Du 21 au 25 Mai, comme à l’accoutumé alors qu’arrive le lundi de pentecôte, la ville la plus rock de France [Clermont-Ferrand] se transforme en capitale des Gaules, grâce au festival Europavox. Et pour cette année d’anniversaire, la programmation était riche. Côté payant : Izia, Placebo, The Dø, Selah Sue, Aaron, Jeanne Added, Dominique A, Robi, Carl Barât.. Côté découvertes et concerts gratuits : Jape, Superbesse, Napoleon Gold, Joco, Heymoonshaker et bien d’autres.
Comme pour tout festival, il est difficile de voir l’ensemble de la programmation, car il nous faut aussi gérer la fatigue sur la durée et ne pas donner toute son énergie le premier jour pour dormir les jours suivant. Voici donc une sélection exhaustive et personnelle des 4 jours passés sur le Village Arverne d’Europavox.
Day 1 : La claque Carl Barât.
Ne revenons pas plus sur ce concert dans le club Erasmus du Village. Soirée de pré-ouverture, un billet complet vous attend déjà par ici. Mais ce que nous pouvons redire, c’est que Carl a effectué le plus beau concert de ce festival. Certes ce fut court, certes la salle ne fut pas complète, certes ce n’était pas le plus connu (car il faut le rappeler, seul le monde du rock indé connait The Libertines), mais Carl ne s’est jamais pris la tête et a même fini la soirée dans un bar du centre ville, pour un DJ-Set nocturne (apparemment d’anthologie, si l’on en croit Twitter).
Jour 2 : Dodo et Selah Sue
Ça y est, le festival est officiellement ouvert. La foule est arrivée très tôt sur le site, soit pour participer aux nombreuses animations festives (funambulisme, maquillage, spectacle de rue etc.), soit pour attendre le concert de Selah Sue. Oui, dès 17h, une foule immense attend l’ouverture des portes annoncée à 18h30 pour le concert événement du soir. Et dans cette foule, des fans reprennent Raggamuffin pour France 3 Auvergne et La Montagne tandis d’autres débriefent le dernier album (« Reason ») de la jeune Belge.
Le soir tombant, la première artiste à se produire est Denaï Moore. D’origine jamaïcaine, cette résidente londonienne est la digne héritière féminine d’un Benjamin Clementine. Même si, sur la durée, on est un peu sceptique, Denaï aura fait chavirer un public venu spécialement pour la tête d’affiche, et cela se verra par la suite.
En effet, entre Selah Sue et Denaï Moore, le festival avait programmé, pour notre plus grand bonheur, les franco-finlandais The Dø. Après un premier album, qui avait tourné sur toutes les bonnes radios au milieux des années 2000 et un second passé inaperçu, le groupe est revenu en 2014 avec une bombe musicale. Qui n’a pas dansé sur Despair, Hangover & Ecstasy ? Malheureusement, le problème du dernier album est la forte présence de l’électro. Oui, l’électro est la nouvelle mode, tous les artistes s’y mettent plus ou moins (on y reviendra pour Izia). Et la musique de The Dø n’est pas toujours compatible avec les fans de Selah Sue, désirant rester aux premiers rangs ! Alors The Dø sur scène enchaîne ses tubes sans grande communication. Olivia se transforme en ninja (peut-être trop souvent) et Dan fait son autiste de son côté avec son clavier. Durant une heure, nous auront adoré voir ce groupe, mais un mot revient continuellement. Ce mot, c’est « plat ». Plat, car à aucun moment, l’envie de sauter, de se déhancher, de craquer nous aura été donnée. Et c’est déjà en ce deuxième jour que la problématique « Les soirées aux programmations trop éclectiques empêchent-elles les émotions musicales ? » est soulevée.
Le dodo fini, Selah Sue entre sur scène et on comprend tout de suite que les frissons vont très vite arriver. Du haut de ses talons de 5 cm, la Belge accompagnée de son groupe, digne des Blues Brothers dans une cathédrale, nous envoûte. Le public est en feu et Selah mélange des titres allant d’un blues rythmé à une folk rêveuse. Par moment, notamment sur des titres comme Please, on se croirait à un concert de Jamiroquaï (année 1995-2000), avec ce côté funk, jazzy et religieux. Et quand Selah s’essaie au rap, on est encore plus sous le charme. Cette fille sait tout faire et c’en est presque énervant !
Le set fini, les lumières se rallument, les techniciens commencent à ranger le matériel, tandis que le public scande le nom de Selah et demande un retour. Chouette, grâce aux fans, on aura droit à un Raggamedley version guitare sèche et ce malgré une voix éraillée. C’est officiel, on est totalement amoureux de Selah !
Jour 3 : Les Clash !
C’est reparti pour un nouvelle journée ! Au programme ce soir, Lisa Angel à l’Eurovision ou de l’éclectisme musical avec le blues d’Heymoonshaker, l’electro d’Izia et le rock de Placebo. Et cet éclectisme va rendre la soirée très tendue.
En arrivant à 17h30, si l’on croyait que Placebo avait perdu des fans à force de se répéter tout en changeant continuellement de formation, on se trompait totalement. La foule, mèches roses, mèches rouges, mèche bleues, mèches sur les yeux, est omniprésente. Clairement, Placebo marche et attire encore énormément de monde et permet une unification entre la jeune génération post Meds, la génération 20-30 ans qui veut retomber dans son adolescence (sur The Bitter End) et la génération plus de 30 ans (celle qui peut se vanter de les avoir vus au début, à l’époque Nancy Boy, tu sais l’époque « c’était mieux avant ! »).
Placebo avait donc son public de 5.000 fans pour sa soirée, mais il n’en était pas de même pour les premières parties. Les anglais de Heymoonshaker ont réussi à conquérir le cœur de quelques-uns. Mélangeant la beatbox et la guitare blues, ce duo (sans abris comme ils le disent) fut une excellente découverte. Il faut dire que les Heymoonshaker ont un petit plus dans leur bagage : la sincérité. On sent une certaine souffrance dans leur musique. Et quand ils introduisent leurs titres, on comprend la difficile vie que peuvent avoir des artistes. Est-ce la raison pour laquelle le festival avait proposé au groupe d’être l’invité fil rouge de cette 10e édition et de jouer tous les jours dans un endroit différent du village ? On ne le sait pas, mais remercions Europavox pour nous donner de telles émotions !
Après le blues, voici l’électro d’Izia. La « fille de » n’a rien d’une « fille de ». Elle est libre, indépendante et cela peut se remarquer avec son dernier album où la rockeuse adolescente est passée à des sonorités électro plus adultes. Et voilà le problème. L’électro en première partie de Placebo, ça ne fonctionne pas (Pourtant, Placebo s’y était essayé, fut une époque). Izia se sent seule et n’hésite pas à le dire : « Vu d’ici, on va pas mentir, vous avez tous des têtes de morts ? On va pas se mentir, on est la pour une heure ensemble, on va essayer de repartir sur de bonne base. Qui ne veut pas mourir ? ». Le public n’apprécie guère, même si des fans sont là pour réchauffer la salle. Personne ne bouge, seul des claquements de mains résonnent à chaque titre. « Bon, vous savez taper des mains, maintenant soyez heureux, je sais pas souriez, c’est bien de sourire ! Et puis bougez un peu de la tête. Ouais non, on va en rester au sourire et aux mains, ça vous savez le faire, taper dans les mains. Continuez de taper des mains ! ». Et puis, ultime clash, quand une jeune fille du premier rang se bouche les oreilles : « Quelqu’un pourrait amener des bouchons au premier rang, il y a une jeune fille qui en a besoin. Non mais c’est vrai, c’est dérangeant de voir les gens se boucher les oreilles. » Elle part alors en fou rire avec ses musiciens, et le public apprécie encore moins les blagues d’Izia.
De notre côté, on est agréablement surpris par les nouvelles versions plus pop de Let Me Alone ou So Much Trouble, et un peu déçu par certains titres du dernier album. La Vague version livre est une vraie réussite de 7/8 minutes, mais certains titres manquent encore de punch. Est-ce dû au public ? Probablement ! Mais, c’est dans ce genre de soirée que l’on sent qu’un concert sans public, n’est pas un concert. Izia sort après une heure de show définitivement rock sur des applaudissements timides, et en guise de dernier clash lance un : « N’oubliez pas de sourire, surtout souriez, c’est important d’être heureux dans la vie ! ».
Les clashs passés, on se dit que la bonne humeur va pouvoir revenir avec Placebo. Hélas, non ! Le début du concert de Placebo est une catastrophe. Le micro de Brian Molko ne marche pas, et le son est saturé comme jamais. Le public lève les bras au bout de 15 minutes, demande l’arrêt du concert, siffle et Brian demande avec son accent typique : « Qu’est ce qui se passe ? ». Une bronca résonne, et Brian lance : « Bordel de merde, j’entends rien de ce que vous dites » et insulte gentiment le public. Ambiance de concert tendu, où Brian rappelle qu’il parle et comprend le français et qu’on peut le traiter de connard, ça ne le dérange pas.
Une fois les soucis sonores réglés, le best-of de Placebo peut recommencer. Black-Eyed, Twenty Years, Too Many Friends, Meds, Special K, The Bitter End. Tout y passe ! « Un concert de Placebo, on le sait, ça monte en puissance au fil des titres », commentait un fan à la fin du concert. Certes, on aurait préféré que le groupe soit plus régulier, que la voix de Molko soit plus juste, mais il faut se l’avouer, c’est ce genre de concert où tu sors à la fois déçu et ravi comme jamais ! On a passé une heure à se défouler, chanter avec Brian, danser sur la guitare ou la basse de la Queen of Sweden Stefan Olsdal. On a passé une heure de concert à redevenir ce jeune adolescent faussement déprimé qui disait à ses parents : « non mais vous y comprenez rien, Placebo, c’est de la provoc’ quoi, c’est le rock, vous pouvez pas comprendre, vous êtes trop vieux ! ».
Jour 4 : La fin de la fin !
Voilà, c’est la fin. La fin, c’est nul ! Ce sentiment de vide sans savoir ce qu’il en résulte par la suite, c’est inhumain comme sensation. Et ce qui est inhumain aussi c’est de programmer une soirée Les Nuits Fauves en fermeture de festival.
Alors que le village est beaucoup plus calme en ce lundi de Pentecôte, un public jeune et familial se rue en masse pour voir Fauve, où plus précisément Les Nuits Fauves. Car oui, ce soir, il y a un concept : c’est Barbapapa, photomaton, jeux, expo dans la salle. Fauve tu vois, c’est le truc des ados quoi, tu fais la fête foraine dehors, tu fais des selfies, tu cries comme c’est pas possible dès que tu vois le signe. Je me rappelle que nous étions nombreux dans la génération 25-30 ans à aimer ce groupe, promu entre autres par France Inter. Et puis, je ne saurais l’expliquer, aujourd’hui, on le déteste et le public a rajeuni d’une dizaine d’années.
Qu’importe, on va découvrir ce phénomène pour la première fois ! Et il est vrai que l’on prend une claque quand le groupe entre sur scène. Le son est fort, l’ambiance visuelle est belle. Mais, qu’est ce que c’est inaudible. Le public crie comme si les Beatles étaient là, le chanteur raconte sa vie à chaque fin de chanson, et puis au bout de 15 minutes on a le droit au cours de chant de Fauve : « Alors à droite vous allez dire Emmène Moi, Emmène Moi, maintenant on passe au milieu … ». Trop c’est trop. On sort, on a juste envie de courir, de s’envoler et de tomber de haut pour voir si tout ça est bien réel ? Sérieux ? Vous êtes sérieux ? Je vous comprends pas les gars, ou je ne vous comprends plus ? Vous pouvez m’expliquer votre trip ?
En attendant, on se sauve des griffes de Fauve et cinq minutes plus tard, magie des festivals, on se retrouve au club d’Europavox avec un concert électro et Batman dans le public ! Ça y est, on va finir cette dixième édition d’Europavox avec un vrai groupe à l’esprit Europavox : Jape, un duo irlandais, émigré en Suède. Jamais, je n’aurais cru ressentir ce genre de sensation pour une fermeture de festival. La tête était loin très loin, dans des clubs stockholmois entourés de bobos gothiques !
Merci Europavox, et à bientôt, je l’espère, pour une nouvelle édition toute aussi fraiche, surprenante et décevante (car c’est ça aussi les festivals, on ne peut pas toujours tout aimer !)
Renaud B.