Gretel and the dark d’Eliza Granville 5/5 (28-02-2015)
Gretel and the dark (440 pages) sort le 5 mars 2015 aux Editions Mirobole (traduction Karine Bruy).
L’histoire (éditeur) :
Voici la sombre et fascinante histoire de deux mondes parallèles.
Vienne, à la fin du XIXe siècle. Josef Breuer – célèbre psychanalyste – est sur le point d’être confronté au cas le plus énigmatique de sa carrière. Trouvée près d’un asile d'aliénés, maigre, la tête rasée, la jeune fille prétend n’avoir pas de nom, pas de sentiments – d’être, en fait, une machine revenue pour tuer le Monstre. Intrigué, Breuer est déterminé à comprendre les racines de ses maux.
Quelque part en Allemagne, bien des années plus tard. Krysta est une petite fille dont la mère a mis fin à ses jours et qui tyrannise ses gouvernantes et son père, médecin dans un étrange dispensaire... Plongée dans le souvenir des contes de fées que lui racontait sa nounou d’antan, elle lutte pour trouver sa place quand, un matin, on découvre son père mort étranglé dans son lit. Désormais, la petite fille est véritablement seule au monde, sans rien ni personne pour la protéger.
Mon avis :
Ça y est, je suis fan des Editions Mirobole et pense même ne plus passer à côté de leurs futures publications. Nadège Agullo et Sophie de Lamarlière savent choisir avec soin et goût les titres de leur catalogue et c’est un vrai plaisir de découvrir une littérature différente (qu’elle soit fantastique ou noire), « exotique », originale et surtout d’une grande qualité littéraire. Après Vongozero et Un fond de vérité, Gretel and the dark ne déroge pas à la règle.
Roman inclassable, très sombre et déroutant, Gretel and the dark propose au lecteur de voyager dans deux intrigues distinctes.
Celle Lilie, à Vienne à la fin du XIème siècle. Josef Breuer, un psychanalyste renommé, tente de découvrir qui est cette jeune fille découverte nue près d’un bâtiment hébergeant des malades mentaux. Crâne rasé, couverte d’hématomes, blessures à la gorge et entre les cuisses et tatouage sur la bras, la jeune fille est très faible et incapable de révéler son identité. Elle déclare être une machine conçue pour mettre fin à une menace sur le point d’arriver et tuer le monstre qui engendrera d’autres comme lui. Hypnotisé par sa beauté et bien décidé à découvrir qui elle est, le docteur force son domestique Benjamin à enquêter dans les bas-fonds de Vienne et dans un « club » très secret fréquenté par une partie de l’élite viennoise.
Et celle de Krysta, en pleine Allemagne nazi. Cette jeune enfant vient de perdre sa mère (suicidée devant elle) et emménage avec son père dans une nouvelle maison tout proche de son travail qu’elle pense être un zoo. En réalité le docteur Conrad travaille dans un étrange dispensaire où il pratique de sinistres expériences. A travers les yeux de la jeune fille et son imagination débordante on découvre petit à petit la réalité dans laquelle elle tombe après le décès de son père.
Le Bien et le Mal s’entremêlent de la même manière que la fiction et la réalité. Eliza Granville parle habilement de l’Histoire. D’un côté elle tisse en toile de fond la montée de l’antisémitisme de manière subtile et d’un autre, elle choisit le biais de l’innocence pour décrire ce que l’Histoire à fait de plus sombre (rien d’explicite mais des détails, des mots, des illusions qui font autant froid dans le dos que de longues descriptions). Ce roman est aussi complexe que riche, et toutes les références à l'Histoire disséminées dedans donnent encore plus de force à l'intrigue .
La particularité de Gretel and the dark est d’entremêler ses intrigues à une multitude d’histoires, de contes de fées et de légendes sombres, macabres, faits de sorcières et de personnages terrifiants ou merveilleux et plein d’espoir. La princesse au petit pois, la belle au bois dormant, Hansel et Gretel, Jack et le haricot magique, Alice au pays des merveilles, Le joueur de flute de Hamelin, Barbe bleue, La petite fille aux allumettes…le genre d’histoires que les enfants aiment entendre ou se raconter pour frissonner, se rassurer ou rêver. Elevée aux sons des contes et comptines par une nourrice particulièrement prolifique en histoires, Krysta s’est créé un univers peuplé de personnages imaginaires, de récits qu’elle raconte à sa poupée Lottie et qui lui permettent de supporter la réalité et d’en changer certains éléments (comme cette gouvernante qu’elle compare à la sorcière d’ Hansel et Gretel et qu’elle aimerait tant pousser dans le four). Parce que la force de ce livre est véritablement la puissance de l’imaginaire, toutes ces histoires permettent aux deux intrigues distinctes de se relier, et à d’exister.
Gretel and the dark est un roman d’une grande intelligence. Pas toujours évident à lire (et encore moins à en parler), il reste néanmoins captivant du début à la fin. Le mystère est omniprésent et même si quelques éléments aiguillent l’intrigue principale, il reste très déroutant pour le lecteur qui ne comprend pas le lien entre les deux récits à des kilomètres de distance et une quarantaine d’années d’écart. Lorsqu’enfin les personnages du prologue refont surface, le dénouement tombe brutalement, tout s’éclaire et l’émotion submerge.
Il ne pouvait en être autrement finalement car même si on l’espérait ardemment, nous connaissons tous le passé et l’Histoire et nous savons qu’il est impossible de les changer….sauf dans les histoires ! Une chose est sûre : il y a des histoires qui sauvent la vie !!!!
Troublant et détonant, Gretel and the dark est surtout un roman très réussi qui ne s’oublie pas de sitôt !
Ma seule déception : le nombre important de mots non traduits (je n'ai pas eu la force de couper ma lecture pour aller voir les traductions).