Le thème du pantin possède une variante asse rare : celle du Mannequin d’artiste.
Au départ, il s’agit d’un accessoire distinctif, présenté avec fierté, comme une curiosité ou un truc du métier.
Portrait d’un homme avec un mannequin
Werner Jacobsz van den Valckert, 1624, Speed Art Museum
Voici dans doute la toute première apparition, dans le champ d’un tableau, de cet objet usuel dans les ateliers des peintres. L’homme représenté ici près de son établi surchargé d’outils est sans doute le sculpteur sur bois qui a réalisé ce mannequin particulièrement élaboré.
Peintre dans son atelier
Attr. à Pieter Cornelisz. van Egmondt (anciennement à .Jacob van Spreeuwen), 1630–45, collection privée
A la suite de Rembrandt et de Dou, les portraits ou autoportraits de peintre deviennent un genre à part entière. Si les ateliers hollandais comportent souvent une ou plusieurs statues – manière de souligner la subordination de la sculpture à la peinture – ils montrent rarement le mannequin qui révèle les ficelles de l’art : surtout comme ici en position dominante, entre l’épée et le planisphère.
Jeune artiste dessinant dans un atelier
D. Witting, vers 1640, collection privée
Jeune dessinateur copiant une peinture
Wallerant Vaillant, vers 1660 ,Guildhall Art Gallery, Londres
Le mannequin se montre plus volontiers dans les scènes d’apprentissage. Le modèle en toile, plus sommaire, était un accessoire à l’usage des débutants. Mais il servait aussi aux peintres confirmés, pour étudier le tombé des étoffes en économisant le coût d’un modèle vivant.
Le peintre dans son atelier, Gabriel van Ostade
1670-75, Rijkmuseum, Amsterdam
Le mannequin est ici situé humoristiquement en bas des marches, comme s’il venait des les dévaler (sur l’autre accessoire pittoresque, le crâne de cheval, voir 2 : en intérieur).
Intérieur d’atelier
Marie-Amelie Cogniet, 1831, Palais des Beaux-Arts, Lille
Après s’être amusé à cerner de craie ses petits pieds, à côté du grand pied de plâtre, l’artiste en herbe s’applique maladroitement à faire prendre une pose au mannequin, à côté de l’écorché de plâtre.
Le paysan dans l’atelier
Heinrich von Rustige, vers 1839, Stiftung Sammlung Volmer, Wuppertal
Soupçons du chien, effroi de l’enfant et déférence du paysan : chacun réagit à sa manière à l’extraordinaire visiteur.
Dans l’atelier de l’artiste
Julius LeBlanc Stewart, 1875 Collection privée
A peine âgé de vingt ans, grâce à la fortune de son père, Julius LeBlanc Stewart avait déjà son atelier à Paris, avec tous les accessoires nécessaires : armure, hallebarde, bric-à-brac oriental, paravent japonais.
Plus le mannequin indispensable à la peinture d’histoire, dont le mode d’emploi nous est ici obligeamment montré, avec un zeste d’ironie.
L’atelier de l’artiste
Luigi Bechi, Fin XIXème
La scène de genre est plus fine qu’il n’y paraît : le vieillard n’est pas le peintre, la petite fille n’est pas le modèle. Tous deux portent des habits populaires, mais se sont endimanchés pour rendre visite au maître des lieux.
En son absence, c’est à son substitut humoristique qu’il s’agit de faire la référence : trônant sur le divan, drapé pour la pudeur et chapeauté de travers pour la blague, le mannequin à la barbe rousse tend vers la fillette une main accueillante, tout prêt à montrer à sa jeune visiteuse le contenu du carton à dessin.
Ce que les peintres sont pour les femmes,
les mannequins le sont pour les fillettes :
un objet amusant et quelque peu ridicule.
Image en haute définition : http://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/2007/19th-century-european-art-n08355/lot.116.html