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Purple drank, la nouvelle drogue des ados ?

Publié le 19 décembre 2014 par Donquichotte
Le purple drank, une boisson à base de sirop à la codéine et de sprite

Le purple drank, une boisson à base de sirop à la codéine et de sprite

Depuis quelques mois, pas une semaine ne se passe sans que les termes purple drank, lean ou sizzurp, sorte de sirop à la codéine, ne soient évoqués sur la communauté Psychoactif*. Serait ce une nouvelle tendance de consommation de la codéine ? Une recherche sur Google Trend le confirme. Mais quel est cet étrange sirop, dont une recette se retrouve sur 1001cocktails.com ?

Le purple drank est un mélange associant un sirop pour la toux à la codéine et un soda, le plus souvent du Sprite. Des bonbons « chimiques », comme les Jolly Rancher, sont ajoutés pour le goût, comme c’est le cas aussi dans des shot et autres préparations fortement alcoolisées. Son nom « Purple drank » provient des US, où un des sirops codéinés disponible sans prescription contient également de la promathézine, un anti-histaminique et un colorant violet.

Le purple drank a été popularisé par les rappeurs du sud des Etats Unis. L’histoire évoque Houston, les années 1990 et le rappeur DJ Screw qui aurait , grâce à elle, « inventé » le style de musique « screwed and chopped », consistant à ralentir le rythme d’un vinyle pour donner un « son » grave et profond. Cette boisson s’est ensuite répandue dans les années 2000 grâce à de nombreux rappeurs qui en vantaient les vertus dans leurs chansons à l’exemple de Three 6 Mafia avec son single « Sippin’ on Some Syrup » en juin 2000 , et d’autres grands noms du rap américains comme Eminem, Ludacris, The Diplomats, Three Six Mafia, T.I., A$AP Rocky, Drake, Mac Miller, Kreayshawn, Nicki Minaj.

En France, l’intérêt pour le terme « purple drank » surgit début 2013. Il n’a jamais été aussi haut qu’aujourd’hui. Le purple drank suit le chemin du rap US et devient une drogue pas chère pour des amateurs en demande de sensations plus fortes que le joint. Silmarien témoigne de l’attrait de cette boisson : « En soirée, de plus en plus de lycéens ou d’étudiants (même si ça n’est pas encore énormément populaire) ramènent leurs sirops et font des mélanges. Avec de l’alcool aussi parfois (même si je trouve personnellement que l’alcool dénature l’effet de la codéine). C’est un moyen facile et plus « festif » qu’avec les cachets de se mettre « bien » en petite soirée avec des potes. »

Le sirop à la codéine avec son colorant violet n’existant pas en France, les usagers ont inventé leur propre recette à base de sirop à la codéine disponible librement en pharmacie, un anti-histaminique pour contrer les effets secondaires de la codéine à haute dose (comme la nausée ou les démangeaisons) et du sprite. Silmarien sur Psychoactif ajoute:  » En France on se sert du sirop d’Euphon (c’est le sirop « de base ») ou néo-codion, tussipax, padéryl, ainsi que de Phénergan en sirop ou en cachets écrasés pour l’effet l’anti-histaminique. Tous ces sirops et comprimés sont accessibles sans ordonnance, ce qui les rend accessibles assez facilement, malgré certains regards de travers quand on demande du néo parfois. On met entre 150 et 400ml de sirop selon la tolérance de chacun dans une grande cup rouge à l’américaine (ou grand verre du même genre), on ajouté 2 cps de Phénergan en sirop ou 2cp écrasés de Phénergan, on remplit le reste de la cup de Sprite ou autre boisson gazeuse, on met des glaçons, on mélange, et on boit. »

Quels sont les effets de cette boisson ?

Les effets de la codéine sont bien connus, ils sont en lien avec les opiacés : décontractant, déstressant et désinhibant. Les amateur de purple drank parlent d’un effet « lean ». Hororshow écrit sur Psychoactif : « les effets c’est genre un rush tu vas sentir une grosse chaleur en toi qui monte , le cuir chevelu qui va commencer a te démanger un gros smile vas s’étendre sur ton visage tu vas commencer à fermer les yeux et ton nez vas vouloir rejoindre le sol ! Après au dosages récréatifs ce qui est vraiment intéressant c’est les rêves éveillés que tu fais genre si t’es avec des amis tu vas parler à quelqu’un mais en fait tu vas lui parler dans ton rêve du coup tu vas dire quelque chose qui y’a rien avoir avec la réalité. »

Mais la codéine a aussi les effets secondaire des opiacés à savoir un risque d’overdose, surtout quand on la mélange à l’alcool, et un risque d’addiction, surtout à des doses récréatives qui peuvent aller jusqu’à 25 fois la doses thérapeutique.
DJ Screw est mort d’une overdose de purple drank et d’alcool en novembre 2000. Et d’après Tommy sur Psychoactif, les surdoses avec dépression respiratoire seraient fréquentes : « C’est une assez bonne boisson si on l’a consomme dans de bonnes conditions mais je suis un peu énervé de voir tout ces gens qui en prennent à tort et à travers pour faire comme untel rappeur sans savoir ce qu’ils ingurgitent et se retrouvent à faire une dépression respiratoire. »

Quand à l’addiction, lxsdv explique bien à la fois son processus social et culturel : « Après avoir vécu à deux de 19 a 24 ans malgré une année erasmus, je me mets à 24 ans a prendre mon petit appartement seul. Et la face a cette solitude, je suis ici seul chez moi les nuits avec mes joints et ma musique mon rap du sud…….lean lean lean syzzurp …dat drank….dat purp….. Oh et puis c’est pas de tester qui va me tuer …… Google….cinq minutes plus tard apparaît neocodion…. Direction pharmacie. Bonjour je voudrais du sirop neocodion pour toux sèches svp…….3 euro et des poussières. Un sprite…..mélange…..pour la promethazine? Ca a pas l air le plis important…… Je bois….je fume…. J ai demandé des xanax a mon généraliste. Booooom le trio canna codéine anxiolytiques……
2010 2011 un flacon de neocodion tous les deux jours en moyenne…je pense pas à l’addiction. 2012 un flacon tous les jours. Début 2013 je découvre par le hasard euphon. Plus de codéine par flacon. ….4 euro 18……cinq euros avec une limonade discount et j ai mon lean. Eté 2013. Je vais voir l UTDT de ma ville: ils me disent reviens demain on te met sous SUB…. je reviens pas. J arrêterais tout seul…. été 2014 après de quatre ans de relation avec cette fille, je craque….trop de solitude. …les potes se marient. ..les bébés. Même les grands célibataires se casent….. Patatras je décide d’aller à la clinique psy de repos. La bas en une semaine je me sèvre. Quand je sors je n ai plus envie de Lean…
Si j ai arrêté une fois en une semaine alors je pourrais y arriver à nouveau. pharmacie et rebelote…
 »

Le surgissement du purple drank et la récente polémique sur le Kanavape montre les évolutions des pratiques dans lesquelles l’interdit pénal est contourné, oublié ou inutile : un soda, des sirop contre la toux en vente libre, un cannabinoïde non interdit. Dans les deux cas, c’est le lien au plaisir qui est au cœur du débat, et cette tendance aussi ancienne que l’homme à explorer des substances pour en jouer.

Comment y répondre. Laissons à celles et ceux qui croient qu’il suffit d’interdire réclamer la pénalisation et l’interdiction du soda, des sirops et autres anti-tussifs, de tous les cannabinoides suspects du moindre effet…
Pour notre part, ces phénomènes sont l’illustration du besoin d’un double travail :
– éducatif, car c’est dans l’éducation donnée à l’enfant que se construit un rapport plus libre à son plaisir, fondé sur des capacités de contrôle, et l’absence de ce type de travail an France ne peut qu’être à nouveau regrettée…
– de réduction des risques, car quelque soit le socle éducatif, il y aura à l’adolescence des expérimentateurs, des preneurs de risques, notamment par gout de la sensation.

Enfin, cette apparition du purple drank sur les plateformes internet de consommateurs de produits psychoactif confirme leur capacité de précurseur pour repérer les tendances de consommation. C’est par exemple ce qui s’était passé avec la méphédrone (nouvelle drogue de synthèse) en 2008, qui était apparue sur ces plateformes un an avant d’entrer dans l’espace médiatique. Même si cette tendance reste à confirmer, c’est un des nombreux apports de ces communautés internet, qui change la manière dont les consommateurs ont de s’informer et d’échanger sur leur pratique d’usage.

*Psychoactif est une plateforme communautaire francophone dont l’objectif est de réduire les risques liés à la consommation de drogues licites ou illicites.


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