Bruce Wagner. Maps to the stars, présenté en compétition au 67ème festival de Cannes, avait bien entendu séduit une grande partie de la presse, qui y voyait là une satire féroce du système hollywoodien. Même si Cronenberg refuse de prendre pleinement parti contre Hollywood, lui trouvant tout de même un jour attrayant, il précisait dans une interview délivrée au magazine culturel Télérama que son film est loin d’être un discours simplement ironique. Le cinéaste ajoutait que tous les dialogues du film, inspirant il est vrai très souvent l’horreur, ont été réellement entendus par Wagner lui-même, avant qu’il ne les retranscrive sur papier puis en tisse son scénario.

Mia Wasikowska sur la célèbre avenue Walk of Fame, devenue un symbole typiquement hollywoodien

Mia Wasikowska sur la célèbre avenue Walk of Fame, devenue un symbole typiquement hollywoodien

L’entreprise hollywoodienne est loin d’être le fantasme rêvé par beaucoup. Au contraire, le script solide et sombre de Bruce Wagner, magnifié par la caméra acérée de David Cronenberg, y expose avec froideur un monde à part, où le rêve est largement éclipsé par une réalité cruelle, et où les limites et les mœurs s’effacent pour cracher des êtres qui apparaissent presque inhumains. Maps to the stars prend l’allure d’un film choral, où tous les protagonistes se rencontrent, se croisent et cohabitent dans un espace encore plus étriqué et « incestueux » qu’on ne l’imaginait. Cronenberg filme tout ce qui semble représenter aujourd’hui la gloire de l’industrie cinématographique américaine (la colline Hollywood, le Walk of Fame (voir photo ci-dessus), les studios, les grandes maisons, les soirées mondaines, etc), puis s’amuse cruellement à tout démanteler, en prenant un chemin plus réaliste et moins fantasmagorique. Les stars hollywoodiennes se poignardent entre elles, n’éprouvent plus aucune pudeur et se repaissent dès leur jeunesse de tous excès. Cette face taboue et pessimiste, peu exposée par une Amérique encore très puritaine, contribue à l’asphyxie progressive du spectateur, qui impuissant, assiste à la déchéance hollywoodienne et enchaîne les dialogues acides et les situations crues. David Cronenberg use alors de ses talents de metteur en scène : sa direction d’acteur est irréprochable (Julianne Moore est méconnaissable, et Robert Pattinson, cette fois-ci, incritiquable), sa nouvelle collaboration avec Howard Shore est une fois de plus diaboliquement efficace, et son utilisation de la photographie est habilement étudiée, toujours au service de la cruauté qu’il filme. Tantôt la caméra flotte et gravite autour d’eux, tantôt elle frôle minutieusement et perversement les corps. La minutie de la réalisation et l’utilisation millimétrée de l’image comme support de la férocité des protagonistes du film, instaure une ambiance quasi-mécanique à l’œuvre, et propage un souffle glacial, qui bien entendu, accompagne parallèlement l’âpreté du scénario et la souffrance des âmes. Les paillettes ont définitivement cédé leur place à la cupidité et la convoitise, et l’humanité s’est totalement éclipsée. Maps to the stars remet les pendules à l’heure quant à notre admiration pour Hollywood, et nous assomme aussi par un bel uppercut. On en ressort forcément troublé.

Affiche Maps to the Stars, de David Cronenberg


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