Magazine Culture

{EXPATRIATION} Solidarité Féminine Djibouti

Par Tsilia
LOGO SF
Ici je vous parle de tout. De ma Doudou surtout. De couture beaucoup. De notre expatriation à Djibouti aussi.
Mais pour l’expatriation, je vous montre surtout notre vie, celle du bon côté du décor. La vie avec maison, eau courante à tous les robinets même si elle n’est pas potable. Electricité, voiture, piscine, …
Je ne vous montre pas l’autre côté. La vie de la plupart des djiboutiens, celle sans eau ni électricité, celle qui n’est plus vraiment une vie, mais plutôt une survie. J’aimerais vous montrer davantage ce côté là. Mais il est difficile de prendre cette vie là en photo. Par décence, je ne le fais pas. Personnellement, si j’étais dans leur état, je n’aimerais pas qu’on me prenne en photo. Ils ne sont pas des animaux dans un zoo, ils ne sont pas en exposition. Alors je n’en parle pas trop. Et pourtant, ce côté du décor est partout ici. Dans chaque rue, dans la plupart des quartiers de Djibouti. Dès que le goudron laisse place à des chemins caillouteux, ce décor est présent. Dès que les plaques de tôles deviennent des maisons, ce décor est bel et bien là.
Et pour vous montrer un peu ce côté des choses, je vais vous parler de l’Association “Solidarité Féminine” de Djibouti.
L’association “Solidarité Féminine” existe depuis 1995. A la base, elle est crée pour améliorer les conditions de vie des femmes séropositives de Djibouti. Peu à peu l’action de l’association s’est étendu aux femmes vivant dans la précarité, avec ou sans VIH. Elle apporte une aide moral, financière, sanitaire, alimentaire, … Par la suite, l’association étant son aide aux enfants, séropositifs ou pas.
J’ai commencé le bénévolat auprès de l’association cette semaine. Alors prépare ton thé ou ton café, ya un pavé qui t’attends juste en dessous.
• Lundi, de 16h00 à 18h30, c’était avec quelques femmes pour les aider à la couture. L’association met à leur disposition plusieurs machines à coudre, des tissus, et d’autres fournitures essentielles à la couture. Elles fabriquent des cabas, des portes-monnaie, plus de petites choses, qu’elles essayent de revendre pour se faire un peu de sous pour vivre.
Je suis arrivée en avance, ou elles en retard, peu importe. Amina est la première. Elle parle très bien le français alors je l’assomme de questions. Ou sont ranger les machines, les tissus ? Elle me montre tout, je regarde.
Ensuite Khadra et une autre arrive. Elles me regardent avec des yeux ronds, elles ne me connaissent pas. Je leur explique qu’aujourd’hui ce sera moi. Elles ne parlent pas français. Amina traduit. Une troisième couturière arrive. Je leur demande leur projet du moment. Ce sont des cabas, alors hop au boulot. Et là j’ai découvert un autre côté de la couture.
Il y a des ciseaux pour découper le tissu, mais à quoi bon ? Une entaille sur le côté et elles tirent très fort pour déchirer le tissu. C’est plus ou moins droit, et surtout très mauvais pour le tissu qui s’effiloche. Elles se battent en parlant fort pour savoir laquelle aura le tissu ave les zèbres. Je calme la dispute, il y en a assez pour trois.
Et elles commencent à coudre. Elles n’épinglent pas le tissu avant, à quoi bon ? J’essaie de leur montrer, mais elles enlèvent mes épingles juste avant de coudre… Le tissu glisse, elles appuient fort sur la pédale. Trop fort, les machines s’emballent, j’ai mal pour elles. Les points s’enchaînent en lignes complètement difformes. Elles vont trop vite pour pouvoir tenir le tissu correctement. Elles ne font pas le point arrière pour commencer et terminer leur couture. Quand il faut faire un ourlet elles plient le tissu au fur et à mesure en arrêtant la machine toutes les 10 secondes. Forcément, rien n’est droit, rien ne tient bien, c’est précaire.
Je dois les regarder comme des extraterrestres car elles me dévisagent. J’essaye de leur dire, Amina traduit pour moi. Je leur montre les épingles, je leur montre le point arrière, la pédale qu’il faut ménager. Je leur montre les lignes en biais qui devraient être bien droites. Elles me disent OUI OUI OUI. Ou D’ACCOOOOORD MADAME. Avec un accent fort, ce sont les quelques mots qu’elles connaissent.
Et elles reprennent leur couture, comme avant, comme si je n’avais rien dit. Je rigole, que faire d’autres !?
Et Khadra tombe en panne de fil pour la canette de sa machine. Je la vois sortir la canette en forçant, puis prendre une bobine de fil blanc. Et là, elle commence à enrouler le fil sur la canette à la main. A LA MAIN !? J’explose de rire ! Il fait chaud, je transpire depuis 1 heure déjà, j’ai l’impression d’être dans un autre monde et Khadra remplie sa canette à la main… Elle me regarde genre “Ben quoi ?”.
Avec beaucoup de mal je l’arrête dans sa tâche, elle ne comprend pas. Je glisse un bout de fil dans le trou de la canette, j’installe la canette dans la machine. Elle ne comprend toujours pas. Et là je lui demande d’appuyer sur la pédale. J’insiste, elle me dit que non, qu’elle doit le faire à la main. Amina lui traduit que ça ira plus vite, tu verras. Elle appuie sur la pédale. Et là, c’est grandiose !
Ce sont ses yeux à elle qui me regardent moi comme une sorcière qui aurait jeté un sort à la machine ! Elle n’en revient pas, elle appelle ses deux copines, elles viennent regarder et elles poussent des cris d’excitation ! Des OH des AHH et elles rigolent.
Elles remplissent leurs canettes à la main depuis des mois… Et je me sens utile, une fois en 2h30, je me sens utile.
Au final, 3 cabas seront terminés. Ni fait ni à faire. Aucune méchanceté dans mes paroles. Les coutures ne sont C’est cousu trop vite, et pas très bien. Mais il y a eu beaucoup de rires, de papotages, de tapes dans le dos. De bises en se disant au revoir. J’ai hâte de les retrouver !
***
• Mardi, de 16h00 à 18h30, c’était avec les enfants. Ils étaient une dizaine, à venir au compte goutte pendant la première heure. Ils sont parfois plus nombreux. Cette fois ils avaient entre 7 et 11 ans. L’association essaye de les habituer à la langue française, tout en leur offrant quelques heures de plaisir. Nous étions deux pour eux.
Ce sont des enfants qui sont habituellement noyés dans la masse de familles trop nombreuses. Ils ont besoin d’attention, de considération, d’amusement. Ils ont besoin de liberté.
Alors hier, nous avons fait de la peinture. Un grand rouleau de papier blanc étalé sur deux tables de 2 mètres chacune. Et on parle, tout en française. Certains comprennent bien, d’autres moins bien. Certains vont à l’école, d’autres non. Alors on parle, on rigole.
On fait un nuage rose, une girafe bleue, une maison verte, un arbre rouge, un lion turquoise, un rhinocéros bleu, une étoile rose, et un soleil jaune. Parce que le soleil est toujours jaune ! Quelques disputes éclatent, il veut la peinture bleue, et elle aussi. Alors on calme l’ambiance, on explique qu’on partage, qu’on attend son tour, qu’on dit merci aussi quand il veut bien prêter la peinture bleue. En deux heures on aura rempli 6 mètres de papier blanc.
Ensuite, on joue au frisbee, au cerceau aussi. Les enfants ne nous quittent pas des yeux, certains nous accrochent de leurs mains quand on s’éloigne trop. Ils parlent tous en même temps, rigolent beaucoup, font des bisous. Ce sont des anges.
A 18h00, il est temps de tout ranger, ils nous aident. Et ensuite, c’est distribution de livres. Des illustrés avec Pocahontas, Frères des ours, Winnie l’Ourson, Cendrillon. Des plus compliqué avec le Club des cinq, la Bibliothèque rose, le Petit Prince… Il y a 4 bibliothèques pleins rien que pour eux. Ils fouillent, cherchent, hésitent, de battant pour Frères des Ours ou Winnie l’ourson. Ils tombent sur le Roi Lion, et chantent la chanson en coeur. Vingt minutes plus tard ils choisissent enfin 2 livres chacun, on note tout dans un cahier et ils les rapporteront mardi prochain.
Ils disent merci, ils sourient, et nous quittent. Je n’ai pas trop envie de les quitter.
***

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Tsilia 813 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines