Pour suivre un peu ce qui se fait dans le monde du vin, niveau universitaire, notamment le DUAD (Diplôme Universitaire d'Apprentissage à la Dégustation) dépendant de l'Université de Bordeaux, on ne peut que louer ce type d'enseignement par lequel sont passés pas mal de noms maintenant connus et respectés.
Voilà une année d'études qui permet à des jeunes d'apprendre le vin avec ses aspects pratiques de la dégustation, un point absolument essentiel pour comprendre le vin, comme l'est à Paris le Club des Vins Nobles qui a été longtemps - et je crois encore - animé par Michel Bettane et Bernard Burtschy. et probablement quelques autres noms, mes passages là-haut, du temps du Père Besse, étant des souvenirs magiques. Notamment quand tous les participants qui ne connaissaient pratiquement rien des barolos, se sont levés comme un seul homme après que j'ai pu leur faire déguster un Magnum de Beppe Rinaldi (offert, bien sûr) millésimé 1967. Un vin lequel, ce soir là, a été magique.
Vous dire que ces deux membres du GJE ont non seulement payé de leur personne (comme on dit) mais également sont connus pour avoir à bien des reprises, offerts des vins pour ces dégustations de tout haut niveau auxquelles participaient également des vignerons de renom y présentant leurs crus. Ce qui doit être encore le cas.
Vous me voyez venir… ?
Sans se lancer dans un paupérisme larmoyant, chacun a compris qu'en général, un étudiant a comme priorité de se trouver un pécule pour sa nourriture et son logement. Tous n'ont pas un "papa-maman" assurant généreusement les fins de mois, loin de là.
Chacun aura aussi compris que l'Université française ne ressente pas une priorité immédiate à subvenir à des besoins qui seraient fatalement discutés par des haineux, des vindicatifs, des malfaisants, à savoir acquérir pour cette section universitaire, de beaux vins qui vont permettre à ces jeunes un apprentissage "in vivo".
Bref : et s'il n'y a aucun problème à acquérir ou recevoir des "bourgeois", des "artisans" et autres sans classement, vous imaginez aisément que ces jeunes souhaitent approcher les noms mythiques, les découvrir, les déguster, ceci étant une phase essentielle de structuration de leurs connaissances. Un peu comme ces grands chefs qui mettent un point d'honneur à faire apprécier leurs dernières recettes par le personnel afin qu'il puisse en parler en connaissance de cause à la clientèle.
Et bien, figurez vous que depuis que ces premiers en rive gauche pètent plus haut que leur cul : niet, plus rien, l'Université ne recevra plus sa caisse annuelle pour que ces jeunes puissent parler plus tard de ce qu'ils ont connu par expérience, avec de bons maîtres, et pas seulement ce qu'ils auraient pu lire dans des livres ou sur le net.
C'est tout simplement lamentable. Voilà des châteaux dont les bilans ont des caractéristiques capables de générer des dizaines de Martinez, et qui mettent la pingrerie au sommet de leurs préoccupations altruistes. C'est un comble.
Il faudrait une plume à la Zola pour lancer un "J'accuse" aux entités représentant ces excellences du vignoble !
Bien : vous allez me dire, discours classique qu'on entend dans ce type de circonstances, que si on commence "ici", les "là" vont demander la même chose, les sommeliers vont exiger un droit constitutionnel à des échantillons gratuits, et tout un tas de bêtises qui pourraient s'aligner sur le papier.
On doit réfuter cet argument. L'Université de Bordeaux et son DUAD (et d'autres de même calibre que je ne connais pas : Dijon ? Montpellier ?) doit bénéficier d'un concours particulier sans même que cela fasse l'objet d'une sorte de décret pondu par une administration en mal de nouveautés.
Que fait Davis University en Californie ? Reçoit-elle les grands noms californiens, Screaming Eagle, Colgin, Harlan ? On me le dira.
Et je n'accepte absolument pas l'argument éventuel qui serait de dire que ces zeus du vignoble offrent (et c'est à prouver) leurs vins pour des dégustations dans les Clubs des Grandes Ecoles : Polytechnique, Centrale, HEC, etc… On sait parfaitement qu'ils chassent là une future clientèle. Et rien d'autre.
Bref : il y a une certaine France qui se réveillera bizarrement un de ces jours. Et dieu sait, pour ceux qui me connaissent, que je suis loin d'avoir une statuette de Georges Marchais sur ma cheminée.
Honte à vous, Messieurs les Premiers : être incapables d'offrir chaque année une caisse de votre cru vous rapportant des millions, c'est vous rabaisser à un niveau inférieur au clodo sous les ponts lequel a lu, plus souvent que vous, le vrai sens de la vie. Je pense là à ce film magique dialogué par Audiard : les vieux de la vieille. Apprenez la vie, Messieurs, au lieu d'apprendre les bilans.
LES VIEUX DE LA VIEILLE de Gilles Grangier et dialogues d'Audiard
Et surtout ce n'est pas parce que cette attitude des Premiers 1855 me révulse que cela m'interdira, le cas échéant, d'en vanter les qualités uniques de tel ou tel millésime.
Enfin, pour rester juste, je peux vous confirmer qu'il y a d'autres classés de 1855 qui n'ont pas cette façon de voir les choses et qui offrent régulièrement leurs vins pour de telles écoles. Ils veulent rester dans l'ombre : je les respecte. Mais sachez qu'ils existent.
MODERATO CANTABILE
Plusieurs de mes lecteurs, plus avertis que ma pomme sur ce que font ou ne font pas les Premiers 1855 (desquels je dois exclure YQUEM qui anime des travaux pratiques régulièrement au DUAD avec dégustations), et en précisant que je ne parle pas, dans ce billet des Premiers de la rive droite, me signalent que, quand même, bien que n'étant plus que des locomotives sans wagon dans le monde bordelais, ces Premiers 1855 sont actifs à d'autres niveaux :
- Le GIE des neufs (donc rive gauche + rive droite) finance des travaux de doctorat
- Ce GIE participe également à la Fondation de l'Université de Bordeaux (ICI)
- et certains de ces premiers, (gauche ou droite) soutiennent financièrement Oeno One, le journal de l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISSVV : ICI)
- on doit également ajouter que la nouvelle structure "CITE DU VIN" a reçu quelques solides financements dont celui du Prince Robert de Luxembourg (Domaines Clarence Dillon) à hauteur de 1 million d'euros.
Il est bien évident que si ces efforts financiers de la part des grands noms bordelais sont à considérer pour éviter toute réduction intempestive de leur image locale, on redira à quel point ne pas offrir quelques bouteilles annuellement à une école particulièrement destinée à mettre en valeur les vignobles locaux, c'est dommageable, regrettable et tristounet.