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Solitude de l'audionaute de fond (9)

Publié le 15 mars 2015 par Novland

8 mars 2015. Ian Gomm — Summer Holiday (1978) Ian Gomm ne paye pas de mine, il ne ressemble formellement pas à grand chose. Un rouquin même pas cynique, auburn non dépravé, homme acajou et presque plaisant. Quand Ian Gomm tousse le monde ne titube pas, c’est un être discret, straight et bien peigné, qui a dû roussir encore un peu plus le jour de 1971 où le New Musical Express l’a élu : « Best Rhythm Guitarist of The Year ». Vous avouerez que tout cela pose son homme… et son guitariste rythmique. Dans ce moment pourtant très dépeigné là, 1971 donc, Gomm était première guitare sportive chez les séminaux Brinsley Schwarz ; il y pirouettait autour de Nick Lowe et comme chacun connaît comme sa poche percée ce maître-cylindre Pub-Rock qu’était Brinsley Schwarz, je ne referais donc pas l’histoire...L’album qui nous concerne vient, lui, plus tard, en 1978. Au dos de la pochette, on peut voir la famille Gomm en plein air et en mise heureuse et estivale, les seventies finissantes il y avait encore des saisons. La musique de Summer Holiday est comme son dos de pochette, estivale; le doux rayonnement d’un soleil gallois, pas encore hâlée, loin du mordoré, une succession de pop songe suaves et sans aspartame comme chez les early fab four (Dirty Lies, Airplane, You Can't Do That…) des rocks pas compliqués à écouter sur la route, le coude au soleil (That's The Way I Rock'n Roll) une belle cover de Chuck Berry (Come On) du Bo Didley avec les moyens du bord (Images). Comme il faut toujours des ballades, il y a donc une ballade contente d’elle-même comme du Randy Newman sans piano (Another Year) et pour finir avec de l’impeccable : Hold On, genre d’espèce de sorte de sommet accidentel en plein milieu de la route. Avec cette chanson Ian Gomm aurait pu finir tel le vulgum One Hit Wonder de base : le nez dans le vertugadin; il n’en sera rien… Vous pouvez écouter ce disque, c’est avec les deux, trois très bons de Nick Lowe, l’un des meilleurs fruits à être sortie de la corbeille Brinsley Schwarz.

9 mars 2015. Skip James – A Tribute To Skip James (1964) Skip James ne jouait pas sur une guitare métallique, il n'employait pas de bottleneck non plus, sa voix de tête partait le plus souvent dans des phrases musicales plus complexes que mon genou gauche et prenait alors des teintes andalouses et quasi arabisantes. On pourrait presque dire que dans la tradition du blues du delta il était l'un des plus intrigants, pour le moins. Pour s'en convaincre on écoutera cet album enregistré lors de sa « redécouverte tardive », un son presque propre, moins de patine que dans les sessions séminales de 1931, mais des merveilles à revendre (Illinois Blues, Cypress Blues…) et une version de Spécial Rider Blues bouleversante.10 mars 2015. On commencera par une merveille extraite de l'impeccable documentaire Jazz on sommer' s day (le grand classique du docu jazz diurne), Louis Armstrong, Jack Teagarden et le casting de Mad Men en arrière-plan, que du bonheur… On poursuivra avec un drôle d'écho entre Horace Silver et Steely Dan, le Song For My Father de l'un et le Rikki Don't Lose That Number des autres, suis-je le seul à trouver quelques ressemblances entre les deux ? On finira par Grant Green et son Sookie Sookie, dix minutes de swingue entraîné par une guitare tonitruante et un orgue totally soulful.11 mars 2015. Metro – Metro (1977) Duncan Browne ? Une grande cause perdue ! Deux premiers disques baroques et pop un peu à l'ouest de Nick Drake et des Zombies : Give Me Take You (1968) et Duncan Browne (1973), deux autres disques plus problématiques frôlant les pattes glutineuses du prog-rock : The Wild Places (1978) et Streets of Fire (1979), un disque tardif, tellement tardif qu'il est même posthume : Songs of Love and War (1994). Au milieu de cette discographie qui oscille entre le doucement crucial et le dispensable cet album en duo avec Peter Godwin sous le nom de Metro. Rien de foudroyant, mais des chansons agréables qui flottent joliment sur des restes glam-rock, un peu Bowie second lot, assez Roxy amoindri, mais de l’élégance, toujours.12 mars 2015. Duke Ellington – Piano in The Foreground (1961) Ellington au piano et en trio loin des Big Bands tapageurs. Un disque secret et méconnu, plein de tranquillité, de discrétion, de subtilité… Quelques standards retravaillés avec le plus de simplicité possible (Body and Soul, Summertime…), des improvisations quasi monkiennes, des compositions personnelles qui tendent à l'ellipse avec une économie de moyen comme on en rencontre peu (So) En complément Ellington et Louis Armstrong distille un merveilleux Solitude. C'est un titre extrait de leur premier album commun (The Great Summit 1961) 13 mars 2015. Kevin Ayers est mort, Davied Allen est mort, mes hippies préférés se font la malle. Allen très malade depuis quelques mois aura attendu un vendredi 13 pour vraiment partir. Au-delà de la tristesse qui pourrait me tenailler un petit peu, voilà les faits saillants d'un carrière plus bananocosmique que mon genou gauche : « J’ai deux façons de jouer de la guitare, Rude and Banana et Camembert. Quand je suis pourri, je suis très camembert. Quand je suis pur, c’est plutôt Banana » Croquignolet non ? Daevid Allen était un authentique doux dingue. beatnik australien téléporté en Europe au début des années 60, il vit un temps sur une péniche à Paris, rencontre Robert Wyatt et Kevin Ayers à Majorque, et c'est avec eux qu'il crée bientôt les « séminaux » Soft Machine. Toute une histoire et des choses drôlettes comme s'il en pleuvait ! Allen se produit sur scène coiffé d’un casque de mineur lampe frontale allumée, il sautille un peu partout tel un Ubu lymphatique.... Après une tournée en France il est refoulé par des douaniers britanniques passablement inquiétés par son aspect de freak excentrique. Pas plus décontenancé que cela il s'exile en France où il enregistre deux albums au débotté, le primo gongesque Mystic Sister (1970) et le formidable Banana Moon (1971) où Robert Wyatt gazouille sublimement avec lui (Memories). C’est lui qui tient la guitare très camembert rude and banana sur l’album Obsolete (1971) de Dashiell Hedayat. Il vit en communauté dans une ferme de l’Yonne et c'est là que commence bientôt l’aventure Gong. Une sorte de tribu baba cool qui écumera l’Europe seventies de concerts capricants en gigs fumeux, drôle et grande aventure, fumette rigolote et « amour libre » à tous les étages. Tout ayant une fin Allen se fatigue un peu de Gong et du toutim bananocosmique qu'il avait lui-même crée. Il trouve refuge dans les îles baléares, il s'y ressource à petits coups de fumette en compagnie de Kevin Ayers et réapparaît en 1977 avec un album extraordinaire (Now Is the Happiest Time of Your Life) puis en 1978 où en pleine période punk il invente le Hippie-Punk (ce qui n'est pas rien). On le vois fricoter avec les anarcho-punks d' 'Alternative TV , sous le nom de Planet Gong il enregistre avec le groupe Here & Now et il tente dit-il : « de combiner le coté rapide et bruyant du punk avec l’élément planant » Évidemment avec un tel programme le succès n'est pas vraiment au rendez-vous et il se retrouve bientôt sans argent. en 1982 il rentre donc à Melbourne où il devient chauffeur de taxi! Imaginons un hypothétique dialogue avec l'un ses clients interloqués : « J’ai deux façons de conduire mec : Rude and Banana et Camembert. Quand je suis pourri, je suis très camembert. Quand je suis pur, c’est plutôt Banana, pourquoi tu me regardes comme ça mec ? » Le reste de la carrière de l'ami Allen m'a un peu échappé, je sais seulement qu'il aurait eu la drôle d'idée de filmer et enregistrer son propre suicide sur scène et qu'il a sorti une kyrielle de disques que je n'ai pas eu le courage d'écouter, les imaginant comme la queue de comète d'un acid freak perdu pour la science…14 mars 2015. Marc Almond –Violent Silence (1986) Cinq titres tournicotant aimablement autour de George Bataille, l'une des meilleures choses jamais produites par Marc Almond. Orchestration minimale, un piano, des cordes menaçantes, des percussions xylophoneuses, surtout la voix de Marc Almond, une voix de freluquet emporté dans un cabaret fatal. Très bon.  


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