Magazine Beaux Arts

Pendants solo : masculin – féminin

Publié le 04 avril 2020 par Albrecht

Assez rapidement, la confrontation des deux sexes a été utilisée pour signifier autre chose qu’un rapport strictement conjugal.

Quentin_Matsys_1513 ca A_Grotesque_old_woman National GalleryVieille femme grotesque
Quentin Matsys, vers 1513, National Gallery, Londres Quentin Massys 1513 ca Portrait d'un vieillard Collection priveePortrait d’un vieillard
Quentin Matsys, vers 1513, Collection privée

Ici, la femme se trouve sur le tableau de gauche à la fois pour suggérer une supériorité grotesque, et pour respecter le sens de la narration : elle tend un bouton de rose au vieil homme, qui le refuse de la main pour des raisons  compréhensibles  (la métaphore traditionnelle  entre la rose et les tétons ajoute encore au comique).

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van_Slingelandt 1657 Saint_Jerome_en_priere_dans_une_grotte_LouvreSaint Jérôme en prière dans une grotte van_Slingelandt 1657 Sainte_Madeleine_penitente_LouvreMarie-Madeleine pénitente

Van Slingelandt 1657, Louvre, Paris

L’appariement des deux ermites est un standard des pendants hollandais : Gérald Dou notamment en a produit plusieurs, mais aucun n’a été conservé complet.. Ici l‘arbre mort et la lanterne  (accrochée ou posée à son pied), assurent la jonction et confirment qu’il convient d’accrocher les deux saints dans l’ordre héraldique.

Cano vers 1653 St Jerome dans le desert, Prado 104 x 205 cmSaint Jérôme au désert Cano vers 1653 Madeleine penitente dans le desert, Prado 104 x 205 cmMadeleine pénitente dans le désert

Alonso Cano, vers 1653, , Prado (104 x 205 cm)

Le même duo se retrouve en Espagne, dans un clair-obscur dramatique et austère.

Cano Madeleine penitente dans le desert, coll priv 71 x 93 cmMadeleine pénitente dans le désert Cano ST Jerome dans le desert, coll priv 71 x 93 cmSaint Jérôme au désert

Alonso Cano, date inconnue, collection privée (71 x 93 cm)

Dans cette version probablement plus tardive, Cano a interverti les deux saints, homogénéisé leurs attributs et rajouté les angelots en tant que .

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 Pendants aviaires  néerlandais

Bloemaert 1632 Paysan Copyright Centraal Museum UtrechtPaysan ayant cassé des oeufs Bloemaert 1632 Paysanne Copyright Centraal Museum UtrechtPaysanne le lui reprochant

Abraham Bloemaert, 1632, Copyright Centraal Museum, Utrecht

Il y a sans doute sous-entendu sexuel dans cette scène d’une paysanne bardée de pots qui réprimande son époux maladroit (les oeufs cassés symbolisant la perte ou le gaspillage de sa virilité).

Monogrammist ISD Paysan avec une poule Amsterdam, RijksprentenkabinetPaysan avec une poule Monogrammist ISD Femme avec un chapeau de paille Amsterdam, RijksprentenkabinetFemme avec un chapeau de paille

Monogrammiste HSD, Rijksprentenkabinet, Amsterdam

 

En vuilt mijn hinneken niet te seer genaeken
Het soude lichtelyck aen de sprou geraeken Noch vint men daeghelycx sulcken gasten
Die de hinnekens nae haer eyeren tasten

Ne t’approche pas trop de ma poule,
elle pourrait attraper le coryza Chaque jour, on trouve des gens
qui touchent les poules à leurs oeufs  

A gauche la poule se réfère au sexe masculin, à droite le femme au chapeau de paille et aux seins opulents regrette que le vieux lubrique préfère se toucher les oeufs [7].

Les portraits avec coq ou poule ont été assez courants aux Pays-Bas vers le milieu du XVIIème siècke, en relation avec la symbolique sexuelle de la volaille ( (du verbe vogelen, copuler , formé sur le mot vogel : oiseau, voir La cage hollandaise).

Johannes Baeck 1654 Femme avec un coq Centraal Museum, UtrechtJeune femme avec un coq Johannes Baeck 1654 Vieil homme avec une poule Centraal Museum, UtrechtVieil homme avec une poule

Johannes Baeck 1654 Centraal Museum, Utrecht

Ce pendant adapte en version volaille le thème du couple mal assorti (suggéré par l’inversion héraldique : c’est ici l’épouse qui a pris le dessus) :

  • la jeune épouse a attrapé un coq par la patte (un amant) et fait le signe du cocu ;
  • son mari âgé tient dans sa main droite l’oeuf que la poule a pondu.

Le geste de sa femme le désigne comme un porteur de cornes (hoorndrager) tandis que son plumet ridicule et l’oeuf qu’il tâte signalent son impuissance et sa mollesse.

Hennetaster Harmen Jansz. Muller, 1595 ca, British MuseumHennetaster, estampe de Harmen Jansz Muller, vers 1595, British Museum Cornelis Bloemaert Hennetaster RikjsmuseumHennetaster, estampe de Cornelis Bloemaert, Rikjsmuseum

Toujours péjorative, la figure du « hennetaster » (le « tâteur de poule ») est au mieux celle d’un mari qui laisse sa femme porter la culotte (estampe de gauche), au pire celle d’un impuissant, comme le confirme le texte de la seconde estampe :

Vois comme le vieillard se sent avec la poule ; même une reine à sec (ie : organe déficient) voudrait aussi faire quelque chose ». [7a] Siet hoe den ouden voelt het hoen ; Eeen droge queen wil oock wat doen

HENDRICK BLOEMAERT hennetaster

Hennetaster
Hendrick Bloemaert, colllection privée

Le tableau qui a inspiré la gravure est encore plus explicite : couteau minuscule à côté de l’énorme bourse, perchoir brisé dépassant de l’énorme cage.

Philip Koninck 1650 ca Couple de cocus 1Hennetaster, estampe de Harmen Jansz Muller, vers 1595, British Museum Philip Koninck 1650 ca Couple de cocus 2Hennetaster, estampe de Cornelis Bloemaert, Rikjsmuseum

 
Couples de cocus
Philip Koninck, vers 1650

Dans la même veine des inversions sexuelles et des fines allusions, un homme montre son pot à une voisine qui tient une bougie ; derrière lui sa propre épouse nous indique qu’elle le fait cocu, probablement avec le voisin qui, en retrait, bourre d’un air entendu sa pipe avec son doigt.


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van Mieris Frans (I) 1655-57 The A resting traveller Leiden CollectionVoyageur au repos, The Leiden Collection van Mieris Frans (I) 1655-57 The broken egg ErmitageL’oeuf cassé, Ermitage

 Frans van Mieris (I), 1655-57 (21.6 x 17.8 cm)

Il est très probable que ces deux petites peintures sur cuivre soient des pendants [7b] :

  • scène d‘intérieur dans une galerie, scène d’extérieur devant une porte ;
  • symétrie entre la besace et le panier ;
  • signature unique, au centre des deux tableaux.

L’oeuf cassé

van Mieris Frans (I) 1655-57 The broken egg Ermitage gravure de Pierre Etienne Moitte 1754 escargot

Gravure de Pierre Etienne Moitte, 1754 (détail)

La gravure révèle deux détails peu lisibles sur le tableau :

  • l’escargot posé sur un caillou ;
  • la porte demi-barrée par une planche.

L’escargot joue ici un triple rôle :

  • par sa coquille intacte, il nargue l’oeuf cassé ;
  • par sa lenteur, il souligne la supposée précipitation de la porteuse et et donne une explication rationnelle au gâchis ;
  • par son caractère rampant et gluant, il introduit une notion de péché et de corruption (ce pourquoi on le trouve souvent dans les natures mortes florales, tout comme les mouches, lézards ou serpents).
van Mieris Frans (I) 1655-57 The broken egg Ermitage gravure de Pierre Etienne Moitte 1754
L’oeuf cassé, la porte mal barrée et les mains douloureusement posées sur le ventre sont autant de sous-entendus que la légende de la gravure explicite plaisamment.

Le voyageur au repos

van Mieris Frans (I) 1655-57 The A resting traveller Leiden Collection detail
Cette charge érotique rend, en contrepartie, la posture du voyageur moins innocente : sa main gauche autour du goulot, au dessus du genou vêtu, contraste avec sa main droite flasque, posée sur son genou nu, dans un relâchement post-coïtal.

La logique du pendant (SCOOP !)

  • D’un côté un voyageur, armé de son bâton et de sa besace velue, a pénétré jusqu’au fond d’un galerie, et se remet de ses efforts ;
van Mieris Frans (I) 1655-57 The broken egg Ermitage detail
  • De l’autre une fille fille au corsage défait s’adosse à une barrière inutile  en pressant sur son ventre un torchon dérisoire (voire prémonitoire)  ;
van Mieris Frans (I) 1655-57 The broken egg Ermitage oeuf
  • entre les deux, une blancheur fracturée laisse échapper un liquide glaireux

Sous l’alibi de la miniature et du lisse, toute la crudité sournoise de la peinture fine hollandaise.


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Dou 1660-65 Soldier_Bather ErmitageSoldat se baignant Dou 1660-65 Woman_bather_combing_her_hair ErmitageFemme se peignant

Dou, 1660-65, Ermitage, Saint Petersbourg

Avec leur arbre mort de part et d’autre et leur fond identique d’arcades en briques donnant sur une ville, ces deux tableaux se complètent parfaitement.

Dou 1660-65 Woman_Bather Ermitage

Femme se baignant
Dou, 1660-65, Ermitage, Saint Petersbourg

Cependant le musée conserve un troisième tableau de la même taille, qui complète parfaitement le second, sans pour autant constituer un trio (l’arbre mort sur la gauche empêche de le placer entre les deux autres.

Dou 1660-65 Soldier_Bather Ermitage Dou 1660-65 Woman_Bather Ermitage

Dou 1660-65 Woman_Bather Ermitage Dou 1660-65 Woman_bather_combing_her_hair Ermitage

Tout se passe comme si Dou avait réalisé un diptyque modulaire permettant s’associer baigneur et baigneuses en pendants parallèles ou symétriques, selon l’humeur du moment.
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Maes 1671 Portrait of a girl as Granida, in a blue silk dress with two deer coll privPortrait d’une petite fille avec un couple de daims Maes 1671 Portrait of a boy as Daifilo in an orange cloak, with a bird coll privPortrait d’une petite garçon avec un oiseau et un chien

Nicolas Maes, 1671, collection privée

Dans un décor bucolique, ces enfants évoqueraient la princesse Granida et le berger Daifilo, d’après la tragi-comédie de Pieter Cornelisz Hooft, Granida [7b]. Mais les attributs n’ont rien de spécifique à cette pièce, et se retrouvent dans d’autres portraits d’enfants de Maes. Je pense plutôt que les perles, la conque et le couple d’animaux amoureux sont une manière amusante de transposer les attributs de Vénus, tandis que le petit garçon avec son carquois (mais pas d’arc) et son oiseau favori qu’il promène au bout d’une laisse, est un Cupidon en herbe.


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Willem-van-Mieris-1683-Un-voyou-Allegorie-de-la-Colere-Kunsthistorisches-Museum-VienneUn bretteur (Allégorie de la Colère), 1683 Willem-van-Mieris-1683-Une-prostituee-Allegorie-de-la-Fierte-Kunsthistorisches-MuseumUne prostituée (Allégorie de l’Orgueil), 1684

Willem van Mieris, Kunsthistorisches Museum, Vienne

On n’a aucun élément indiquant que ces deux tableaux aient été réalisés pour une série des Sept Péchés capitaux. Ils fonctionnent en tout cas parfaitement à deux, en pendant masculin/féminin :

  • deux marginaux, un soldat et une prostituée, dans une ambiance italienne ;
  • deux lieux opposés : à l’intérieur sous les ruines et à l’extérieur devant le palais,
  • deux moments opposés : le matin et le soir ;
  • les instruments symboliques de chaque sexe : l’épée qu’on tire et la bourse qu’on remplit ;
  • deux passions également sexuées : l’une d’impulsion et l’autre de calcul.

A l’époque de Van Mieris, la représentation des péchés a vieilli, l’intérêt s’est déporté sur celle des émotions.


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1719 Miniature of Theresa Kunegunda Sobieska and her son Jean Theodore Residenz Munich
Miniature de Therèse Cunégonde Sobieska en Vierge Marie et de son fils Jean-Theodore en Saint Jean l’Evangéliste, 1719, Residenz, Munich

C’est sans doute son caractère privé qui explique le catholicisme quelque peu échevelé de ce double portrait :

  • tenant une image rayonnante de l’Immaculée Conception, l’Electrice consort de Bavière se met à rayonner elle-même ;
  • son fils, transformé en son saint éponyme, écrit lui-même l’Evangile, un aigle d’ombre (Dieu ?) tenant dans son dos l’encrier.


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Cipper detto il Todeschini 696 - 1736 Vendeur de poissons.Le vendeur de poissons Cipper detto il Todeschini 1696 - 1736 Vnedeuse de gibierLa vendeuse de gibier

Cipper dit il Todeschini, 1696 – 1736, collection privée

Un pécheur brandit un anguille tandis que son jeune compagnon joue de la flûte ; une paysanne brandit un canard mort tandis que son jeune enfant lui montre une figue.

L’opposition anodine entre les produits de la chasse (la Terre) et les produits de la pêche (la Mer) est sous-tendue par une symbolique sournoise, chaque sexe manipulant les attributs de l’autre :

  • les volailles mortes (de préférence à long bec ou à long cous) sont depuis les Hollandais des symboles virils bien connus (voir La cage hollandaise) ;
  • les coquillages (conque pubienne, huître offerte) et les poissons (voraces et fuyants) sont des caractères habituels de Vénus.


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Study of a Boy in a Blue JacketEtude de garçon a la veste bleue  Benedetto-Luti-1717-Etude-de-fille-en-rouge-METEtude de fille en rouge

Pastels de Benedetto Luti, 1717, MET

Beaucoup de virtuosité et de malice dans ce jeu de regards entre enfants : le garçon jette un coup d’oeil en biais sur la fille, profitant que celle-ci lève les yeux de son miroir pour regarder qui arrive.


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Piazzetta 1740 ca Girl with a ring biscuit wadsworth atheneum HartfordJeune fille avec une ciambella (biscuit en anneau) Piazzetta 1740 ca Boy with a pear wadsworth atheneum HartfordJeune homme avec une poire

Piazzetta, vers 1740, Wadsworth Atheneum, Hartford

Le pendant illustre deux expressions italiennes :

  • côté garçon : « cascare come pera cotta » ( ‘tomber amoureux comme uen poire cuite) ;
  • côté fille : « non tutte le ciambelle riesco no col buco » (toues les ciabelle ne sortent pas du four avec un trou).


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Barbault Jean La sultane grecque 1748 LouvreLa sultane grecque Barbault Jean Un Pretre de la loi 1748 LouvreUn Prêtre de la loi

Jean Barbault, 1748, Louvre

« En fait la « sultane » est un homme, un peintre pensionnaire de l’Académie de France à Rome, et le tableau un souvenir de la mascarade de 1748. Les jeunes artistes du palais Mancini avaient l’habitude d’organiser à l’occasion du carnaval un cortège pantomime très apprécié des Romains : celui-ci, sur le thème de la Caravane du Grand Seigneur à la Mecque, eut un tel succès que le Pape Benoît XIV tint lui-même à y assister incognito. En fait, tout n’était qu’illusion : les Sultanes ? Des jeunes gens. Les somptueuses soieries ? Des toiles peintes. Les zibelines qui bordent manteaux et houppelandes? Du lapin… Mais par la magie d’un pinceau sensuel et inspiré qui transcende tout, on y croit. »  [8]

Il n’est pas sûr que ces deux panneaux aient fonctionné en pendants. C’étaient plutôt les éléments d’une série, dont voici un troisième membre :

Barbault Jean Un garde du Seigneur 1748 Musee de Narbonne

Jean Barbault, Un garde du-Seigneur,1748, Musée de Narbonne


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Mengs 1754 le plaisirLe Plaisir, MET, New York Mengs 1754 La veriteLa Vérité, Museum of Fine Arts, Houston Mengs 1754 innocenceL’Innocence (copie)

 Pastels de Anton Raphael Mengs, 1754

Les trois allégories sont conformes à l‘Iconologie de Ripa, tout en supprimant les attributs trop rhétoriques, démodés :
:

  • Plaisir : « un beau jeune garçon, âgé d’environ dix-sept ans. Il porte en la tête une Guirlande de roses, et un habillement vert <avec quantité d’hameçons attachés à un filet, et un Arc en Ciel, qui aboutit d’une épaule à l’autre> ». Iconologie, édition française, 1743, article CXXVII
  • Vérité : ‘« une jeune fille nue, qui tient de sa main droite près de son coeur une pêche avec une seule feuille, <et dans la gauche une horloge>. La pêche est l’antique hiéroglyphe du Coeur, et sa feuille de la Langue… elle enseigne que le Coeur et la Langue doivent être conjoints. «  Iconologie, édition italienne, 1593
  • Innocence : « Jeune Vierge vêtue de blanc avec sur la tête une guirlande de feurs, et un agneau dans les bras… L’Agneau symbolise l’Innocence car il n’a ni force, ni volonté de nuire, ni d’offenser, ni de s’embraser dans un désir de vengeance, mais il supporte patiemment, sans répugnance, qu’on lui prenne et la laine et la vie » édition italienne, 1593

Ainsi ce trio très inventif, nous dit que la rencontre  explosive du Plaisir et de l’Innocence doit être modérée, au centre, par l‘exigence de la Vérité.


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Van Loo (Charles Amedee Philippe) Les bulles de savon 1764 National Gallery of Arts WahingtonLes bulles de savon Van Loo (Charles Amedee Philippe) La lanterne magique 1764 National Gallery of Arts WahingtonLa camera obscura

Van Loo (Charles Amedee Philippe),  1764, National Gallery of Arts, Wahington

Van Loo utilise des pendants ovales pour répartir  ses six enfants entre deux lucarnes « oeil  de boeuf » : une fille et deux garçons, un garçon et deux filles . Ce mélange des sexes  montre bien que le goût n’est plus aux symétries faciles, tout est fait au contraire pour les brouiller : formes, couleurs, mouvements, l’oeil rococo valorise avant tout le raffinement, la distraction, la surprise. Au point qu’il est difficile de décider l’emplacement des deux pendants .

C’est dans la profondeur que se trouve la solution, et que se  joue l’unité entre les deux  :  à gauche, une bulle de savon va s’échapper vers l’extérieur, vers le tablier  tout prêt à la recueillir ; à droite, la « camera obscura » du père est brandie à l’extérieur  pour observer, sur l’écran en face arrière, le miracle de cette bulle qui vole.

Ce qui réunit les six enfants, ce qui capte intensément leur attention,  c’est l’attente imminente de cet envol.


Van Loo (Charles Amedee Philippe) L'artiste et sa mère 1763 Coll particuliere

L’artiste et sa mère  
Van Loo (Charles Amedee Philippe),  1763, Collection particulière

Ces deux pendants viennent compléter un autre « oeil de boeuf » expérimenté l’année précédente. Le peintre s’est représenté dans une complicité joyeuse avec sa mère, tenant le menton ridé de la vieille femme comme au petit jeu de la barbichette,  pour la faire encore une fois sourire.


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Ieon Frederic Le peintre et son modele 1882 B Ieon Frederic Le peintre et son modele 1882 A.

Le peintre et son modèle
Léon Frédéric, 1882, collection privée

Dans ce double portrait très rimbaldien, Léon Frédéric inverse les positions traditionnelles pour nous montrer qu’il ne s’agit pas d’une vue côte à côte d’un couple amoureux, mais du portrait face à face d’un autre type de relation, celui du peintre et du modèle. En nous montrant derrière la jeune fille la cloison en pleine lumière de l’atelier, et derrière-lui la cloison à contre-jour , il amorce une réflexion sur ce qui se voit (les habits, les bibelots dorés, les bijoux) et sur ce qui ne se montre pas (le squelette, les esquisses, les livres).

Plantée dans son crâne du côté de la création, l’échelle traduit toute l’ambitions de ses vingt six ans.


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France 1880 ca Faucon Pendants coll priv

La dame et son fauconnier
France, vers 1880, collection privée, 190 x 52 cm

Ce pendant très décoratif invite, en taille réelle, deux personnages d’un Moyen-âge idéalisé, repensé selon les conventions bourgeoises :

  • pose avantageuse, haute stature, fine moustache, tête et main nue pour l’homme ;
  • pose pudique, taille menue, coiffe et gant pour la femme.

Chacun ne s’intéresse qu’à son propre rapace, tenu au bout de l’index en signe d’animalité maîtrisée. Reste l’éventualité toujours possible d’un retour du refoulé : échappée l’un vers l’autre du couple d’oiseaux  et rapprochement subséquent entre la lady et le garde-chasse.


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A_Swedish_Fairy_Tale_La princesse et le berger Prinsessan och Vallpojken(Carl_Larsson 1897)_-_Nationalmuseum_-_23889

Conte suédois – la princesse et le berger (A swedish fairy tales -Prinsessan och Vallpojken)
Carl Larsson, 1897, Nationalmuseum, Stockholm

Ce triptyque, qui fait partie des quelques oeuvres symbolistes de Larsson, est factuellement un diptyque : la partie centrale, sculptée, n’est qu’une sorte de cadre élargi, dont les têtes de roi et de reine font écho aux deux personnages peints : le berger et la princesse.

Plutôt que d’illustrer une histoire précise, les panneaux mettent en place un sorte de quintessence du conte, une énergie symbolique exploitant trois polarités croisées : sculpture/peinture, femme/homme, jeunesse/vieillesse.

Un tiers-exclu échappe à ces couples: il est peint mais réduit à une tête comme celles du bas-relief ; il n’est ni homme ni femme, ni vieux ni jeune, mais simplement monstrueux : c’est bien sûr la tête coupée du troll roux, portée à l’envers par la princesse, et qui continue à la reluquer d’un oeil  haineux.

L’histoire est facile à comprendre : le troll tenait la princesse en son pouvoir, le berger lui a coupé la tête et rendu la princesse à ses parents, la reine éplorée et le roi reconnaissant.

Larsson Sankt Goran och Prinsessan 1896 lithographie

Saint georges et le dragon (Sankt Göran och draken)
Larsson, 1896, lithographie

Cette lithographie, exécutée l’année précédente, constitue déjà un triptyque en puissance :

  • la princesse et la tête coupée,
  • un chat dormant prés d’attributs royaux (manteau, couronne et sceptre),
  • le berger avec son épée saignante et son olifant.

Associés aux trois fenêtres, trois textes explicitent le contexte  :

  • la gravure « Saint Georges et le dragon » rappelle le devoir sacré  de délivrer  une princesse ;
  • un almanach (Almanakt) suspendu à un clou dit que nous ne sommes pas dans une histoire sérieuse ;
  • la gravure « De sju v(ise) » – probablement les sept vierges sages  – souligne la pureté de la princesse.

Le chat endormi nous invite une interprétation réaliste et humoristique : deux enfants à la tête farcie de contes se sont déguisés pour jouer au berger et à la princesse, autour de ce  dragon bien inoffensif.

Mais les trois attributs érectiles du berger – l’olifant, le plumet et la grande flamberge sanguinolente barrant le bas-ventre d’une vierge – comparés au nez ouvertement phallique du monstre renversé, renvoient plus ironiquement à une vérité universelle :

ce n’est pas aux vieux trolls de se taper les petites princesses.

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Georges_Braque,_1913 octobre ,_Femme_a_laguitare Centre_PompidouFemme à la guitare, octobre 1913 Georges_Braque,_1914 printemps 1914,_Homme_a_la_guitare Centre PompidouHomme à la guitare, printemps 1914

Georges Braque, Centre Pompidou, Paris

Après avoir lu de nombreux commentaires sur ces deux oeuvres, je suis resté sur ma faim. Elles sont en général le prétexte à une dissertation répétitive sur le cubisme dont elles constitueraient le point culminant, juste avant la fracture de la Grande Guerre. Personne ne s’est intéressé spécifiquement au côté « pendant », sinon pour souligner que les deux toiles ont le même format et pour justifier le coût d’acquisition important de la seconde, afin qu’elles restent ensemble. Si le cubisme avait prétendu révolutionner le pendant, on le saurait !

En fait, les deux oeuvres n’ont pas été conçues pour créer un effet d’interaction ni même probablement pour être accrochées côte à côte : ce sont deux variantes d’un même sujet, conformes à la méthode expérimentale que Braque et Picasso suivaient ensemble en ces années-là, dégagés de la nécessité de vendre par la rente mensuelle de Kahnweiler.

 

Les signes communs

Dans la raréfaction de signes organisée par le cubisme, notre oeil naïf a tendance à survaloriser ceux qu’il reconnaît : on peut comparer les deux guitares inclinées identiquement, les deux mains droites, les volutes en bas qui doivent évoquer celles d’un fauteuil ou d’un guéridon, et les deux « portraits ».

 

Georges_Braque,_1913 octobre ,_Femme_a_laguitare Centre_Pompidou detail Georges_Braque,_1914 printemps 1914,_Homme_a_la_guitare Centre Pompidou detail

Chevelure bouclée, yeux clos, lèvres fermées, médaillon et courbe de la poitrine pour la femme ; oeil et bouche ouverte, noeud papillon chez l’homme : le strict minimum pour justifier le titre.

 

Collage et nature morte

Plus intéressante est la moitié inférieure, entre la guitare et les volutes.

Georges_Braque,_1913 octobre ,_Femme_a_laguitare Centre_Pompidou bas Georges_Braque,_1914 printemps 1914,_Homme_a_la_guitare Centre Pompidou bas

Côté masculin, l’accent est mis sur les matières, avec notamment le faux-bois, évoquant une tablette sur laquelle un verre est posé.

Côté féminin, c’est la technique du collage qui domine: on a beaucoup glosé sur l’élision du N de SONATE, et sur celle de la fin du titre, qui transforme LE REVEIL en LE REVE.

 

Jeux de lettres (SCOOP !)

Georges_Braque,_1913 octobre ,_Femme_a_laguitare Centre_Pompidou REVEIL
Le journal existait vraiment, mais sa manchette ne comporte pas le mot « ORGAN ». La principale invention verbale, dans ce collage, est donc celle de ce mot qui, à cet emplacement, revêt une signification à la fois politique, musicale, et sexuelle.

Il ne faut probablement pas surestimer ces différences, à l’appui d’un hypothétique fonctionnement en pendant.

 

Georges_Braque,1913 nov la-guitare-statue-epouvante Musee Picasso Paris

La guitare statue d’épouvante
Braque, novembre 1913, Musée Picasso, Paris

Car exactement à la même époque, Braque a produit cette nature morte avec les mêmes ingrédients : l’élision du N dans CONCERT, la suppression de la finale qui transforme « RONDEAU pour la guitare » en « ROND » (en écho aux formes de la guitare et de la table) et enfin, le collage d’un vrai imprimé cette fois, le prospectus d’un cinéma de Sorgues que Braque et Picasso fréquentaient.

La force de suggestion de l’écrit nous fait chercher cette « statue d’épouvante » que, dans une autre forme d’élision, Braque s’est abstenu de peindre.

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5. Reaching, Regina-72x48-1993-1996Reaching (Regina) Reaching-Peter-lgReaching (Peter)

Francis Cunningham, collection privée

Si Francis Cunningham ne nous avait pas livré les circonstances de cette opposition entre les corps d’une jeune femme et d’un homme âgé[9], nous ne devinerions jamais :

  • quel seul le tableau de Regina était prévu au départ ;
  • que le second est dû à l’initiative de Peter qui, voyant le premier tableau, prit la place de la modèle sur les coussins ;
  • que, si la posture de Peter n’est pas complètement symétrique de celle de Regina (son bras droit est replié sur son ventre et non au dessus de la tête), c’est que Peter est hémiplégique, paralysé du côté droit.

De quoi relativiser sur ce que l’on peut déduire des pendants une fois que toutes les sources ont disparu...

Références : [7] Paul Huys Janssen, « Johan Baeck, Painter and Soldier of Utrecht », dans The Hoogsteder Mercury, Journal 9 , https://hoogsteder.com/oldmaster/wp-content/uploads/2014/03/The-Hoogsteder-Mercury.pdf [7a] Martha Peacock, « Hoorndragers and Hennetasters », dans « Old Age in « The Middle Ages and the Renaissance: Interdisciplinary Approaches« , publié par Albrecht Classen; p 511 https://books.google.fr/books?id=izHo94woxrAC&pg=PA510#v=onepage&q&f=false [7b] https://www.christies.com/lotfinder/Lot/nicolaes-maes-dordrecht-1634-1693-amsterdam-portrait-4838174-details.aspx [8] http://www.actualite-des-arts.com/joomla1.5/index.php/publications/expositions/47-jean-barbault [9] http://franciscunningham.blogspot.com/2013/09/behind-scenes-with-pair-of-paintings.html

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