Dieu sait combien de fois on peut faire la moue en lisant des commentaires de dégustation, que ce soit à la RVF ou ailleurs, tant les mots utilisés sont éloignés d'une approche hédoniste, manquent de sentiment réel et se veulent assez abscons pour faire bêtement sérieux.
Ce jour, en lisant (n° de décembre/janvier 2016/2017 de la RVF) page 168 et suivantes un article long et complet sur les Premiers, A & B, du classement des saint-émilions par Pierre Citerne, je suis totalement subjugué par ses mots. Non seulement il écrit avec intelligence et une véritable connaissance de ce que doit être un Très Grand Vin, mais derrière chaque mot, il y a un coeur, un sentiment, une dimension rare.Une écriture de référence.
Certes, c'est avant tout son point de vue, mais, un peu étrangement, on sent qu'il laisse une liberté d'opinions diverses à sa vision, à son appréciation des choses.
Voilà une signature de tout premier ordre dans laquelle on retrouve cette sensibilité que m'a apprise Michel Bettane. On est si loin des poncifs habituels !
Lisez ce qu'il dit sur Ausone, Troplong-Mondot, Cheval-Blanc et autres : de petites merveilles avec des mots justes, sans fioritures et sachant toucher l'amateur soucieux d'authenticité.
Pierre-Olivier Clouet, de Cheval-Blanc, a eu ce type d'impact lors de son atelier à Villa d'Este où il a simplement subjugué son auditoire par cette fusion réelle qui existe entre lui et la propriété. Comme Sandrine Garbay sur Yquem. Des pointures incontestables.
Il est clair que le monde étroit des Très Grands Vins exige un supplément d'âme que, finalement, peu de gens ont. On retrouve là l'esprit d'un Istvan Szepsy, d'un Helmut Dönnhoff, d'une Marie-Thérèse Chappaz, d'un Raphaël Coche-Dury, d'un Eric Rousseau (avec là un humour supplémentaire), d'un Frédéric Mugnier (toujours trop sérieux), d'un Anselme Selosse (deux coeurs sur chaque main) et bien sûr de quelques autres que les amateurs ont en tête.
Oui, oui : je sais ! J'eus dû ajouter le si redoutable Emmanuel Reynaud que je rapproche encore trop du fascinant Méfistophelès de Charles Gounod. Il me manque encore quelques moments de sa fréquentation hasardeuse.
:-)
Finalement, et les Producteurs venant à notre événement italien de novembre en sont une preuve éclatante, la création de Très Grands Vins exige de la part de leur initiateurs à la fois une modestie de référence qui n'a aucun besoin de s'afficher : - elle est naturelle -, et un orgueil intérieur résolument contenu.
Ce sont des seigneurs qui n'oublient jamais à quel point la terre qu'ils ont en location ou en charge reste une maîtresse exigeante, mais capable de leur donner avec une folle générosité, des exaltations rarissimes, des moments de pure émotion qu'ils aiment alors partager avec de vrais amateurs.
On ne remerciera jamais assez des hommes comme Aubert de Villaine, notre Maître à tous en la matière, qui ont cette folle passion de leurs vins au point de prendre le risque total d'affronter 94 amateurs, venus du monde entier, en leur offrant une leçon de vie où histoire et culture se marient, le temps d'une soirée, aux aléas de la création de ces Très Grands Vins.
Un grand merci à ces vignerons de l'exception, du plus que beau, qui se lèvent chaque matin avec l'exigence de la recherche de la perfection.