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On y était : Sleaford Mods & Shit and Shine

Publié le 28 avril 2015 par Hartzine
SC Sleaford Mods & Shit and Shine le 22 avril à la Dynamo, par Sonia Terhzaz Je me remets difficilement de ma branlée il y a quelques soirs, à la Dynamo à Pantin, flanquée par des Sleaford Mods enragés. Une victoire par KO, dans une combinaison en trois temps crochet, droit et uppercut pour finir au sol, gisant sur le ventre, le crâne défoncé par les coups de pieds de déments assénés par une foule en folie. C’était hip-punk avec SM et hip-dark-r’n’b avec Shit And Shine, le groupe d’ouverture qui nous a jouer pendant une heure une longue messe sataniste au prêche à la R. Kelly ponctuée d’incessantes boucles, une rythmique unique mobilisée tout le long. C’était un titre séquence, ma foi fort intéressant. On passait par toutes les phases pendant cet intervalle-temps. Et si je devais décortiquer quelques moments… L’entrée dans un univers comico-démoniaque, avec des masques grotesques de slashers, Une créature non-identifiée à la chevelure enveloppante cachant l’intégralité du corps et des mouvements (sans doute très indécents), un batteur au puissant embonpoint face aux deux freaks dissonants ; j’ai eu peuuuur ! Peur d’une incantation pour faire revenir dans le monde des vivants les sorcières de Salem. Je me suis mise à penser alors au film de Rob Zombie The Lords Of Salem et à la possession de Heidi, DJette de de la station de radio WIQZ et membre du groupe Big H Team, qui reçoit un beau jour à son bureau un obscur vinyle intitulé Cadeau des Seigneurs. Lors de sa diffusion sur les ondes, le morceau semble avoir été joué à l’envers et la dissonance se lance pour que l’ensorcellement commence. J’espère toujours depuis, secrètement, tomber sur un obscur vinyle dont j’ignorerais totalement le nom et l’origine et qui aurait le pouvoir d’un tel envoûtement. Deuxième temps : on ressent ensuite le côté hip-hop et même r’n’b bouffonesque (dans les passages mélomanes, même si le son du micro était complètement étouffé), on ne comprenait pas les paroles si ce n’est le « Shit and shine » mélodique à la California Love de 2PAC. Troisième temps : la dimension spatio-temporelle d’une totale abstraction, l’envoûtement fait effet, le gag est passé et on se soulage dans la répétition, on s’envisage dans l’environnement. On regarde alors les éclairages aux murs, en forme de sabres Jedi, et on se dit qu’il n’y aurait rien d’étonnant à voir quelqu’un décrocher les sabres et nous adouber sur la scène puis quitter la pièce en marchant sur nos têtes. Sur ce, je m’arrête. Les épisodes mentaux se sont tellement bousculés dans mon esprit qu’il serait vain de les énumérer, d’autant qu’ils ne sont d’aucune utilité dans le cadre de cet exercice d’appréciation. En conclusion, cette session a stimulé mon imagination tout le long et c’était tout à fait appréciable. Les formes musicales revêtues par Shit And Shine sont diverses et dignes d’un intérêt tout particulier. Ainsi, je conseille vivement leur écoute, malgré les réactions déçues du public ce soir-là. sleafordsheffield Puis les Maîtres/Mots/Mods ont lâché les chiens, et nous regardaient nous débattre dans la fosse, nos corps policés soudainement déformés par l’agitation et l’excitation, la sueur coulant le long de nos faces de fion… On buvait avidement la bile verbale régurgitée par Jason Williamson tout en ayant l’impression que nous étions également pris pour cible dans leur vindicative déclamation. Jason, le furieux prédicateur lucide devant des hordes de fanatisés, levant leurs poings, arborant tous les signes de la servitude face au tyran, et Andrew Fern, en observation, le bouffon ricanant, contemplant avec sarcasme, une canette de bière à la main, ce spectacle désopilant, expression pure et simple d’une vésanie galopante, se glosant du désordre généralisé, de l’anarchie qui y régnait. C’était tellement extrême qu’il ne nous restait plus qu’à crever, intoxiqués par les inhalations toxiques de purin, comme l’international de rugby britannique Nevin Spence. On n’y comprenait pas grand-chose, de leur logorrhée notthingienne, le slam était véloce mais l’accent féroce. Le mot « down » sonnait « daahn », « just »/ »joost », « town »/ »taahn », tout cela était bien difficile à assimiler, non propice à l’intelligibilité, et l’accent n’aurait pas été plus compréhensible si on l’avait écouté « on the telleeeh!!! ». Sauf les « fooook » (« fuck ») et les « cont » (« cunt »), qui pour le coup étaient parfaitement audibles et répétés à foison, et nous en redemandions, comme des couillons. Oyez, oyez, ce soir au menu indé, « fuck et cunt » à volonté. C’était à faire grimacer un Mark E. Smith, pourtant maître incontesté de la déclamation acerbe et abrasive. les slogans et lynchages sur la place publique, « sack the fôôcking manager » ( dans l’excellent titreFizzy sur Austerity Dogs sorti en 2013). Ouais ! « I fuckin’ hate rockers« . Ouais ! « Fuck your rocker shit. Fuck your progressive side sweeper tattoos » (ce qui explique pourquoi on pouvait se sentir quelque peu concerné par leurs assauts répétés). Hé hé ! Nous les petits troufignons en quête de quintessence et d’énergie brute. SP Première claque dans la fââââââce d’entrée de jeu avec le premier titre évocateur, Bunch Of Cunts (TISWAS EP, 2014, Invada) et les premières paroles : « Bunch of cunts! Bunch of… Bunch of absolute cunts bang-banging… » ont bien posé les jalons de cette exquise humiliation. Et pendant que me laissais divaguer dans la fosse à l’instar de mes comparses, et que je me faisais insulter, me recevant les postillons délicieux d’un Jason enragé… je me voyais en petite bourgeoise délurée, avide de sensations fortes, et je repensais au film Baal de Viktor Schlondorff et à cette jouissive pulsion-répulsion pour un prolo poète sans scrupules ni émotions incarné par un Rainer Fassbinder/Jason Williamson tout en sensualité mais irascible à volonté. Fallait l’admirer, l’argonaute bien charpenté ; avec sa bedaine et ses gros muscles sous son polo mouillé…. Euh moulé… Je comprenais bien pourquoi je me laissais aussi facilement manipuler… Ceci dit, la prosodie de Williamson était remarquable, les variations, le rythme, la tonalité, la quantité syllabique, les modulations étaient parfaitement maîtrisés et concourraient à procurer des impressions de la plus haute intensité. C’était saisissant ! Certaines séquences oratoires s’achevaient par des « PPFFFRRR, BLAAARGH » et autres onomatopées complètement régressives, vulgaires, qu’on se proférait par le passé dans la cour de récré. Cela réactivait assez étrangement les quelques épisodes incohérents de la vie d’enfant, les humiliations publiques et les « Bouhou houu pfff na na na ! Wouah l’autre, ha ha ha, na na na. Ha trop drôle trop nuuuuul ! » Et il me semble que cette propension à pratiquer cette forme d’humour sarcastique voire cynique, de déclamer des vérités crues en ricanant, et tourner systématiquement les gens en dérision semble être une caractéristique bien britannique. Le cynisme est une bravade contre des valeurs et des principes de société qui semble davantage incorporé à l’humour quotidien des jeunes Anglais. A côté, nous passons pour de vraies poules mouillées. Les textes et les attitudes dénoncent à la perfection les vices modernes d’une société, les affres d’une vie de prolo, la bourgeoisie compassée, toutes ces thématiques ô combien mobilisées en littérature mais aussi aussi en musique, qui finalement fonctionnent parfaitement chez eux et en toute légitimité. Jobseeker! (dans l’album Chubbed Up, The Singles Collection sorti en 2014) : « So Mr. Williamson, what have you done to find gainful employment Since your last signing on date? Fuck all. I’ve been sat around the house wanking, And I want to know why you don’t serve coffee here. My signing on time is supposed to be ten past eleven, It’s now twelve o’clock ! And some of you smelly bastards need executing« . Tout cela n’est pourtant pas bien subversif tout compte fait mais si diligemment mené et avec intégrité ! C’est un concert dont je me rappellerai, mobilisant toutes les aspirations scéniques auxquelles je rêvais. Fidèles aux Instants Chavirés, qui les avaient déjà accueillis en 2013, inconnus à l’époque, ils ont tenu à renouveler cette collaboration alors même qu’ils ne cessent aujourd’hui d’être sollicités et cooptés du fait de leur récente notoriété. Ils l’ont également connue, cette longue traversée… La solitude du coureur de fond (nouvelle d’Alan Sillitoe, originaire également de Notthigham). Ce n’est pas juste un groupe de mods-eux, et au-delà de la filiation et des références indés à apporter, ils détiennent une force certaine que bien d’imposteurs, et même par le passé, pourraient leur envier. So cheeeeeeers ! Je jure fidélité. Pjuff, il n’y a pas d’onomatopée du crachat, je me contente alors de ça.

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