Magazine Cinéma

La vie domestique - 1/10

Par Aelezig

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Un film de Isabelle Czajka (2013 - France) avec Emmanuelle Devos, Julie Ferrier, Natacha Régnier, Helena Noguerra, Laurent Poitrenaux

Desperate housewives, mais sans humour.

L'histoire : Emmanuelle habite dans un joli pavillon avec mari et enfants. Elle cherche un emploi, histoire de trouver un épanouissement hors de "la vie domestique". En attendant, elle retrouve ses copines Julie, Natacha et Helena pour boire un Nespresso ou manger un macaron.

Mon avis : Mon Dieu ! My God ! Moi qui n'aime pas les films de gens-qui-vivent, j'étais à peu près sûre de me barber, mais là on atteint des sommets ! Pourquoi j'ai regardé ? Parce que la démocratie conjugale m'a obligée... Mon coprésident, décideur hier soir, s'est d'ailleurs endormi et conclu qu'il avait rarement vu un pareil navet... Merci, mon chéri.

Pourtant l'ouverture était prometteuse : un couple invité chez un autre, qu'il ne connaissait a priori que peu jusqu'à présent. Or leur hôte s'avère abominablement raciste, misogyne, et chef d'entreprise odieux, comme j'en ai tant connus. La conversation est surréaliste, Emmanuelle rougit de colère, avant de se lâcher enfin avec quelques piques... qui ne font pas rire son mari. Brr... Quelque part, ça fait penser à Carnage. Mais ça dure cinq minutes, la suite est complètement nulle, et n'est pas Polanski qui veut. Ce n'est d'ailleurs pas l'objectif de la réalisatrice, je pense. Connaît-elle seulement Polanski ?

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Après cette scène qui augurait du corsé, une chronique sociale acide... dégonflement général des ballons. Nous assistons à un long épisode de Desperate Housewives (y a même les jolies maisons, comme à Wisteria Lane, avec pelouses bien entretenues et arbres fleuris), l'humour et le cynisme en moins ! Un comble. Pas de divorce, pas de jalousie, pas de crise, pas de meurtre. Rien. Juste des dames au foyer qui s'ennuient un max mais se disent débordées. Ce que je pourrais croire si - comme moi, recluse par obligation - elles avaient des passions (art, jardinage, sport, que sais-je...). Mais non, à part Emmanuelle qui va de temps en temps animer des ateliers de littérature pour des ados en difficulté, elles ne font rien d'autre que leurs allers-retours à l'école, du shopping, aller chez le coiffeur, organiser des goûters, des dîners. On comprend qu'elles s'ennuient grave dans leur tête, remarquez. Surtout avec leurs maris têtes de pioche qui trouvent ça vachement bien d'avoir bobonne à la maison.

Les quatre nanas se réunissent pour des petits déjeuners ou goûters entre amies, avec lait bio (et produits écolo L'arbre vert dans les placards) et intérieurs décorés comme chez Stéphane Plaza, complètement bobos têtes à claque. On sort ses jolies tasses, on sert son coffret Nespresso, on choisit sa couleur de capsule, manque plus que George débarque. Oh my God, George Clooney is inside ! Même pas. Et leurs conversations sur la misère dans le monde, la guerre, ces pauvres enfants martyrs... comme c'est horrible, disent-elles en savourant leurs macarons de chez Untel, qui sont les meilleurs. Démentiel ! Ca existe en vrai, des femmes comme ça ? Et des hommes machos comme leurs maris, à la limite de la caricature ? Et puis toutes ces pubs... même pas déguisées.

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Ce que je ne comprends pas c'est le message : bobos, secouez-vous ? Il est alors vraiment sybillin... Et s'il n'y en a pas, si on est juste dans la pure "tranche de vie", alors là... c'est une insulte aux femmes ! Aliénées ? Mais elles ne font rien pour se sortir de cette situation ! Insidieux ? La société a évolué, que diable... on voit même des hommes qui font tourner le lave-linge dans la pub... que semble pourtant apprécier la réalisatrice ! Ca se passerait dans les années 50, on comprendrait, mais là... Ces femmes sont totalement passives et se complaisent dans leur vie domestique.

Comme Emmanuelle, principal personnage, cherche vraiment un travail (dans l'édition forcément... bobo oblige), rue dans les brancards, et semble moins anesthésiée que ses copines, j'ai cru jusqu'à la fin qu'il allait se passer quelque chose. Qu'elle allait larguer son macho de bonhomme, ou prendre un amant, ou s'habiller en punk. Ben non rien. Tout continue et ça se termine en queue de poisson. Avec mon homme, on s'est regardé... stupéfaits.

Je mets 1 point pour la scène d'ouverture.

Bon je file sur le Net pour voir si les bobos ont aimé.

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GAGNE ! Ils ont adoré ! C'est juste, c'est captivant, c'est émouvant, ça dépeint exactement l'aliénation insidieuse qui pèse sur les femmes d'aujourd'hui... Les pauvres chéries ! Qui les oblige à rester chez elles, si elles n'en ont pas envie ??? Qu'elles bossent ou qu'elles fassent du bénévolat ! Ou bien qu'elles assument, tout simplement ! Mais se plaindre alors qu'on est en train de bouffer des pains au chocolat... moi les bras m'en tombent. Le pompon va aux Inrocks : "Une singulière et féroce immersion dans l'enfer de la middle class française" Féroce ??? Et c'est ça la middle class française ??? Bon, ben je fais partie des pauvres, alors. Mon intérieur n'est pas tout neuf et décoré à la dernière mode, je ne bouffe pas de macarons et je ne m'achète pas de robes de cocktail. J'ai même pas de machine Nespresso, c'est vous dire ! Non mais faut qu'ils sortent un peu dans la France profonde, les gars des Inrocks !

Télérama bien sûr intellectualise le propos : "Sur ces bourgeoises un peu vaines, Isabelle Czajka pose un regard souvent féroce (on sourit beaucoup), mais toujours complice : elle n'en fait pas les figurines d'un soap opera à la "Desperate Housewives", mais des êtres à la Virginia Woolf, cernés par l'inconsistance et leur inutilité" Ben désolée, moi j'ai vu un soap et à AUCUN MOMENT je n'ai pensé à Virginia Woolf. C'est lui faire offense.

Ouf, quelques esprits lucides : "Que les hommes en prennent ici plein la musette relève d’une certaine évidence, mais en faire un tel ramassis de crétins finit par desservir la pertinence du film. (...) Dans le désir manifeste de bien se faire comprendre, Czajka a multiplié les scènes frôlant sans cesse la caricature" (Libération).

Le public, lui, n'a pas adhéré du tout semble-t-il... Bien fait.


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