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Grand nom et Vin de Table (VDT) & N° 24 de Vigneron

Par Mauss

Le futur proche connaîtra probablement une évolution déjà en marche, discrètement, ici ou là : oser planter des vignes, des cépages là où les lois actuelles ne l'ont pas prévu.

Exemple concret pour la suite du sujet : planter de la syrah en terres beaujolaises. Oui, cela a déjà été fait par au moins deux propriétés.

La question : si la loi n'interdit pas - dans la limite délicate des droits de plantations - à un vigneron de planter ce qu'il veut, il serait obligé de facto de mettre comme indication sur l'étiquette la simple mention "Vin de Table".

Point annexe dont je ne connais point la réponse… mais je sens qu'on va m'aider là-dessus :

est-on obligé, légalement à mettre cette mention "Vin de Table" ou le vigneron peut se contenter de mettre son nom et le nom du cépage ou l'assemblage réalisé ?

Mais la question que je souhaite traiter ici est autre :

Chacun comprend que cette simple mention n'a rien de sexy et ne va point permettre au vigneron de demander un prix équivalent à celui qu'il pourrait envisager s'il bénéficiait de la mention d'une appellation classique.

Nuance : s'il s'agit d'un grand nom du vin, style une signature reconnue de la Côte de Nuits qui se lance dans une telle opération : acquérir un beau terroir en Beaujolais et y planter de la syrah : est-ce que oui ou non ses clients habituels iront jusqu'à payer un prix en rapport avec ce nom célèbre, en ne donnant, finalement, aucune considération à cette mention "Vin de Table" ?

Chacun comprend que l'évolution actuelle et assez irrésistible des "grands vins" consiste, pour le monde bordelais, de devenir des marques ± de luxe comme le sont devenus les 8 grands (les 5 premiers du médoc + Petrus + Cheval-Blanc + Ausone) auxquels vont certainement se rattacher La Mission Haut-Brion, Angelus et Pavie.

Pour la Bourgogne et le Rhône, c'est différent : la mise en avant est celle des noms des vignerons. Ainsi, quelque soit le cru d'un Eric Rousseau ou d'un Emmanuel Reynaud, l'amateur a CONFIANCE en ce nom et se préoccupe peu, in fine, de l'appellation légale mise sur l'étiquette, partant du principe que les choses, dans le vin, évoluent comme partout ailleurs et que seule la qualité compte et pas seulement le nom.

Achtung ! Dans les faits, ce n'est pas aussi évident. Restons sur l'exemple d'Emmanuel Reynaud. Plusieurs dégustations où vous mettez à l'aveugle son Rayas, son Fonsalette,  son Pignan, son Château des Tours dans ses deux versions, mettront certainement (quoique) Rayas en tête mais les différences d'appréciation ne seront probablement pas en harmonie avec les différences de prix. Bref : le RQP ira probablement à un Château des Tours.

Et pourtant tous ces crus portent une AOC officielle. Alors, si, dans un moment d'égarement, il venait à l'idée d'Emmanuel Reynaud de planter un pinot noir quelque part hors Bourgogne, et qu'il soit satisfait du résultat… qui devra alors porter la mention "Vin de Table", pourrait-il le facturer à la hauteur de son nom ?

Toute la question de ce billet est là : dans quelle mesure les amateurs pourraient accepter de payer un vin au niveau d'une AOC - signés par un grand nom - mais ne portant que la mention "Vin de Table" (si cette mention est obligatoire) ?

Certes, tout cela doit être nuancé par un facteur critique : la quantité produite. Rayas est ainsi à 3 chiffres € alors que les Château des Tours sont produits en volume bien plus conséquent et à prix énormément plus sages.

Et en sus, de facto, cela mettrait en avant le cépage alors que la richesse majeure des vins de France est cette notion si particulière de TERROIR, résultat de plus de 1000 ans de culture de la vigne ? C'est peut-être là-dessus qu'il faut travailler : adapter les lois actuelles sur les AOC en ouvrant les possibilités de plantations d'autres cépages que ceux prévus dans les années 30 et suivantes ? En d'autres termes : s'amuser à planter de la syrah ou du riesling en Côte de Nuits, serait loin de faire l'unanimité :-).

Euphémisme majeur !

Alors, pistes possibles :

- soit avec le temps, le prestige du nom permettra au vigneron qui se lancera dans l'aventure de planter un cépage non autorisé dans la loi actuelle d'en demander un juste prix, même avec la mention "Vin de Table"… (Et là, l'exemple majeur des crus de Bolgheri qui furent pendant des années de simples Vino Di Tavola montre bien cette force des noms)

- soit le législateur en la matière, se basant ± sur les politiques libérales que veut Bruxelles et les changements climatiques qui commencent à se confirmer, décide alors de permettre la plantation d'autres cépages là où la loi actuelle ne l'a pas envisagé. Ce qui permettra alors à ces nouveaux vins d'être mis sur le marché en rapport avec leurs qualités et non seulement en fonction de la mention légale type "Vin de Table".

Le proche avenir nous le dira vite. Mais une chose est sûre : les choses vont changer. Que ce soit par une adaptation en France des lois sur les AOC ou par des nouvelles lois européennes qui sont actuellement en gestation.

Comme dans bien des domaines, le principe à respecter : évolution plutôt que révolution.

Si c'est pas une conclusion de grande sagesse… 

Va savoir, Charles !

:-)

REVUE VIGNERON N°24

De mieux en mieux ! Décidément, cette revue luxueuse nous offre des articles, des études, des présentations toujours illustrés avec classe et des contenus "texte" qui sont bien plus que de simples monographies de domaines.

Ainsi, François Mitjavile (en photo de couverture : personne ne porte aussi bien que lui des pantalons collector du XIXème !) nous raconte son voyage dans le vin. Comme par ailleurs Hervé Bizeul sublimement photographié par Mathieu Garçon. Un peu des chemins de Damas !

Les non-classés du Médoc, ceux qui sont reconnus depuis plusieurs décennies, sont là également sans oublier les grands sommeliers comme Sylvain Nicolas, le "vin" chez Guy Savoy. La Loire avec Chidaine, les vues sur les 2015 à Bordeaux par quelques pointures locales : Philippe Dhalluin (Mouton-Rothschild), Guillaume Pouthier (Les Carmes Haut-Brion), Simon Blanchard (Groupe Derenoncourt).

Superbe et complète présentation d'Ann Colgin et de ses réalisation en Californie en n'oubliant pas qu'avec Joe Wender ils sont également propriétaire de la maison beaunoise de négoce Camile Giroud. 

Articles sur Monsieur Piège, un chef parisien assez particulier chouchouté par Enzo Vizzari, Vincent Gros (Gros Frère et Soeur), et toujours un italien avec notre ami Beppe Rinaldi présenté en page 30. Un de ces jours, il faudra une étude complète sur les grands producteurs allemands : aussi bien en pinot noir comme les Wassmer, Huber,Keller qu'en riesling comm les Loosen, Prüm, Dönnhoof, Müller, Volxem et autres Diel…

Bref : cette revue est passé tranquillement d'un style de pures présentations hagiographiques à des analyses un peu plus serrées de domaines, vignerons, chefs, et autres personnalités internationales du monde du vin. Bravo pour cette évolution.

Ce qui a retenu dans ce n° mon attention : le point de vue de Gérard Margeon (page 26) sur le rôle du bois. Plus sensé que cela comme point de vue : tu meurs !


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