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Du vin de brasseur, ou de la bière de vigneron avec Eric Boschman

Par Elmarco

Le dernier supplément des Vins du Soir était consacré à la bière et notre ami Eric Boschman y a consacré un article aux passerelles qui existent, et font des miracles, entre le monde du vin et le monde de la bière. L'article intitulé " Des vignerons et du houblon " publié sur les vins du soir nous a beaucoup intéressé et nous le reproduisons ici pour votre plus grand plaisir, enfin, nous l'espérons brasseur, bière vigneron avec Eric Boschman

Donc, ce qu'Eric nous raconte c'est que...

" L'adage est bien connu, si l'on veut trouver les plus belles caves de Bordeaux et de Bourgogne en Belgique, c'est chez les brasseurs, surtout flamands qu'il faut se rendre. D'ailleurs, quelques uns d'entre eux sont propriétaires de vignobles, discrets, mais efficaces, dans le bordelais. Tout cela n'a rien d'une nouveauté. Ce qui est nouveau par contre ce sont les vignerons qui brassent de la bière en plus de leurs vins.

Deux mondes vraiment si différents ?

Vu de loin, comme ça, au premier coup d'œil, les mondes sont vraiment très différents. D'une part lorsqu'il s'agit de vinifier on est dans l'interprétation d'un moment, l'acmé d'une saison. Le vigneron transforme une fois par an, sauf dans quelques rares régions, le fruit du travail de toute une année. Il doit combiner la compréhension de son environnement direct, des sols, des sous-sols, de la lumière, des conditions climatiques au travers d'un fruit. Et puis, l'élevage, c'est à dire une forme d'affinage et de transformation, durera, de quelques mois à quelques années dans certains cas.

D'autre part le brasseur se doit de mettre au point une recette. Une bière, c'est avant tout une recette, stable, récurrente, que l'on doit pouvoir reproduire à l'infini. En matière de production, les éléments constitutifs du paysage aromatique du produit sont un rien plus stables et moins impactés par les aléas climatiques que les raisins d'un vigneron ; il est assez complexe d'évoquer le terroir au travers des ingrédients lorsque l'on se situe dans la bière. Les houblons peuvent arriver du monde entier, ainsi que les céréales. Certes, il y a l'eau, mais souvent elle peut être micro filtrée. Bref, il reste les levures. Et parfois on peut en discuter.

Certes, il existe, chez nous, une bière de terroir, unique au monde : le lambic. Un produit réellement exceptionnel, dû au travail d'une levure sauvage : Brettanomices Bruxellensis.

C'est d'ailleurs, à ma connaissance, un brasseur bruxellois, qui sera le premier à lancer une bière brassée en partie avec des raisins. Une collaboration entre Jean-Pierre Vanroy, le célèbre patron de la brasserie Cantillon et Pascal Delbeck, le propriétaire, à l'époque, du château Belair 1er Grand Cru B à Saint Emilion. Cela donnera la " Vigneronne ", une gueuze au merlot, une belle variante de la kriek. Le seul défaut de la chose, étant au niveau de cette fameuse brettanomices. Il fallait impérativement détruire les barriques, lors des mises en bouteilles à Saint Emilion sous peine de contamination des caves. Hors de cette magnifique histoire d'amitié entre deux géants dans leurs domaines respectifs, il y a peu de passerelles entre les deux mondes.

Et puis vint la Bush de Nuit

En fait il faudra attendre le nouveau millénaire pour que les choses changent. Hughes Dubuisson, l'homme du renouveau de la brasserie éponyme, se lance en 2008 dans la production d'une Bush de Nuit, c'est à dire qu'il a l'idée de retourner aux sources de la bière et de faire vieillir une Bush de Noël pendant six à huit mois dans des barriques ayant contenu du Nuit Saint George. C'est une affaire compliquée, car la bière est une chose fragile, qui est facilement attaquée par un tas de bactéries qui se font une joie de vivre dans le bois dont on fait les barriques. En 2015, dans la foulée, l'homme s'essaie à faire vieillir de la Bush blonde dans des barriques en provenance de Meursault. La Bush de Charmes sera la résultat de cette idée.

Mais, la Belgique n'est pas le seul endroit du monde où bière et vin font bon ménage ; en Californie, au beau milieu des vignobles de Sonoma County, se niche la Russian River Brewing Company. Là, on élabore une série de bière vieillie en barrique ayant contenu soit du cabernet sauvignon (Consecration), soit du chardonnay (Temptation), soit la Supplication (Pinot Noir). Ces bières sont annoncées comme étant des " sour ", c'est à dire des bières " acide ". La mode du vieillissement des bières en barrique est un peu complexe, car pour quelques belles réussites, il y a de nombreuses cochonneries qui sont justes infectées et assez désagréables à la consommation. Mais c'est une autre histoire.

Les vignerons qui brassent de la bière

Mais il existe aussi quelques vignerons qui se mettent à la bière. Leurs produits ne sont pas forcément élevés en barriques, mais par contre une partie du moût de la bière est constitué de jus de raisin. A Bordeaux, au Château Grand Verdus, Thomas Le Grix de la Salle, jeune homme descendant, entre autres, d'une grand-mère belge, élabore depuis quelques années la bière des vendanges. Une blonde au sauvignon pas filtrée. C'est assez remarquable de fraicheur et de fruité.

Dans le même style, et pour revenir en Belgique, l'aventure de la Brute est remarquable.. Rien ne destinait François Couvreur au métier de brasseur. Jusqu'au jour l'homme se retrouve à la recherche d'un emploi. Il aime la bière, mais guère plus. Ayant un peu de temps devant lui, il se dit qu'il va élaborer sa bière à lui. De tâtonnement en essais, ses recherches le conduisent à croiser les pas de Bruno Deghorain, un brasseur hennuyer bien connu. Ensemble ils mettent au point " BRUTE ". Une bière plutôt rousse pâle, contenant une vingtaine de pour cent de vin en provenance de Champagne et de Bourgogne. Du Chardonnay. Qui apporte une fraîcheur, mais aussi un gras assez surprenant à la bière. L'ensemble bière et vin est superbement équilibré, long en bouche, avec une amertume fine et délicate.

Il ne faut pas oublier les bières qui refermentent en bouteille, levurées avec les mêmes levures utilisées en Champagne, telle la Malheur Brut. Des bières champagnisantes en quelque sorte. le marketing est parfait et permet de jouer à la bière qui vaut largement le champagne. C'est un peu touchy, mais le succès commercial est au rendez-vous, c'est quand même ce qui compte à la fin non ?

Il y aurait donc des bières aux raisins, des bières vieillies en barriques de vins, des bières refermentées à la champenoise. Il manque des vins à la bière.
Andy, dis-moi oui !

Et c'est là qu'un sommelier pas comme les autres intervient. Il œuvre à Halle, dans une maison familiale, la sienne depuis quatre générations ; le restaurant se nomme Les Eleveurs, lui répond au doux nom d'Andy Debrouwer. Dans sa famille, la gastronomie et la créativité coule dans les veines de tout le monde depuis...pfffff, presque la nuit des temps. Au sein de son restaurant, il a mis au point le " kirr " du Pajotenland. Une dose de 5 centilitres de gueuze, complétée par du champagne ultra-brut. C'est juste magique au palais. L'amertume de la bière, ajoutée à la fraicheur, à la vivacité du Champagne, c'est juste magnifique. Et, puis, ça ouvre un univers de saveurs, de combinaisons possibles entre bière et vins.

Allez, c'est une bonne nouvelle, rien n'est figé, tout est possible, le ponts sont ouverts, les techniciens se parleront un jour et échangeront leurs connaissances respectives histoire de s'améliorer et d'un jour, pourquoi pas, d'élaborer une bin ou un vière, allez savoir. "

Eric Boschman alias @zemetre sur Twitter

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