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Cagliostro (Black magic)

Par Kinopitheque12

Gregory Ratoff et Orson Welles, 1949 (États-Unis, Italie)

Cagliostro (Black magic) OMNE IGNOTUM PRO MAGNIFICO

Motivé par une vengeance toute littéraire, ne craignant rien ni personne, le Grand Cophte, à qui Welles prête sa superbe, fixe la monarchie de Louis XVI droit dans les yeux et se hisse au plus près du pouvoir. L'aventure est bien connue, l'affaire du collier de la reine défraya la chronique en son temps et depuis rencontra tant d'échos en littérature, au théâtre, au cinéma. Qu'importe l'implication réelle du thaumaturge franc-maçon, Alexandre Dumas et, avec lui, le réalisateur Gregory Ratoff ont fait de Cagliostro le conspirateur absolu, l'inspirateur de la révolution, celui par qui les événements se précipitent.

Depuis La guerre des mondes radiodiffusée en 1938, et même si l'on doit surtout aux médias la légende de la panique suscitée à partir des ondes de la CBS, on sait l'intérêt de Welles pour la mystification. Le personnage pluriel de Cagliostro, dont on n'est plus tout à fait sûr aujourd'hui qu'il portât le nom de Joseph Balsamo, ne pouvait que l'inspirer (" a swindler of a protean kind " comme le dit Bram Stoker dans sa collection des Famous impostors). Welles, avec un charisme écrasant, emporte d'ailleurs le comte hypnotiseur dans son jeu théâtral, parfois outrancier, toujours à entretenir le mystère et à préparer, d'abord par ses expressions et par son regard, ses futures manigances. L'acteur de F. for fake (François Reichenbach, 1973) entend monter les cimes, à son personnage, depuis les sommets atteints de l'illusion, de s'écraser sur le pavé.

Le film n'a rien de l'élixir de vie frelaté vendu au début du récit. Il n'a pas non plus grand chose à voir avec l'or souvent promis par le disciple d'Althotas. Ratoff et Welles ne font pas œuvre de charlatan, certes, mais l'objet n'a pas non plus tout à fait l'éclat espéré. Les deux Dumas en préambule dans le bureau du père par exemple, même si la scène offre une référence amusante au matériau d'origine (les deux romans Mémoires d'un médecin et Le Collier de la reine d'Alexandre Dumas), elle place d'emblée le spectateur dans les postiches et un artifice poussiéreux. De même, malgré une ou deux scènes qui lorgnent du côté du film de cape et d'épée (le duel final sur les coupoles du palais), Cagliostro souffre d'un certain statisme, comme si ses hypnoses répétées avaient fini par figer l'ensemble. La transformation en film de procès et l'intervention de Mesmer pour révéler toute la supercherie de l'hypnotiseur mégalomane participent à ce problème de rythme et ajoutent des maladresses de jeu, pas toujours des plus convaincants.

Cagliostro (Black magic)

Et pourtant, le film sur l'occultiste de salon réserve aussi ses surprises. Outre le personnage principal, haut en couleur même en noir et blanc, Black magic vaut également pour sa forme absolument baroque. L'influence de Welles sur toute la mise en scène paraît indéniable tant les effets visuels nombreux lui ressemblent. Les surimpressions, les éclairages sophistiqués, les placements de caméra audacieux... Les décors bien sûr servent aussi parfaitement le style. Galeries, hauts plafonds, colonnes, spirales... Le film est réalisé en Italie et le palais du Quirinal de Rome ainsi que l'église Sant'Ivo alla Sapienza servent de scènes aux tournages extérieurs. On pourrait encore évoquer les costumes des courtisans, les plans de foules ou les intérieurs chargés, car tout semble avoir été pensé pour remplir l'écran totalement.

Tandis que l'on délaisse les desseins du magicien et la suite d'intrigues qui se nouent ensuite, Gregory Ratoff et Orson Welles impressionnent surtout pour composer des scènes comme des tableaux et des collages. " His object was primarily to catch the eye and so arrest the intelligence of any whom he wished to impress. For this purpose he went about gorgeously dressed and with impressive appointments. " (Stoker). Et au milieu de ce foisonnement, alors que la reine cherche à confondre les comploteurs (Nancy Guild dédoublée) et que Louis XVI paraît toujours absorbé dans ses petites mécaniques, la noblesse feinte, le devin nébuleux avance, se venge et disparaît.


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