Magazine Cinéma

Poupoupidou

Par Kinopitheque12

Gérald Hustache-Mathieu, 2011 (France)
Poupoupidou

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Fargo est une ville du Dakota du Nord. Mouthe une bourgade du Doubs. Ce qui les rapproche ? La météo certainement, et le deuxième film de Gérald Hustache-Mathieu (après Avril en 2005). A Fargo (1996), le réalisateur isérois emprunte un peu de l’ambiance étouffée et enneigée. Il en reproduit surtout la cocasse étrangeté (l’hyper-audition de l’écrivain, le fou à poil sur un arbre à réclamer « de la chatte » au milieu de nulle part, l’entente qui se crée avec le flic à l’aise dans les vestiaires et entre hommes). Mais dans Poupoupidou l’attirance américaine ne se limite pas au polar des Coen. Candice Lecœur (Sophie Quinton) est d’abord un cadavre abandonné dans le froid (à l’instar de Laura Palmer de Twin Peaks de Lynch, 1991, même blondeur, même bleu aux lèvres et même emballage plastique). Quand l’écrivain David Rousseau (Jean-Paul Rouve), qui se rêve peut-être en Truman Capote ou en James Ellroy, tombe sur le fait divers, ses efforts d’investigation redonnent petit à petit chair à la jeune fille du coin. Candice, comme Nicole Kidman dans Prête à tout (Gus Van Sant, 1995), est une miss météo locale qui affole son monde. La lecture cahier par cahier de son journal intime révèle une vie étonnamment calquée sur celle de Marilyn Monroe (on retiendra avec la scène de paddle ball le clin d’œil cinéphile aux Misfits de Huston, 1961), quoique la popularité du sex-symbol franc-comtois n’ait jamais dépassé les postes de télé de la région et les rayons frais des supermarchés (son image sur les étiquettes du fromage Belle du Jura).

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A trop vouloir creuser, non pas tant pour étoffer le roman qu’il est en train d’écrire mais davantage pour ne pas laisser la fin de vie de Candice dans une ombre malséante, David Rousseau finit hanté par la morte. Et à lui de tenter de se justifier quand il est surpris à la morgue penché sur le corps nu de la défunte : « Ce n’est pas ce que vous croyez ». Ce n’est pas ce que l’on croit, pourtant, quand Gérald Hustache-Mathieu lie la spirale d’eau d’un évier (les somnifères délayés avec lesquels Candice pense un instant se suicider) avec l’iris de l’écrivain, il semble que la nécrophilie ne fasse plus aucun doute. En un vertige hitchcockien (Sueurs froides, 1958), voilà l’enquêteur définitivement emporté par la morte et l’écrivain par son personnage. Certes, Poupoupidou est moins envoûtant qu’il se rêve d’être. Il n’en demeure pas moins séduisant par son ambiance (somme toute assez chabrolienne, on pense encore à l’humour pince-sans-rire de L’inspecteur Lavardin, 1985), ses personnages qui rêvent tous consciemment ou non de bannière étoilée (généralement la déco parle pour eux), les références enfin qui inspirent et que vénère Hustache-Mathieu, mais aussi parfois dont il sait avec humour se démarquer (le jeune au t-shirt jaune façon Elephant, 2003, qui cherchant à détaler comme un lapin tombe de la façon la plus gauche possible). Il nous semble aussi que Rouve y trouve un rôle qui lui sied parfaitement, sincère, doux et mélancolique (le regard dans le rétro), ce que l’on retrouve dans la plupart de ses propres réalisations.


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