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Pura Fé x JBMT

Publié le 07 avril 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

10952882_10152571152842703_9149529793089943756_nEnglish version is available below !

Si l’on s’arrête à la pochette un brin kitsch de son album « Sacred Seed » et à sa catégorisation de « blues amérindien », on risque fortement de prendre peur et de passer à côté d’une incroyable découverte. Rassurez-vous, Pura Fé n’a rien d’une Pocahontas de pacotille, et ne va pas vous asséner des sonorités sèches et répétitives sous prétexte qu’elles sont traditionnelles. Non, au contraire, dès la première piste de l’album, on est étonné d’entendre cette grande dame entamer un bon blues suave et corsé, de la musique du Sud comme on aime. Car, elle nous l’apprendra plus tard, ce que l’on appelle la « Black music » des Etats-Unis puise en fait tout autant ses racines dans l’héritage amérindien qu’africain.

Pour autant, l’engagement fort de la chanteuse pour la protection de l’environnement et la reconnaissance des cultures natives américaines orientent ses mélodies d’une façon inédite. Nous qui avions peur d’écouter le discours utopiste d’un Tryo à l’amérindienne additionné de revendications identitaires à la verve exacerbée, nous avons découvert avec un plaisir non dissimulé la voix apaisante et le sourire malicieux de Pura Fé.

Bonjour Pura Fé,

Peux-tu nous dire comment es-tu devenue musicienne ? J’ai grandi dans une famille de musiciens, j’ai donc chanté tout ma vie. En revanche, je n’ai commencé à jouer de la guitare qu’en 2004, auparavant je jouais du piano. Je suis autodidacte et fonctionne à l’oreille.

Crées-tu ta musique toute seule ? Oui, la plupart du temps !

Quelles sont tes principales sources d’inspiration ? Absolument tout ! Je peux être inspirée par le fait d’être en colère, ou au contraire amoureuse…

Pourquoi avoir choisi ce titre, « Sacred Seed » ? Je parlais avec la femme de Mathis Haug de Monsanto, et je me suis demandé ce que les aînés de mon clan en penseraient (je viens d’une grande communauté de cultivateurs). Cela m’a fait prendre conscience d’à quel point les graines sont sacrées, et j’ai écrit cette chanson le jour-même.

De quelle manière souhaiterais-tu sensibiliser les populations à propos des cultures amérindiennes ? Ce que j’aimerais personnellement, c’est que les gens sachent quels sont nos points communs avec eux. Notre combat en ce moment, l’environnement, est le combat de tous. Les cultures indigènes sont particulièrement impliquées dans la lutte pour tout ce qui est vital : l’eau, le sol, les semences, la nourriture. C’est de là que je partirais, que je commencerais à parler des cultures amérindiennes.

Que penses-tu de la musique amérindienne « moderne », telle que celle du groupe « A tribe called red » ? Je connais un des garçons de « A tribe called red » depuis qu’il est tout petit, et sa mère est une bonne amie à moi ! Je les adore, ils ont un très bon message.

Ta musique me fait beaucoup penser au blues noir traditionnel de la Nouvelle-Orléans… Est-ce un univers qui te correspond ? Ma famille vient du sud des Etats-Unis, et là-bas les musiques indiennes et noires sont très similaires. C’est ce que les gens ne comprennent pas : les pionniers du blues et du jazz avaient un double héritage, à la fois amérindien et africain. Avant, dans le Sud, on ne pouvait pas se proclamer Indien : n’importe quelle personne qui n’était pas blanche était indifféremment désignée  comme étant « de couleur ». Beaucoup de personnes qui écoutent de la musique amérindienne traditionnelle du Sud pensent qu’il s’agit de musique africaine. Dans un sens, on peut dire que ce sont ces deux cultures, associées à des influences anglaises et écossaises, qui ont donné naissance au blues et au jazz.

©T.Duffy_A.Greenhood 2013

©T.Duffy_A.Greenhood 2013

Tu écoutes donc des styles de musique très différents ? En effet, je suis inspirée par tout type de musique, essentiellement la musique traditionnelle – de n’importe quel endroit du globe. Par exemple, j’adore la musique originaire de Touva (près de la Mongolie) : ils ont des instruments à corde qui sonnent comme des banjos et des chants de gorge. J’aime aussi la musique manouche du monde entier…

Où vas-tu chercher ce type de musique ? Ça a commencé petite, j’étais une enfant étrange. Je passais ma vie dans les magasins de disques, dans la section « internationale ». Je pouvais vous chanter des chansons dans tout un tas de langues, sans en connaître la signification. Beaucoup de japonais ! Aussi, j’ai grandi à New York, et là-bas j’ai pu rencontrer des musiciens des quatre coins de la planète.

Penses-tu que cette ville ait influencé ton travail ? Totalement. Et puis, ma mère chantait pour Duke Ellington, ce qui a eu une énorme influence sur moi. Vivre à New York a été une très bonne chose, sur le plan musical comme culturel.

Y a-t-il un endroit à New York que tu affectionnes tout particulièrement ? Central Park, où je passais la plupart de mon temps, et l’Indian Center. J’étais là-bas constamment, j’ai pu y rencontrer d’autres musiciens amérindiens : c’est comme ça que s’est formé mon groupe Ulali, il y a presque trente ans.

Quels sont les grands changements dans le monde auxquels tu aimerais assister ? J’aimerais que l’on parvienne à trouver un mode de vie et des énergies durables, et aussi que l’écart entre les privilégiés et les opprimés disparaisse. Mais c’est certainement impossible… Et plus d’alliances entre les peuples. L’anarchie ! Hm, non.

Penses-tu que ta musique soit une façon de contribuer à ces changements ? Je ne sais pas, je fais de mon mieux ! C’est une perspective, un outil qui peut servir à combattre.

Si tu avais l’opportunité de réaliser une BO de film, laquelle choisirais-tu ? J’adore les BO, et il se trouve que je voulais en inclure deux dans mon dernier album, ce qui a été refusé. Quand j’étais petite, j’adorais la comédie musicale « Sound of Music », tout particulièrement la chanson « Climb every mountain ». J’aime aussi beaucoup « To sir, with love », tirée du film avec Sidney Poitier.

Enfin, si Pura Fé était un animal, lequel serait-ce ? Une loutre. Ou un dauphin, quelque chose de lié à l’eau. Et un cerf, j’en suis d’ailleurs un par ma mère (c’est le clan de sa famille).

 Un immense merci Pura Fé !


© Nueva Onda Records

© Nueva Onda Records

Hi Pura Fé, thanks for having us today.

Can you tell us how you became a musician ? I grew up in a family of musicians, so I’ve been singing all my life. I didn’t pick up a guitar until about 2004, but I played piano before that. I’m self-taught, everything is by ear.

Do you create your music on your own ? Yes, pretty much !

What inspires you when you write a song ? Anything ! Sometimes I’m mad and I get inspired, sometimes I’m in love and I get inspired… It depends.

Why this title, « Sacred seed » ? I had a conversation with Mathis Haug’s wife about Monsanto and farmers. In my mind, I was thinking about what elder people from my home would say (I come from a big community of farmers), and how sacred seeds are. So I wrote the song « Sacred seed » that day.

How would you like to make people aware of what Native cultures are ? What I would personally like for people to know is what’s in common right now, in terms of environment and politics. What we’re fighting is what everyone’s fighting. Indigenous cultures are really on the frontline of fighting what’s vital to everybody right now. Water, soil, seed, food… That would be my entrance to educating what Native culture is about.

What do you think of « modern » Native music like the band « A tribe called red » ? I know one of the boys since he was a kid ! His mother is a good friend of mine. I love them, they’ve got a great message.

Your sound makes me think a lot of black music, like the blues from New Orleans… Is that an universe that inspires you ? My family is from the South, and Indian music and black music are pretty much one and the same in the South. That’s what people don’t understand, when you look at all the early pioneers in blues and jazz, you’re looking at people that have a dual heritage, black and Indian. In the South you weren’t allowed to say that you were Indian, the word for anyone that was not white was « coloured ». Many people who listen to early Native music from the South East think it’s African music. In a sense, those cultures together, among with English and Scottish influences is what gave birth to what is blues and jazz.

So you listen to different types of music, from different origins ? I do, I get inspired by music from anywhere in the world, particully traditionnal music, from any part of the world. I mean, I like Tuvan music (it’s not too far from Mongolia), they have string instruments that sound like banjos, and throat singing. I like gipsy music from just about anywhere…

Where do you find this type of music ? Well, I was a strange child. I would always go in the record stores and look into international sections. My mother would always expose me to music from all over the world. So I could sing to you a lot of songs in different languages and don’t know what they meant. A lot a Japanese music ! Also, I grew up in New York, and I met there a lot of musicians from all over the world.

So you think that this city had an influence on your work ? Totally. And you know, my mother sang for Duke Ellington, that was a huge influence for me. Being in New York was a good thing for music and culture.

Is there a place that you especially love in New York ? Central Park, that was pretty much where I stayed, and the Indian Center. I was there constantly, I ended up working at the Indian Center, meeting other Native musicians. That was the formation of my group called Ulali, which we started almost thirty years ago.

What are the biggest changes in the world that you hope to see one day? I would like to see sustainable living and sustainable energy; but also to see privileged and oppressed become more of a balance. Equality. But maybe it’s impossible… More alliances among people. Anarchy ! Haha, no.

Do you think that singing is a way to contribute to those changes ? I don’t know. It’s a point of view, it’s a tool to fight. I try my best !

If you had the chance to do a movie soundtrack, which one would you choose ? That’s too big of a question ! In fact, I love movie soundtracks, I wanted to put two of them on this album and they told me no. When I was a little girl I loved the musical « Sound of Music », especially the song « Climb every mountain ». And I also love « To sir, with love » from the movie with Sidney Poitier.

And finally, if Pura Fé was an animal, which one would it be ? An otter. Or a dolphin, something with water. And a deer, and I am a deer from my mother, it’s the clan from her family.

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Pura Fé, album « Pure Seed » disponible ici

En concert au Café de la Danse le 16 avril.

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