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Queen size

Publié le 07 mai 2015 par Lifeproof @CcilLifeproof

Mercredi 06 mai 2015, 13h 30, il fait beau et j'entre au ''Me collectors room'' afin d'y visiter l'exposition ''Queen size''. L'intitulé de celle-ci désigne l'une des plus grandes tailles de lit existante. L'objet qui accueille si bien notre horizontalité endormie, symbolise le lieu où l'être humain et dans ce cas plus particulièrement la femme, rêvera, cauchemardera, découvrira sa sexualité, donnera la vie et où sans doute elle s'éteindra.

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Patricia Piccinini "Balasana" (2009)

L'exposition est découpée en trois salles. J'entre dans la première dédiée à l'enfance de la femme en devenir. Face à moi, en lettres de néon, brille le mot ''Égoïste''. Dans ce cas, l'œuvre de Sylvie Fleury évoque l'égocentrisme de l'enfant, comment sa perception du monde part de lui. Ce premier assemblage d’œuvres souligne l'innocence, la curiosité, la naïveté, l'impulsivité, le fait d'être sans but et de jouir simplement de l'instant présent. ''Yes'' clamé 16 fois dans un tableau de Louise Bourgeois, tel un hymne à la vie. L'enfance est ici une sorte d'état virginal où tout est en construction, ouvert sur le monde. C'est une période de rêverie, de jeux, d'émerveillement mais déjà point à l'horizon la collision entre auto-déterminisme et hétéronomie, entre l'auto-perception et celle qu'autrui à de nous.

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Louise Bourgeois ''Yes" (2004)

Je suis la ''Bloodline'' de Kiki Smith qui prend sa source dans la première salle, traverse la deuxième et me conduit jusqu'à la dernière. Ces perles de verre rouges jalonnent l'existence d'une femme et font allusion à ses menstruations, à la perte de sa virginité, à l'accouchement de son/ses enfants. Dans cette seconde pièce il est question de la puberté avec notamment des œuvres de Rineke Dijkstra ou encore d'Alex Mc Quilkin, de la sexualité avec des travaux de Bettina Rheims ou encore de Marlene Dumas, de la vie d'adulte, d'être une femme.

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Kiki Smith "Bloodline" (1994)

Dans la vidéo ''Teenage day dream : In vain'' d'Alex Mc Quilkin, on voit une adolescente rêveuse, se maquillant, jouant avec ses cheveux...ses poignets sont ensanglantés malgré les bandages. Des questions telles que : comment est-ce que je me considère ? Comment me perçoivent les autres ? habitent cette étape de la vie. L'identité malmenée devient une surface de projections ou encore une composante de cette manie de l'auto-mise en scène digitale. Qui contrôle mon identité ? Les autres ou moi ? Qui suis-je, qui puis-je devenir et combien d'identités puis-je avoir en même temps ? Autant d'interrogations qui parcourent les œuvres exposées à la manière d'un mur digital. ''Chambre close'' de Bettina Rheims montre des femmes qui posent devant la caméra. Elles dévoilent sciemment leur perception d'elle-même mais aussi, choisissent la manière dont le/la spectateur/trice les percevra. A contrario, dans les portraits de la série ''Females'' de Jitka Hanzlova la pose, la mise en scène n'existent pas. Les femmes se tiennent au naturel, sans fard et c'est aussi bien ainsi. Échouer, réussir, être à la recherche de soi pourrait constituer la devise de ce second volet.

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Bettina Rheims "Chambre close" (série de photos - 1991)

Finalement arrive le terme de cette exposition. A la fin surgit la mort mais avant cela, il y a la violence, l'abus et la domination sexuel comme une démonstration de force ancrée dans l'ordre sociopolitique des choses...souvent sous couvert de religion, de toutes les religions. Dans un quotidien rythmé par la guerre, le corps de la femme est alors réduit à un matériel. Les interdictions, les punitions corporelles, les humiliations, l'asservissement devenu incontournables, à la fois visibles et invisibles, provoquent la peur ainsi que le silence.

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Paloma Varga Weisz "Galgenfeld" (2003/2004)

En ouverture de cette troisième étape, se dressent trois potences érigées par Paloma Varga Weisz. Cette œuvre s'inspire d'un dessin de Rembrandt intitulé ''Elsje Christiaens am Galgen*''. La première femme condamnée que l'on voit pendre de sa potence en est la réplique en volume. S'ensuivent deux autres du crû de Paloma Varga Weisz. Nathalie Djurberg s'occupe ensuite de malmener l'église catholique et son rapport au beau sexe dans une animation à base de figurines en pâte à modeler, intitulée ''The experiment (Greed)''. L'ambiance sonore minimale, distordue et noire qui s'en dégage, vous enveloppe rapidement tandis que l'image dévoile une orgie de comportements ambivalents, décadents, écœurants. Vanessa Beecroft et ''+3 black sculptures'' ferment la marche. On voit trois corps sculptés de femmes africaines allongés sur des tables soutenues par des trépieds, ce qui nous renvoie directement à ces images d'actualité, de corps alignés à la suite d'un massacre. Elles sont surplombées d'une photographie de Cindy Sherman représentant un phallus, le ''sexe dominant''...le message est clair.

Je m'assieds, feuillette le catalogue de l'exposition et lis cette citation de Chloe Piene qui résume bien cette notion indispensable d'égalité entre les sexes : ''Queens and Kings have the same job : TO RULE''.

A bon entendeur...

Cyril

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*Galgen veut dire potence.

Pour un complément d'information, voici une vidéo présentant l'exposition en allemand, sous-titrée en anglais.

 

L'exposition est visible jusqu'au 30.08.2015

me Collectors Room Berlin
Auguststraße 68
10117 Berlin


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