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Récits sauvages, fable moderne

Publié le 09 février 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Ce soir, je vous explique pourquoi il faut aller voir « Les Nouveaux Sauvages » de Damian Szifron au cinéma. En trois points. Comme dans une dissertation à la française. 

Le titre original du film est Relatos salvajes - que j’ai retranscrit par « récits sauvages »- mais, pour une fois, je le trouve bien traduit : Les Nouveaux Sauvages. En plus du clin d’oeil aux Nouveaux monstres de Fellini, ça colle parfaitement avec cette clique désenchantée, venimeuse, franchement folle et délicieusement drôle que nous présente le réalisateur argentin Damian Szifron. 

Les Nouveaux Sauvages - 2015

Les Nouveaux Sauvages – 2015

Tout d’abord, parce que c’est du cinéma argentin. Et madre de dios que le cinéma sud-américain est mal promu en France. La preuve, c’est que pour vendre ce film, il a fallu étiqueter en énorme sur l’affiche : Pedro Almodovar. Ca fait vendre. Non pas que je n’aie pas énormément d’estime pour Pedro, qui produit le film et a repéré la perle, et dont on peut parfois sentir poindre une influence, mais il serait quand même bienvenu de rappeler que la merveilleuse idée originale, c’est Damian Szifron, en l’occurrence le réalisateur, qui l’a eue. Le nom en petit sur l’affiche.

Puis l’accent argentin, c’est un délice. 

Récits sauvages, fable moderne
Récits sauvages, fable moderne
Récits sauvages, fable moderne

Ensuite, parce que c’est très drôle et vraiment horrible à la fois. Dans ces historiettes décapantes, on rit. Et force est de constater qu’il est rare, finalement, dans le cinéma de faire rire et d’être intelligent à la fois. Et ça fait du bien de pouvoir se gausser avec un plaisir coupable et sadique, mais au moins, devant un film qui réfléchit et qui dit des choses.

Cet humour est nuancé. Je suis pas toujours le meilleur public du monde question rigolade, et j’avoue que parfois, je riais jaune alors que tout le monde s’esclaffait joyeusement autour de moi. Et ceci est dû au discours en demi teinte qui est toujours laissé sous-jacent par le réalisateur. C’est jouissif mais terrible à la fois, tellement les scènes sont réalistes et reflètent notre exécrable égo, nos vices, notre brutalité primaire, notre égoïsme assoiffé. 

Les Nouveaux Sauvages - 2015 © Warner Bros France / El Deseo / Kramer & Sigman Films

Les Nouveaux Sauvages – 2015 © Warner Bros France / El Deseo / Kramer & Sigman Films

Enfin, parce que c’est une satire sociale. Szifron vous met face à vous-même : vous allez rire de votre propre démesure, de votre propre saleté, vos propres vicissitudes. L’homme est un singe dont on se rit. Et il n’y aura pas d’exception dans ce monde de brutes.

Il faut dire aussi que c’est la classe huppée qui en prend le plus pour son grade. Les riches sont dépeints dans tous leurs excès : pédants, friqués, arrogants à bord de leur grosse Audi neuve, engorgés dans leur argent ou dans leurs codes, et ce sont eux, finalement, les plus abjects, la cause originelle de nos pêchés.

Mais à côté, le reste de l’échelle sociale ne brille pas plus, par sa jalousie, son impatience, son aigreur et surtout sa violence gratuite. On rit gras.

Car je trouve cela réducteur de dire que c’est un film drôle. Il est indéniable qu’il y a un véritable talent dans cet humour ; ces sketchs, qui sont magistralement menés, un peu façon Pulp Fiction, sont réellement comiques. Mais cette drôlerie, qui est finalement piquante et vindicative, est là pour nous montrer et nous rappeler quelque chose.

Ce quelque chose c’est notre société moderne, celle dans laquelle on vit, sans morale et sans vertu, corrompue depuis la boîte de Pandore ; et nous, nous sommes restés (ou redevenus ?) tout aussi sauvages que nos prédécesseurs primates, primitifs, primaires, inéduqués en somme. Damian Szifron n’a d’ailleurs pas choisit ses thèmes au hasard : violence, corruption, argent sale, sont autant de fléaux qui empoisonnent le continent sud-américain. 

Maintenant, si vous avez bien suivi, c’est l’heure de la conclusion. Le film est drôle, savoureux, perspicace, libérateur, juste, sanguinolent, intelligent ! Ces Nouveaux Sauvages sont une perle de la rentrée 2015, et Damian Szifron, un talent à suivre. 

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Les Nouveaux Sauvages, de Damian Szifron
avec Ricardo Darin, Oscar Martinez, Leonardo Sbaraglia, Erica Rivas, Dario Grandinetti …
Durée : 2h02
Actuellement au cinéma.


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