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Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Par Kinopitheque12

J. J. Abrams, 2019 (États-Unis)

Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Depuis très longtemps, tout au long de ce chapelet d'épisodes qui fait vie, nous sommes censés avoir appris à mieux maîtriser nos émotions, à ne pas nous laisser dominer par de vaines espérances à chaque nouveau chapitre annoncé, à ne pas non plus nous laisser envahir par la colère en cas de plaisir gâché. A l'instar de Rey en passe de devenir Jedi, le spectateur le plus sage pourrait certainement désormais s'élever dans les airs en position du lotus et faire tournoyer les neuf épisodes autour de lui pour les ré-apprécier et sempiternellement examiner sur la balance ce qui des défauts ou des qualités paraît trop lourd ou pas assez. Mais à présent que l'Episode IX est sorti en salles, comment appréhender cet opus qui boucle à la fois une trilogie récente et un ensemble en neuf parties entrepris depuis 1977 ?

Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Force est de constater que les choses qui nous semble le plus réussi ici, ce qui en tout cas suscite en nous le plus d'émotion, relève du sépulcral. A croire que ce n'est qu'en puisant au fond du tombeau refermé en 1983 ( Le retour du Jedi de Richard Marquand) que les promoteurs de Star Wars en tirent le plus captivant. J. J. Abrams et Chris Terio, qui reprennent le scénario, pénètrent dans le caveau, s'enfoncent dans les profondeurs de la Force et en ramènent l'empereur des ténèbres en personne, Dark Sidious. Au-delà de la nécrophilie de Rogue One (Gareth Edwards, 2016, à mes yeux le meilleur épisode Star Wars de ces vingt dernières années), Abrams recourt à la science du nécromant pour ramener Palpatine, ou ce qu'il en reste, d'entre les morts. Ainsi, le réalisateur du Réveil de la Force (2015), trouve un stratagème pour définitivement effacer l'erreur Snoke du récit et recouvrir Les derniers Jedi (Johnson, 2017) de l'ombre du plus puissant Sith ayant jamais existé. Et, du côté obscur, ce seigneur-ci fait peur. C'est un vieillard aux allures de cadavre en robe noire qui sort d'un laboratoire à refaçonner les êtres. Aux confins de l'univers, sur Exegol, il est le cœur du mal absolu au milieu d'un décor à la fois salle du trône, cathédrale et arène (décor inspiré par les dessins inutilisés de Ralph McQuarrie à qui l'on doit beaucoup de l'imagerie Star Wars). Dark Sidious œuvrait donc en secret et le secret était bien gardé.

Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Comme Kylo Ren ramasse les morceaux de son masque pour le ressouder, J. J. Abrams reprend les reliques brisées par Rian Johnson dans le précédent épisode (Johnson qui, rappelons-le, avait aussi écrit ). A lui la charge de reconstruire des pans du mythe plutôt malmené depuis la " prélogie ". Il n'y a donc plus de cabotinage Jedi dans ce film, ni de contre-pieds scénaristiques, ni d'attitudes insensées (Yoda qui pratique un autodafé, Luke qui jette un sabre laser par dessus son épaule). Au contraire, Luke redevient Maître Jedi à nos yeux quand il se saisit du sabre auquel Rey veut renoncer. Le X-Wing plongé dans les eaux de la planète Ahch-To depuis l'Épisode VII rejaillissant comme un symbole puissant... Ainsi, J. J. Abrams fait un film à la fois plus respectueux et plus solide que les deux premiers volets de la trilogie Disney. Il raccorde chaque élément dans un récit épique très dense, probablement un peu trop, emprunte à tous les films précédents pour n'en ignorer aucun et tente d'en tirer le meilleur (un plan ici, une référence là, certaines idées majeures reprises ou des personnages d'arrière-plan...).

De La guerre des étoiles au Retour du Jedi (1977), George Lucas entretenait un mystère à propos des jumeaux Skywalker et de l'importance de la Force les concernant, J. J. Abrams fait de même et invente une tout autre gémellité entre les beaux personnages de Rey et Kylo Ren (Daisy Ridley et Adam Driver). Ce qui d'abord nous plaît, c'est cette astuce à la réalisation, un champ (de Force !) et contre-champ pour les connecter et les mettre en relation malgré les distances qui physiquement les séparent (même si ce n'est pas neuf, puisque c'est aussi ce que faisait Murnau entre le comte Orlok et Ellen dans son Nosferatu de 1923). Le lien qui unie Rey la blanche et Ben le noir est si fort qu'il est parfois possible lors de ces discussions de télépathes d'agir matériellement où l'autre se trouve, ce qui donne lieu à d'autres jolies idées comme ce sabre qui passe d'une main à l'autre.

Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker
Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Certaines répliques restent immédiatement en tête, comme celle d'un dirigeant du Premier Ordre (devenu entre temps Dernier) à la vue d'une flotte immense de vaisseaux guidée par Lando sur le Faucon Millenium et apparue soudainement pour soutenir la Résistance : " Mais ce n'est pas une armée... ce sont des gens ". On pourrait croire la ligne de dialogue inspirée par quelque mot fameux dit à Versailles ou à Paris au moment de la Révolution. Le regard soutenu de C-3PO peut aussi un instant nous toucher, notamment quand il répond à Poe et dit regarder une dernière fois ses amis. Lors de cette scène, on se rend peut-être davantage compte que les personnages de ce film sont parvenus à leur fin : nous séduire. Rey et Kylo Ren certainement, Poe Dameron (Oscar Isaac, prenant la place de Han Solo dans l'archétype), Finn (John Boyega) et bien sûr quelques anciens... Tous ou presque nous ont donner envie d'embarquer avec eux.

Puisque nous insistions sur l'inflexion donnée par la mort à cet épisode, au moins jusqu'à la dernière bataille (et alors que le Réveil de la Force nous avait paru se trouver à l'opposé de cette idée), évoquons là un autre très beau passage, peut-être la plus belle mort de toute la saga, celle de la générale Leia Organa. Il s'agit d'un sacrifice. Rien de spectaculaire, un simple geste. Depuis la base d'Ahch-To, Leia fait appel à la Force pour communiquer une dernière fois avec son fils. Lui se bat à ce moment-là contre Rey. Un dernier souffle et la tension d'une main qui se relâche. L'effort réalisé par Leia est tel qu'il lui coûte la vie, ce dont elle avait parfaitement conscience. De là, toute la Force vacille et l'onde produite par cette vie quittée est de toute part ressentie : par Rey et Ben (dont le basculement psychologique est on ne peut mieux amené), par Shewbacca qui s'effondre (alors que la caméra prend ses distances), par le spectateur qui connaît depuis qu'il est enfant la princesse et qui repense à Carrie Fisher disparue l'an passé.

Star Wars : Episode IX – L’ascension de Skywalker

Dans le dernier plan du film, au retour des vainqueurs, J. J. Abrams s'est éloigné des cris de joie et des embrassades. Il a déplacé sa caméra un peu plus loin sans pour autant perdre de vue ses personnages et de telle manière qu'à l'image, l'aile d'un X-Wing leur serve de cadre et de protection. Davantage symbole de la saga que simple vaisseau spatial, le X-Wing, par son aile et par ce plan, porte toute la valeur dans laquelle le réalisateur de Super 8 (2011) s'est inscrit, la protection, on pourrait dire la conservation, des personnages originaux et de leur histoire... quitte à ne pas hésiter à visiter les tombeaux et à faire parler les morts, ce que certains assurément reprocheront (le manque d'originalité), ce qui par la manière d'Abrams nous a ravi.


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